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Quelles priorités éducatives ?

Que faut-il changer dans l’École pour qu’elle fasse progresser l’ensemble des élèves et réduise le poids des déterminismes sociaux ? Faut-il investir davantage ? Enseigner autrement ?
ENJEUX
DÉBAT &
CONTRIBUTIONS
SYNTHÈSES DES DÉBATS
Résumé

Avec une forte tendance à reproduire les inégalités sociales et avec des performances globales qui ne dépassent pas celles de la moyenne des pays de l’OCDE, le système éducatif français ne parvient aujourd’hui ni à tenir la promesse républicaine d’égalité et d’émancipation, ni à doter tous les jeunes des compétences nécessaires pour maintenir notre niveau de vie dans un contexte de compétition économique aiguisée.

La France doit impérativement se fixer, pour les dix prochaines années, des objectifs ambitieux, tant en matière de résultats d’ensemble que de réduction des déterminismes sociaux.

Il convient pour cela d’agir :

  • sur la définition des objectifs assignés à l’École ;
  • sur l’effort financier de la nation en faveur de l’éducation – de la petite enfance à l’enseignement supérieur – et sur sa répartition ;
  • sur les enseignements dispensés à chaque niveau ;
  • sur l’organisation du système éducatif.

La France investit moins dans l’éducation que les pays qui font mieux qu’elle sur les deux aspects (niveau global et équité sociale), notamment en ce qui concerne la scolarité primaire et préprimaire. De même, au niveau du supérieur, l’effort financier demeure en dessous des pays les plus performants (graphique 1).

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Mais un effort pécuniaire supplémentaire pour l’éducation ne saurait améliorer nos résultats sans une évolution des contenus et des modalités de l’enseignement, tout comme de l’organisation et de la gouvernance du système éducatif. Les enseignements tels qu’ils sont dispensés aujourd’hui préparent mal de nombreux élèves aux études supérieures et à l’insertion professionnelle, et ne contribuent qu’imparfaitement à leur donner les outils nécessaires à l’exercice d’une citoyenneté active. Quant au système éducatif, il se caractérise par une grande complexité et une faible efficacité dans l’articulation des différents niveaux de responsabilité.

Enfin, le numérique est porteur de transformations profondes du monde de l’éducation, qu’il s’agisse des savoirs, des méthodes d’enseignement ou des organisations. Les innovations qu’il permet doivent faire l’objet d’expérimentations et d’évaluations rigoureuses pour en tirer le meilleur parti.

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La note Enjeux de la thématique « Quelles priorités éducatives ?« 

Les données de la note enjeux de la thématique « Quelles priorités éducatives ? » :  partie 1 – partie 2

Un impératif : mieux former tous les jeunes

Les attentes à l’égard du système éducatif sont fortes, multiples, et assez largement déçues – et les comparaisons internationales étayent ce sentiment : performance globale insatisfaisante de notre système de formation initiale et de formation continue, fortes inégalités liées à l’origine sociale ou territoriale, difficultés d’insertion professionnelle d’une proportion importante des jeunes.

Ces défaillances ont un coût très important pour la France et pour ses habitants : elles pèsent sur la performance économique en raison des compétences encore insuffisantes de la population active[1] ; elles fragilisent, tout au long de la vie, les trajectoires de celles et ceux qui connaissent l’échec scolaire ; elles aggravent les divergences entre les groupes sociaux ; elles minent, enfin, la confiance en l’une des institutions centrales de la République. Les classes moyennes et populaires reprochent à l’École de ne pas parvenir à vaincre le poids des déterminismes sociaux ; et, toutes catégories confondues, les familles qui le peuvent élaborent souvent des stratégies de réussite individuelle visant, pour les unes, à assurer le succès de la reproduction sociale, pour les autres, à échapper à cette fatalité.

Sur le fond de ce constat partagé, de nombreuses réformes du système éducatif ont été engagées ces dernières décennies, sans avoir jusqu’à présent conduit à une amélioration significative de la situation. Cependant, le débat public consacré aux questions d’éducation peine à se situer à la hauteur des enjeux.

Il oscille souvent entre des controverses très générales et des polémiques ponctuelles, sans donner l’occasion d’aborder les questions stratégiques.

La décennie à venir soumettra notre système éducatif à des défis considérables. Sur le plan économique d’abord, répondre aux exigences de la compétition mondiale tout en conservant un niveau de vie élevé et en continuant à financer notre modèle social suppose d’accroître significativement le niveau de compétences de la population active. Le système éducatif doit ainsi s’attacher à transmettre des savoirs et des compétences qui permettront à chacun de faire face aux évolutions du travail, notamment celles que vont induire la transition numérique, le développement de la robotique et de l’automatisation, et l’émergence de l’intelligence artificielle.

L’École doit former non seulement des actifs capables de contribuer au potentiel d’innovation de notre économie, mais aussi des citoyens autonomes, partageant des valeurs communes leur permettant de vivre dans la même société, ainsi qu’une culture et un esprit critique les rendant aptes à comprendre le monde qui les entoure et à participer à sa transformation.

Enfin, il faut que le système éducatif garantisse que les savoirs et les compétences essentiels pour l’avenir sont acquis par chaque jeune, pour assurer la cohésion et le niveau global élevé de qualification, de savoir et de culture dont notre société a besoin.

1. Aussilloux V. et Sode A. (2016), « Compétitivité : que reste-t-il à faire ? », note Enjeux 2017-2027, mars

Des performances trop faibles et trop inégales

Une élévation sensible du niveau d’études

Au cours des quarante dernières années, la France a connu un mouvement puissant d’augmentation du niveau et de la durée des études. Il a concerné d’abord les filières secondaires générales et technologiques, puis l’enseignement professionnel avec la création du baccalauréat professionnel (1985) et le développement de l’apprentissage[2]. La part de bacheliers dans une classe d’âge a considérablement augmenté, principalement sous l’effet d’une hausse du nombre de bacheliers professionnels et technologiques.

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Dans l’enseignement supérieur, les effectifs ont été multipliés par huit depuis le début des années 1960. La France a ainsi comblé son retard en termes de part de diplômés de l’enseignement supérieur : ils sont 44 % parmi les 25-34 ans, contre 41 % pour la moyenne OCDE, alors qu’ils ne sont que 20 % (contre 25 %) parmi les 55-64 ans. Elle reste cependant en deçà de nombreux pays de l’OCDE.

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Cette « montée en études » traduit la rencontre de deux attentes. D’une part, les pouvoirs publics ont misé explicitement sur la formation des actifs pour améliorer les performances de l’économie, d’autre part, la hausse du chômage des jeunes à la suite des chocs économiques des années 1970-1980 a suscité une demande croissante d’éducation et de qualification de la part des familles.

Des performances trop faibles compte-tenu de nos ambitions

Les progrès réalisés dans l’élévation du niveau moyen d’études masquent cependant des résultats contrastés en matière d’acquisition de savoirs. Il est trop tôt pour évaluer les effets qu’auront, sur les résultats des élèves, les réformes engagées au cours des dernières années et les dernières comparaisons internationales de l’OCDE reposent sur des tests réalisés en 2012. À cette date, les performances des élèves de 15 ans (ceux qui, nés en 1996, sont entrés à l’école primaire en 2002) se situaient seulement dans la moyenne des pays de l’OCDE – dont beaucoup ont un revenu par tête inférieur au nôtre. On constate aussi, par rapport à 2003, une diminution inquiétante des performances en mathématiques et une augmentation du nombre d’élèves en difficulté dans tous les domaines. Ces difficultés, confirmées par d’autres sources (évaluations de compétences à la sortie de l’école primaire, tests de la Journée défense et citoyenneté, enquêtes sur panel d’élèves de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance – DEPP, enquête PIAAC sur les compétences des actifs), se manifestent aussi par un nombre encore élevé de décrocheurs : 110 000 élèves sortent chaque année sans diplôme de l’enseignement secondaire.

Si le taux de diplômés parmi les sortants du supérieur est parmi les plus élevés de l’OCDE (82 %), seuls deux tiers (68 %) des étudiants qui intègrent l’université obtiennent un diplôme sans réorientation. 14 % d’entre eux l’obtiennent au prix de réorientations coûteuses pour l’étudiant comme pour les finances publiques.

Toutes les données convergent pour montrer qu’en dépit de l’effort de rattrapage des trente dernières années – dont les résultats sont notables –, le niveau moyen des compétences acquises par les jeunes Français durant leur formation initiale n’est pas suffisant.

Des inégalités qui demeurent fortes

Les performances moyennes de notre système éducatif s’accompagnent de forts écarts de niveaux entre élèves. Ceux-ci s’observent dès l’école et le collège : toujours selon l’enquête PISA 2012, les performances des élèves de 15 ans sont plus inégales en France que dans beaucoup de pays de l’OCDE, avec des écarts de réussite très importants et qui se sont creusés depuis 2003.

Par ailleurs, l’élévation du niveau d’études s’est accompagnée du maintien d’un système très hiérarchisé, que ce soit dans le secondaire, entre les différentes filières, ou dans le supérieur, avec la dualité persistante entre universités et grandes écoles.

Ces écarts de niveaux entre élèves sont d’autant plus problématiques qu’ils sont étroitement liés aux caractéristiques sociales des élèves. La corrélation entre la performance en mathématiques des élèves de 15 ans et leur origine socioéconomique est parmi les plus élevées des pays de l’OCDE et elle s’est accrue depuis 2003. L’orientation par filière est également nettement corrélée au milieu socioéconomique des élèves[3] et à leur origine migratoire[4].

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Ces inégalités sont fortement ressenties : les enquêtes révèlent le sentiment qu’ont beaucoup d’élèves d’être « enfermés » dans des choix d’orientation souvent subis, mal préparés en amont et sans retour possible[5]. Ces orientations aboutissent à des inégalités sociales d’accès  à l’enseignement supérieur et aux filières les plus sélectives en son sein[6].

Enfin, les inégalités sont également d’ordre géographique, dans la répartition des élèves entre les établissements et dans les classes. Ainsi les collégiens des catégories aisées comptent en moyenne presque deux fois plus d’élèves également aisés dans leur établissement que les autres élèves[7]. Cette ségrégation scolaire, qui reflète d’abord une ségrégation résidentielle, est particulièrement forte en ce qui concerne les jeunes issus de l’immigration puisque, à 15 ans, 70 % d’entre eux sont scolarisés dans le quart des établissements qui affichent la plus forte concentration de cette population[8]. On constate également d’importantes inégalités selon le département de naissance pour l’accès à l’enseignement supérieur, qui peuvent réduire considérablement les chances d’ascension sociale dans certains territoires[9].

Une partie de ces inégalités prend racine très tôt, avant même la scolarité obligatoire : si en France la quasi-totalité des enfants sont scolarisés entre 3 et 6 ans, l’accès à un accueil collectif et la scolarisation avant 3 ans restent minoritaires et très inégalement répartis, tant entre territoires qu’entre catégories sociales[10]. Or la préscolarisation a un impact très important sur les résultats scolaires postérieurs, en particulier pour les élèves ayant une ascendance migratoire. Cet impact est particulièrement fort en France[11].

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2. Dayan J.-D. et Harfi M. (2010), « L’avenir de la formation professionnelle des jeunes », La Note d’analyse, n° 169, Centre d’analyse stratégique, mars.

3. Les enfants d’ouvriers ou d’inactifs forment la moitié des effectifs en lycée professionnel, contre le tiers dans l’ensemble du second degré. L’état de l’École. 30 indicateurs sur le système éducatif, n° 19, DEPP-MEN, novembre 2009 ; et Repères et références statistiques, DEPP-MEN, 2009.

4. Cusset P.-Y., Garner H., Harfi M., Lainé F. et Marguerit D. (2015), « Jeunes issus de l’immigration : quels obstacles à leur insertion économique ? », La Note d’analyse, France Stratégie, mars.

5. Pour un développement complet de l’enfant et de l’adolescent, Commission enfance et adolescence présidée par F. de Singly, France Stratégie, septembre 2015

6. 27 % des étudiants de 18 à 24 ans sont enfants d’ouvriers ou d’employés contre 53 % des actifs du même âge. De plus, lorsqu’ils poursuivent leurs études, ils sont moins présents dans les filières sélectives. Les bacheliers de 2002-2004 dont les parents n’avaient pas le bac représentaient seulement 15 % des élèves des grandes écoles mais 60 % des entrants en sixième en 1995.

7. Ly et Riegert (2015), Mixité sociale et scolaire, ségrégation inter et intra établissement dans les collèges et lycées français, rapport pour le Conseil national d’évaluation du système scolaire, juin.

8. OCDE (2015), Les élèves immigrés et l’école.

9. Les chances d’ascension sociale des enfants d’ouvriers et d’employés varient du simple au double selon le département de naissance. Cf. Dherbecourt C. (2015), « La géographie de l’ascension sociale », La Note d’analyse, n° 36, France Stratégie, novembre.

10. Voir les différents travaux du Haut Conseil de la famille sur l’accueil des jeunes enfants (www.hcf-famille.fr), ainsi que Villaume S. et Legendre E. (2014), « Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants en 2013 », Études et Résultats, n° 896, DREES, octobre.

11. Thévenon O., « L’accueil de la petite enfance en France et dans les pays de l’OCDE : une politique d’investissement social ? », Revue française des affaires sociales, à paraître.

Pas assez de moyens, trop d'objectifs

Des moyens insuffisants, mal répartis

La dépense totale (publique et privée) consacrée par la France au financement des établissements d’enseignement – 5,3 % du PIB en 2012 – la situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, mais assez loin des niveaux atteints notamment par la Corée, les États-Unis, la Norvège ou la Nouvelle-Zélande (plus de 6,3 %). La France reste dans la moyenne mais significativement derrière les meilleurs si l’on tient compte du nombre d’élèves et du niveau de richesse par habitant des pays : les dépenses d’éducation par élève et par étudiant représentent en France 28 % du PIB par habitant, contre 27 % en moyenne dans les pays de l’OCDE.

Elle se distingue en outre par un sous-investissement important dans le préprimaire et le primaire, alors qu’elle est dans la moyenne pour le collège et le supérieur, et très au-dessus de la moyenne pour le lycée[12]. Compte tenu du poids des premières années de scolarisation dans la lutte contre les déterminismes sociaux, le faible niveau de dépenses que la France consacre au primaire et au préprimaire apparaît comme l’une des causes de sa forte tendance à la reproduction des inégalités sociales. La priorité au premier degré, décidée en 2013 dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École, amorce un rééquilibrage en ce sens.
Au vu des données PISA de 2012, onze pays[13] comparables à la France font mieux qu’elle, à la fois sur le résultat moyen en culture mathématique[14] et sur l’impact des inégalités sociales (graphique 2).

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Comparé aux dépenses de ces onze pays, le sous-investissement français est plus marqué encore au niveau du primaire, du collège et du supérieur. Le surcroît de dépense au niveau du lycée demeure, mais est moins marqué.

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En outre, la position relative de la France s’est dégradée depuis quinze ans : entre 2000 et 2012, les dépenses par élève dans le primaire et le secondaire ont progressé cinq fois plus vite parmi les sept de ces onze pays pour lesquels les données sont disponibles.

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Le constat est similaire pour l’enseignement supérieur : la dépense moyenne par étudiant est en France à un niveau proche de la moyenne de l’OCDE (un peu plus de 15 000 USD/an), mais bien inférieure aux niveaux atteints par les pays qui dépensent le plus (Canada, États-Unis, Norvège, Suède, Royaume-Uni, Suisse, pays où cette dépense dépasse les 20 000 USD) et par les pays les plus performants (18 000 USD en moyenne).

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En matière de dépense pour les jeunes enfants, la France se situe au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Elle est même parmi les pays qui dépensent le plus par enfant en maternelle, en raison d’un taux de scolarisation proche de 100 % qu’elle est l’un des rares pays à atteindre, et malgré un nombre d’élèves maximal par enseignant plus élevé que la moyenne (26 contre 18). La dépense par enfant de moins de 3 ans est également supérieure à la moyenne de l’OCDE, mais reste en revanche inférieure de moitié à celle des pays qui ont le taux de couverture le plus élevé (Norvège, Danemark et Islande).

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Enfin, les moyens sont aussi répartis inégalement au sein d’un même cycle. Dans le primaire et le secondaire, la dépense par élève scolarisé dans un établissement de l’éducation prioritaire demeure, en dépit des moyens spécifiquement dédiés (revus à la hausse ces dernières années), plus faible qu’ailleurs, en raison du mode de répartition des enseignants qui y affecte les moins expérimentés (donc les moins payés). Dans le supérieur, les inégalités de moyens s’observent notamment entre filières : la dépense moyenne pour un élève de classe préparatoire aux grandes écoles s’élève en 2014 à 14 850 euros, contre 10 850 euros pour un étudiant d’université[15].

Des objectifs peu cohérents, un système trop uniforme, des ressources humaines peu valorisées

Plusieurs difficultés proviennent sans doute du fait que, tels qu’ils sont définis dans les textes officiels, les objectifs assignés à l’École sont nombreux et peu hiérarchisés. L’objectif d’égalité est régulièrement invoqué, sans être pour autant défini sans équivoque (s’agit-il de donner les mêmes chances à tous les élèves dans la compétition pour les filières d’élite ? d’assurer la même offre d’enseignement à tous les élèves ? de donner les mêmes chances dans la vie en garantissant que chacun acquiert les savoirs et les compétences essentiels ?). Cette ambiguïté pèse sur un système éducatif dont la société attend à la fois qu’il fasse accéder tous les élèves à un socle commun et qu’il sélectionne une élite restreinte.

À cela s’est ajoutée une multitude de missions successivement assignées à l’École, sans qu’on s’interroge sur leur compatibilité (mixité sociale, inclusion scolaire, coéducation avec les parents, partage des valeurs de la République, développement de la personnalité, éducation au développement durable, etc.) ni que l’on adapte en conséquence le contenu des enseignements ou l’organisation du système. Cette juxtaposition ne peut manquer de déstabiliser les acteurs de l’éducation.

Le système éducatif français, qui reste, parmi les pays de grande taille, un exemple extrême de centralisation, éprouve également de grandes difficultés à décliner les orientations nationales au niveau local. Les différentes étapes de décentralisation ont parfois amené à disperser les responsabilités de manière incohérente entre les acteurs. On peut en voir un exemple frappant avec la répartition des élèves entre collèges. Alors que la sectorisation des collèges a été confiée en 2004 aux départements, l’affectation des élèves et les décisions d’ouverture et de fermeture de classes sont, elles, restées aux mains des services de l’État.

Les établissements secondaires, censés bâtir des projets singuliers, disposent dans les faits de très peu de marges d’autonomie (personnels, programmes et organisation des temps scolaires imposés), sauf dans les établissements de l’éducation prioritaire et les établissements privés.

Une troisième difficulté réside probablement dans l’organisation du travail des enseignants. Selon l’enquête TALIS[16], en 2013, les enseignants français travaillent de manière très individuelle (78 % disent ne jamais observer le travail de leurs collègues en classe, contre 45 % en moyenne dans l’OCDE) et utilisent peu les méthodes pédagogiques dites « actives »[17] ou une pédagogie différenciée selon le niveau des élèves (22 % contre 44 % en moyenne). Ce problème pédagogique, dû pour partie à l’organisation disciplinaire des enseignements, peut également être imputé à un déficit de formation puisque les enseignants sont 40 % à se sentir insuffisamment préparés au volet pédagogique de leur métier en France, soit plus que n’importe quel autre pays de l’étude. La réforme récente de la formation des enseignants vise à y remédier. Le niveau de rémunération des enseignants est également relativement faible par rapport au reste de l’OCDE, en particulier pour les enseignants du premier degré, dont le salaire moyen est inférieur de 17 % à la moyenne OCDE[17-2].

En ce qui concerne le supérieur, malgré deux lois en faveur de davantage d’autonomie, l’initiative des universités françaises dans de nombreux domaines reste limitée. En matière de ressources humaines, elles ne disposent pas des leviers qui leur permettraient de déployer une véritable démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences : diversité des statuts des personnels, absence de maîtrise de la gestion individuelle des carrières, forte dépendance à l’égard des décisions nationales qui affectent directement leur masse salariale[18]. Elles manquent également d’une réelle visibilité sur les moyens : l’État les finance en effet par plusieurs canaux différents (dotation globale pour le fonctionnement, contrat, actions spécifiques en cours d’année budgétaire, etc.), et elles dépendent très fortement des financements publics, malgré la croissance ces dernières années des ressources propres. Seules trois universités sont propriétaires de leurs locaux. Enfin, elles n’ont pas la totale maîtrise de leur niveau d’activité car elles restent soumises à l’obligation d’accueil de tous les étudiants, avec peu de liberté en matière de sélection.

Ce constat explique en grande partie la dualité de notre système entre des universités moins autonomes et les autres établissements d’enseignement supérieur, en particulier les grandes écoles, qui peuvent sélectionner leurs élèves, pour la majorité d’entre elles fixer les frais d’inscription, et disposent de manière générale d’une plus grande latitude de gestion.

Des enseignements trop peu focalisés sur les compétences indispensables pour l’avenir

Les mutations de la société questionnent la nature même des savoirs qui doivent être transmis. Les besoins de l’économie et ceux des individus portent aujourd’hui notamment sur l’acquisition de compétences transversales telles que l’autonomie, la capacité à s’autoformer, à travailler en équipe, et la créativité ; ces besoins ne feront que croître dans les dix années à venir, compte tenu, entre autres, de la révolution numérique[19]. Au-delà de la réforme générale des programmes de la scolarité obligatoire, qui entrera en vigueur en septembre 2016, l’un des enjeux majeurs dans ce domaine est la capacité de l’École à développer la littératie numérique[21] chez tous les jeunes afin qu’ils puissent acquérir l’ensemble des savoirs, compétences et méthodes qui feront d’eux des acteurs autonomes et critiques d’une société numérique faisant une large place à la création et à la coopération.

L’acquisition de ces compétences ne suppose pas seulement d’enseigner explicitement les bases de l’informatique et l’usage pertinent du numérique, mais aussi d’intégrer plus systématiquement le numérique dans les pratiques pédagogiques ordinaires. Or, si un effort réel a jusqu’ici été réalisé sur l’équipement informatique des établissements scolaires[21], de nombreux obstacles continuent à freiner tant l’enseignement du numérique que son utilisation dans le travail des enseignants : accès insuffisant à des ressources numériques partagées, à des outils ergonomiques, à des formations, et médiocre qualité de l’accès à internet (deux enseignants sur trois disent renoncer à utiliser quotidiennement le numérique en classe en raison du débit internet insuffisant dans leur établissement[22]). Ces enjeux sont également fondamentaux dans l’enseignement supérieur, où l’émergence des MOOC[23] (Massive Open Online Courses) ouvre de nouvelles perspectives d’accès au savoir, en particulier pour la formation continue, même si, pour l’heure, ils contribuent d’abord à l’amélioration de la visibilité et de l’attractivité des établissements.

Les effets du numérique sur la qualité des apprentissages restent incertains[24] et, selon l’usage qui en est fait, il peut être vecteur d’autonomie ou de contrôle excessif[25]. Des expérimentations[26] et des évaluations scientifiques restent ainsi nécessaires pour identifier les modalités d’utilisation les plus pertinentes (articulation avec l’enseignement en présentiel, collaboration entre élèves, entre enseignants, etc.).

12. En France, les dépenses par élève des établissements d’enseignement représentent, en pourcentage du PIB par habitant, 19 % dans l’enseignement primaire et 30 % dans l’enseignement secondaire, contre respectivement 22 % et 25 % en moyenne dans les pays de l’OCDE.

13. Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Finlande, Irlande, Japon, Pays-Bas, Suisse.

14. La culture mathématique était la discipline « majeure » de l’enquête PISA 2012, qui permet les comparaisons les plus détaillées. Les résultats sont sensiblement comparables si l’on se réfère à la culture scientifique ou à la compréhension de l’écrit.

15. http://www.education.gouv.fr/cid57096/reperes-et-references-statistiques.html 

16. Équipe TALIS et DEPP (2014), « TALIS 2013 – Enseignant en France : un métier solitaire ? », Note d’information, n° 23, MENESR, juin.

17. Faire travailler les élèves en petits groupes, sur des projets (d’au moins une semaine) ou avec utilisation du numérique.

17-2.  La création en 2013 de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE), portée en 2016 à 1200 euros annuels, fait converger la rémunération des professeurs des écoles vers celle des enseignant du second degré.

18. Cour des comptes (2015), L’autonomie financière des universités : une réforme à poursuivre, Communication à la commission des finances du Sénat, septembre.

19. Charrié J. et Janin L. (2016), « Tirer parti de la révolution numérique », note Enjeux 2017-2027, France Stratégie, mars.

20. Conseil national du numérique (2014), Jules Ferry 3.0 – Bâtir une école créative et juste dans un monde numérique, octobre.

21. Cormier G. et Rudolf M. (2015), « L’équipement informatique a doublé en dix ans dans les collèges publics », Note d’information, n° 1, janvier, MENESR-DEPP.

22. MENESR (2015), Enquête PROFETIC auprès de 5 000 enseignants du premier degré, septembre. Selon l’enquête PROFETIC de 2014, ce chiffre s’élève à deux enseignants sur cinq pour les enseignants du 2nd degré.

23. Q. Delpech et M. Diagne (2016), « Mooc français : l’heure des choix », La Note d’analyse, n° 40, France Stratégie, février.

24. Voir par exemple le rapport OCDE (2015), Connectés pour apprendre ? Les élèves et les nouvelles technologies.

25. https://www.technologyreview.com/s/600943/how-w echat-is-extending-chinas-school-days-w ell-into-the-night/

26. https://odl.mit.edu/

En ouverture au débat

L’horizon de dix ans est sans doute trop court pour attendre qu’une politique éducative ambitieuse donne des effets importants sur l’ensemble du parcours des élèves. Toutefois, les expériences de certains pays suggèrent que l’on peut, à cet horizon, améliorer de manière tangible les résultats et inscrire le système éducatif sur une trajectoire positive de plus long terme.

Quels objectifs donner au système éducatif ?

Des exemples étrangers – au premier rang desquels l’Allemagne, qui a amélioré son score moyen en mathématiques aux enquêtes PISA entre 2003 et 2012, tout en diminuant les écarts de performance entre les élèves issus de milieux défavorisés et ceux issus de milieux favorisés – montrent qu’il est possible de réduire les inégalités et de viser la réussite de tous les élèves sans que cela se traduise par une dégradation du niveau de performance, ni de l’ensemble du système, ni des meilleurs élèves.

Au vu du constat dressé, la France peut se fixer un double objectif à l’horizon 2027 : augmenter la performance globale de son système éducatif et réduire les inégalités qui caractérisent sa situation actuelle.

Cette ambition impliquerait d’associer aux objectifs quantitatifs (de type 80 % d’une génération au niveau du baccalauréat, 60 % de diplômés du supérieur) des cibles portant d’une part sur la réduction du décrochage ou de l’échec dans le supérieur, et sur les inégalités d’accès aux différentes filières ; et d’autre part, sur la performance des élèves dans les tests internationaux, en visant à la fois une réduction des écarts de performance entre élèves et entre établissements et une amélioration des résultats des meilleurs élèves :

  • Au regard des objectifs visés, les indicateurs fixés en ce sens par la loi de refondation de l’École de 2013 ou par la Stratégie nationale d’enseignement supérieur (StraNES)[27] doivent-ils être amendés ? Des indicateurs alternatifs/complémentaires seraient-ils pertinents ?
  • Quelle cible fixer à l’horizon 2027 pour chacun des indicateurs qui seraient retenus ?
  • Faut-il conserver la logique du pilotage par les indicateurs chiffrés ?

Elle nécessite également de s’interroger sur les moyens consacrés à l’éducation, mais aussi sur les contenus et les modalités de l’enseignement, et sur l’organisation du système éducatif.

Devons-nous investir plus dans l’éducation et comment ?

Les comparaisons internationales font apparaître les limites des marges d’amélioration de la performance de notre système éducatif sans investissement supplémentaire. S’il est possible d’améliorer l’efficience de notre dépense ou de procéder à des réallocations en son sein, il faut aussi poser la question du niveau de l’investissement collectif dans l’éducation et celle de sa répartition entre effort budgétaire et effort des familles. Si l’on souhaite rejoindre le groupe des pays les plus performants, les questions de l’ampleur, du ciblage par niveau d’enseignement et des modalités de financement de l’investissement éducatif de la nation doivent être posées.

Au niveau préscolaire

L’accès à des structures d’accueil du jeune enfant de qualité a des effets bénéfiques sur les résultats scolaires et permet de réduire les inégalités selon le milieu d’origine[28]. Si l’on prend comme référence les pays les plus performants en termes de taux d’accueil des enfants de moins de 3 ans (Danemark, Islande et Norvège, dont le taux d’accueil en équivalent temps plein est de 70,8 % en moyenne, contre 55 % en France), une convergence vers le niveau moyen de dépense par enfant de ces pays représenterait, à horizon 2027, 0,3 point de PIB supplémentaire (soit environ 7 milliards d’euros).

Au niveau du préprimaire, du primaire et du secondaire

Une convergence à l’horizon de dix ans vers la dépense moyenne par élève des onze pays déjà évoqués, qui font mieux que la France à la fois en termes de performance et de lutte contre les inégalités, représenterait un surcoût de l’ordre de 0,48 point du PIB, soit un montant équivalent en 2015 à 10 milliards d’euros, ou 1 000 euros par élève.

Toutefois, une meilleure efficience de nos dépenses est possible, et l’exemple de deux pays parmi les onze retenus, l’Allemagne et le Canada, montre qu’il est possible d’atteindre de meilleurs résultats que la France pour une dépense similaire. Des marges pourraient être dégagées par la réallocation d’une partie de l’effort financier aujourd’hui consenti en direction des lycées vers l’enseignement préprimaire, le primaire et le collège. Demeure la question des capacités, de la nature, des moyens et du rythme des réallocations à opérer.

Au niveau du supérieur

Il convient de distinguer trois composantes pour décider de l’ampleur de l’investissement à y affecter :

  • poursuivre l’augmentation des moyens par étudiant au niveau du supérieur en ciblant la formation. Les estimations réalisées ici montrent qu’un alignement sur les dépenses par étudiant d’un groupe de six pays performants (Finlande, Irlande, Norvège, Pays-Bas, Suède et Royaume-Uni), à effectifs inchangés, représenterait un investissement supplémentairede 0,2 à 0,4 point du PIB à l’horizon de dix ans ;
    • répondre à la croissance de la démographie étudiante. L’augmentation attendue du nombre d’étudiants (plusde 335 000 [29]) pourrait représenter à l’horizon 2027 environ 0,1 point du PIB[30] ;
    • accroître la part d’une classe d’âge diplômée du supérieur. Si l’on retient l’objectif de la StraNES d’atteindre un taux de 60 % de diplômés du supérieur dans une génération, les effectifs étudiants augmenteraient, au-delà de l’effet purement démographique, de 460 000 à l’horizon 2027[31]. Cette évolution se traduirait alors par un effort additionnel d’environ 0,18 point du PIB.

    En conséquence, s’il s’agit d’atteindre ces trois objectifs à la fois, l’effort additionnel en faveur de l’enseignement supérieur devrait s’élever en moyenne à 0,58 point du PIB à l’horizon 2027, soit l’équivalent de 11,5 milliards d’euros en 2015. Ce montant supplémentaire équivaudrait à 50 % du budget de l’enseignement supérieur, soit 3 500 euros par étudiant.

    Un besoin d’investissement significatif, nécessitant plusieurs arbitrages

    Si l’on somme les montants évoqués pour chacun des différents niveaux, l’effort à consentir par la nation pour égaler les pays les plus performants pourrait représenter jusqu’à 1,4 point de PIB (soit environ 30 milliards d’euros).

    Un effort substantiel en faveur de l’éducation suppose que nous soyons capables de procéder collectivement à plusieurs types d’arbitrages :

  • entre investissement et consommation : quel engagement supplémentaire la nation est-elle disposée à consentir en faveur de l’éducation, sachant que les évaluations économiques indiquent qu’un tel investissement se traduit à terme par une augmentation du PIB et du niveau de vie ?
  • au sein de la dépense publique totale : consacrer un effort public supplémentaire significatif à l’éducation nécessite que nous acceptions de réduire des dépenses consacrées à des politiques jugées moins stratégiques ;
  • au sein de la dépense publique d’éducation : il s’agit à la fois de définir les secteurs prioritaires pour un effort supplémentaire et ceux dans lesquels il est possible de réduire les dépenses afin de financer une partie de l’effort par redéploiement ; c’est vrai entre niveaux d’éducation (de combien peut-on réduire la dépense par élève au lycée pour accroître les moyens dans le préprimaire et le primaire ?) comme au sein de chacun d’entre eux (concentrer les moyens sur les élèves ou les établissements qui en ont le plus besoin suppose de réduire la dépense pour les autres) ;
  • entre financeurs de l’éducation, qu’ils soient publics (quelle répartition d’un effort supplémentaire entre État et collectivités ?) ou privés ; en particulier, en matière de prise en charge des frais de scolarité dans l’enseignement supérieur, faut-il différencier entre les cycles de formation (Licence-Master Doctorat), entre les filières de formation, entre les disciplines, etc. ? Quelles formations devraient continuer à relever d’un financement essentiellement public et pour les quelles une contribution plus substantielle pourrait être attendue des familles ?
  • faut-il développer d’autres sources de financement de l’enseignement supérieur (formation continue, MOOC diplômants, frais d’inscriptions différen ciées pour les étudiants étrangers, collectivités ter ritoriales, etc.) ?

Quelles évolutions de l’enseignement ?

Atteindre ces objectifs de performance et d’équité demandera également de repenser le contenu et l’organisation de l’enseignement.

Quelles évolutions de l’enseignement et du métier d’enseignant ?

  • Comment s’assurer que l’École enseigne les compétences dont le pays a et va avoir besoin ?
  • Faut-il approfondir la logique du collège unique et du socle commun pour permettre à tous les élèves de poursuivre leurs études ? Faut-il privilégier l’orientation précoce vers des filières professionnelles et l’acquisition des compétences spécialisées permettant aux élèves les plus en difficulté de s’insérer sur le marché du travail ?
  • Quelle stratégie vis-à-vis des différentes filières au lycée ? Et comment prendre en compte l’hétérogénéité des bacheliers dans l’enseignement supérieur ?
  • Quelle place accorder aux compétences numériques dans les programmes ?

Faire évoluer les contenus et les méthodes de l’enseignement exige de faire évoluer de manière conjointe les métiers et les carrières des enseignants.

  • Pour attirer les meilleurs étudiants vers l’enseigne- ment, faut-il augmenter les rémunérations ? Ouvrir des possibilités d’évolution professionnelle ? Faire évoluer leur temps de travail ?
  • Faut-il revoir les modalités de recrutement des enseignants ? Comment améliorer le suivi et l’évaluation de leur travail ?
  • Pour faciliter les transitions entre cycles de formation, faudrait-il développer la polyvalence ? voire envisager des corps enseignants communs pour l’école et le collège d’une part et pour le lycée et le premier cycle du supérieur d’autre part (BAC-3/BAC+3) ?

Comment réussir le virage du numérique ?

Pour tirer le meilleur parti des outils numériques, tant pour développer les savoirs et compétences numériques des jeunes que pour la pédagogie et l’organisation de l’école, il sera nécessaire de faciliter l’usage du numérique dans les pratiques d’enseignement, impliquant des évolutions substantielles.

  • Comment prendre appui sur le numérique pour améliorer les pédagogies ? pour optimiser le temps de travail et de présence des enseignants ?
  • Sur quels niveaux d’enseignement faire porter en priorité les investissements en matière de numérique ?
  • Faut-il privilégier l’équipement des élèves et des étudiants, des établissements ou des enseignants ? Quelles collectivités devront assumer la charge de ces financements ?
  • Ou bien faudrait-il développer d’abord la production de contenu pédagogique numérique ?

Comment réduire les déterminismes sociaux ?

La reproduction sociale résulte de défauts institutionnels qui frappent tous les niveaux d’enseignement, du préscolaire au supérieur.

  • Faut-il développer massivement l’accueil des plus jeunes enfants dès 2 ans ? Cette préscolarisation doit-elle être ciblée sur les familles ou les territoires les plus en difficulté, ou être universelle ? Faut-il privilégier la scolarisation avant 3 ans ou d’autres modes de socialisation (type jardin d’enfants) ? Quelle répartition des responsabilités entre acteurs locaux et nationaux pour s’assurer que ces objectifs soient atteints ?
  • Quelles priorités pour réduire les ségrégations et renforcer la mixité sociale et scolaire ? Faut-il agir sur les procédures d’affectation ? Comment garantir la qualité de l’offre dans chaque établissement (infrastructures, remplacement des enseignants) ?
  • Faut-il poursuivre la politique d’éducation prioritaire ? La faire évoluer ? La remettre en cause ?
  • Comment élargir l’accès des enfants des classes moyennes et populaires aux meilleures formations ? Faut-il privilégier, à cadre constant, la mise en place de passerelles permettant aux meilleurs élèves des établissements défavorisés d’accéder aux filières d’excellence ? Accroître les effectifs admis dans ces filières ? Ou bien accélérer le rapprochement grandes écoles-universités et, déjà, revoir l’allocation des moyens entre les filières de l’enseignement supérieur ?
  • Pour réduire l’enjeu de la compétition durant la formation initiale, comment faciliter les reprises d’études ? Comment développer une culture qui les valorise au moins autant que les parcours linéaires ?

Comment réformer la gouvernance et le pilotage du système éducatif ?

Les problèmes d’organisation du système éducatif et les difficultés à le réformer appellent à repenser les modalités de sa gouvernance et de son pilotage.

  • La mauvaise articulation entre les responsabilités centrales et locales appelle à concentrer chaque domaine de compétences entre les mains d’un acteur. Faut-il déléguer plus de responsabilités aux collectivités territoriales ? Faut-il, à l’inverse, recentraliser certaines compétences ?
  • Faut-il aller plus loin dans l’autonomie accordée aux établissements ? En faveur des chefs d’établissement ? des équipes pédagogiques ? Sur quels champs doit porter cette autonomie (organisation pédagogique, contenus de l’enseignement, recrutement du personnel enseignant et de direction…) ?
  • Comment concilier autonomie locale et égalité des territoires ? Comment, notamment, évaluer l’usage que les établissements font des marges de manœuvre dont ils bénéficient ?
  • Faut-il envisager des appels à projets, dans le cadre des investissements d’avenir, pour inciter les équipes pédagogiques à innover ?
  • Comment faciliter les partenariats entre équipes pédagogiques et laboratoires de recherche pour associer plus fréquemment expérimentations pédagogiques et évaluations d’impact ? Comment s’assurer que les résultats de ces évaluations se diffuseront concrètement dans les pratiques ?
  • Quels nouveaux axes pour le renforcement de l’autonomie des universités ? En particulier, quelles évolutions en matière de gestion des personnels enseignants-chercheurs ? Comment assurer une dévolution de l’immobilier universitaire aux établissements dans des conditions compatibles avec la contrainte budgétaire de l’État ? Quelle autonomie en matière d’orientation active des étudiants ? Quelles conséquences en tirer sur les relations contractuelles État-université ?
  • Pour améliorer sa performance et son attractivité internationale, la France s’est fixé comme objectif de développer une dizaine d’universités intensives en recherche et de rang mondial. Quelles conséquences en tirer pour les autres établissements d’enseignement supérieur ? Quelle différenciation entre ces établissements ? Comment répondre à la forte croissance des effectifs du supérieur prévue à l’horizon 2027 ? L’égalité d’accès de tous les jeunes à l’enseignement supérieur devra-t-elle passer par une offre de formation de proximité ou au contraire par la mobilisation d’aides significatives à la mobilité géographique des étudiants ?

Auteurs :

Daniel Agacinski

Mohamed Harfi

Son Thierry Ly

27. Béjean S. et Monthubert B. (2015), Pour une société apprenante. Propositions pour une stratégie nationale de l’enseignement supérieur, rapport du Comité pour la StraNES, septembre.

28. Pour une revue de la littérature récente, voir Early Childhood Education, Elango S., García J. L., Heckman J. J. et Hojman A., NBER, Working Paper, n° 21766, novembre http://www.nber.org/papers/w21766.

29. « Projections des effectifs dans l’enseignement supérieur pour les rentrées de 2014 à 2023 », Note d’information 15.02, MENESR, 2015.

30. Coût calculé sur la base d’une dépense marginale de 6 000 euros par étudiant supplémentaire – soit l’équivalent de la dépense moyenne par étudiant constatée en 2013 hors recherche (7500 euros, les deux tiers de la dépense recherche comprise), à laquelle on retranche une marge d’efficience estimée à 20 % pour l’absorption de la démographie.

31. « Projections des effectifs dans l’enseignement supérieur pour les rentrées de 2014 à 2023 », op. cit. Coût calculé ici sur la base de la dépense moyenne par étudiant constatée en 2013 hors recherche (7500 euros) ; l’accroissement du nombre d’étudiants serait trop important pour que puisse être déduite une marge d’efficience du même ordre.

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Débat

Le Podcast

Le débat « Quelles priorités éducatives », organisé en partenariat avec l’école supérieure du professorat et de l’éducation de l’académie de Versailles le 13 juin 2016, a réuni sur le site universitaire de Gennevilliers universitaires, acteurs publics, associations, représentants syndicaux et think-tanks autour des grandes questions posées dans la note « Enjeux ».

La première partie du débat a porté sur l’évolution de l’enseignement. Quels objectifs donner au système éducatif ? Devons-nous investir plus dans l’éducation et de quelle manière ? Comment réussir le virage du numérique ?

La seconde partie du débat s’est concentrée sur le pilotage et  la gouvernance du système éducatif et plus particulièrement sur l’articulation entre les niveaux de responsabilité ainsi que sur la manière de penser les parcours, les transitions et les filières afin de favoriser la réussite scolaire et l’insertion professionnelle des élèves.

Avec les interventions d’une vingtaine de représentants des différentes parties prenantes de la communauté éducative.

Contributions

Plaidoyer en faveur de l’école primaire et de l’apprentissage – Thierry Weil – Professeur – Mines Paris Tech
La France dépense beaucoup pour l’éducation, mais le niveau scolaire de ses élèves de 15 ans est médiocre, les décrocheurs sont nombreux, les entreprises ne trouvent pas les personnes qualifiées qu’elles voudraient recruter.

Bien-être des élèves, confiance au sein de l’école, temps et espace scolaire – Jean-Pierre Veran
Trois éléments me paraissent manquer à l’analyse du contexte fondant les termes du débat sur la politique éducative de la prochaine&décennie. Et ils ne sont pas étrangers les uns aux autres.

Le numérique pour réussir dès l’école primaire – Institut Montaigne
En France, une personne sur cinq ne sait ni lire, ni écrire, ni compter correctement.

Synthèse du rapport « Pas d’éducateur, pas d’éducation ! » – Vers le haut
L’éducation est une relation : l’essentiel se joue auprès des jeunes, dans les classes… La meilleure réforme éducative n’aura aucun impact si l’on n’attire pas et si l’on ne fidélise pas des femmes et des hommes compétents, formés et passionnés.

Le choix de la solidarité pour la réussite de tous – Jean-Paul Delahaye
L’école fait face à une dégradation de la situation sanitaire et sociale touchant un nombre croissant d’élèves. Or, vivre en situation de grande pauvreté, c’est vivre en danger humain, social et scolaire. On ne peut en effet entrer sereinement dans les apprentissages quand on est mal logé, mal nourri, mal soigné. En France, sixième puissance économique mondiale, cette situation touche 1,2 million d’enfants et adolescents soit un sur dix, qui vivent dans des familles en situation de grande pauvreté.

Quels investissements éducatifs ? – Smaïn Tsouria – Membre de l’Observatoire Éducation – Fondation Jean Jaurès
Le financement de l’éducation – entendu comme le système éducatif en charge de la formation initiale – est au cœur des politiques publiques contemporaines en Occident. En effet, dans le cadre de la mondialisation, de la désindustrialisation et de la compétition entre économies, l’élévation du niveau de qualification de la population apparaît comme une nécessité.

Développer le potentiel créatif à l’école : une priorité éducative à la capacité à s’adapter – Bénédicte Dubois – Institut de formation pédagogique Nord Pas de Calais
Si depuis quelques années, la thématique « Créativité et innovation en éducation » fait l’objet d’une réflexion commune au sein des organisations internationales comme l’OCDE ou la Commission européenne, c’est parce qu’elles l’identifient comme un enjeu majeur pour la société de demain.

Le banquier est-il le nouveau conseiller d’orientation des étudiants ? – Sandrine Doucet – Observatoire Éducation de la Fondation Jean Jaurès
Les perspectives scolaires offertes par l’obtention du baccalauréat – plus livret si affinités – se concrétisent grâce au crédit : le banquier est-il le nouveau conseiller d’orientation des étudiants ? Le rapport de la StraNES (Stratégie nationale de l’enseignement supérieur) semble opter, et c’est tant mieux, pour une autre vision de l’enseignement supérieur : celle d’une société apprenante.

Changer la formation des enseignants, changer la conception même de la formation des enseignants – Roseline Ndiaye – Présidente du CRAP – Cahiers pédagogiques
Si on veut que les enseignants puissent pleinement répondre aux défis nouveaux de l’éducation dans les prochaines années, il faut revoir la conception restée dominante de la formation, aller plus loin que les évolutions institutionnelles diverses, depuis la création des IUFM jusqu’à leur mort et la création des Espé.

Favoriser la réussite scolaire et l’intégration par les langues – Association DULALA
La diversité des langues et cultures présentes sur le territoire français est une réalité mesurée par l’INSEE, selon lequel (2002), un enfant sur quatre est en position de bilinguisme, en contact quotidien avec une autre langue que le français. D’autre part, 18% des élèves scolarisés dans les écoles françaises sont en échec scolaire grave, pour une grande part des enfants de migrants, nés en France et scolarisés dans les écoles françaises dès la maternelle.

Bons niveaux et capacités: un angle mort de la politique éducative – Vanessa Wisnia-Weill
La critique de l’élitisme de l’école française a édulcoré l’interrogation sur la formation des capacités et des talents. C’est pourtant un enjeu majeur de  l’économie de la connaissance et d’une individualisation recherchée par les adolescents, et plus globalement un idéal des démocraties contemporaines.

Un continuum bac – 3 / bac +3 pour la réussite de tous – Fédération des Sgen-CFDT
Le principe d’un continuum Ecole-Collège pour prendre en charge le socle commun de connaissances et de compétences a été réaffirmé en 2013 par la loi d’orientation et de refondation de l’Ecole. Il connait un début de mise en œuvre par la mise en place de nouveaux cycles dont un commun CM/6e.

L’éducation prioritaire dans la réforme de la scolarité obligatoire : une étape délicate – Observatoire des Zones Prioritaires

Les projets éducatifs territoriaux, outils d’une dynamique au service d’une ambition citoyenne et démocratique pour l’Éducation sur les territoires – Fédération nationale des Francas
Au cours des vingt-cinq dernières années, les questions d’éducation sont devenues de plus en plus présentes au sein du débat public. L’école, son rôle, son organisation, son efficacité constituent des éléments forts de ce débat. Bien d’autres thèmes s’y ajoutent, dont la prise de conscience que la famille et l’école ne peuvent répondre à elles seules à tous les besoins éducatifs.

Propositions pour tirer parti à l’école de la révolution numérique – Mathieu Jeandron, directeur du numérique pour l’éducation
Le système éducatif français est clairement touché par la transition numérique – le rapport « Jules Ferry 3.0 » du conseil national du numérique, les résultats de la consultation nationale sur le numérique à l’école menée début 2015, le plan numérique gouvernemental, les propositions de l’institut Montaigne dans « le numérique pour réussir dès l’école primaire », attestent d’une prise de conscience politique importante et d’un intérêt croissant pour le numérique à l’école.

Corriger l’école ? Groupe d’élèves de la promotion Georges Orwell – École nationale d’administration
Si nous sommes parvenus ­ en particulier depuis les années 1980 ­ à un spectaculaire allongement de la durée des études pour tous les enfants d’une classe d’âge, la réussite scolaire reste dans notre pays très corrélée à l’origine sociale.

L’enseignement supérieur, une pierre angulaire de l’éducation à l’environnement et au développement durable – Audrey Renaudin, présidente de REFEDD et  Yann Lesestre, président de CliMates
L’accueil de la COP21 par la France a permis de placer le sujet du dérèglement climatique au cœur du débat public. Tous les acteurs de la société française se sont mobilisés, donnant jour à de nombreuses actions. Au-delà de la seule prise en compte des effets du dérèglement climatique, la nécessité de les atténuer mais également de s’y adapter est fondamentale.

Remarques sur l’enseignement supérieur – Martin Andler – Université de Versailles Saint-Quentin
La détermination d’objectifs de diplomation est certainement une mission stratégique importante de l’Etat. Celui de 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat, fixé dans les années 1980, est presque atteint, mais il a fallu 30 ans.

Contribution aux travaux de France Stratégie 2017-2027 relatifs aux priorités éducatives – Le réseau des universités pour l’éducation à la santé – UNIRES
Créé à l’initiative de la Conférence des Directeurs d’IUFM (aujourd’hui ESPE) en 2005 et devenu association Loi 1901 en 2007, UNIRéS, le Réseau des universités pour l’éducation à la santé s’affirme de plus en plus comme un acteur clef du développement de l’éducation à la santé en milieu scolaire, et hors l’Ecole en s’appuyant sur un maillage territorial national et sur le déploiement de formations (initiale/continue) adossées à la recherche. Il

Que faut-il changer dans l’École pour qu’elle fasse progresser l’ensemble des élèves et réduise le poids des déterminismes sociaux ? Faut-il investir davantage ? Enseigner autrement ? – Beatriz Pont – Affiliée de recherche – LIEPP, Sciences Po

Éducation et inégalités, trois tribunes de Christophe Paris – Directeur général de l’Association de la Fondation étudiante pour la ville (AFEV)
L’Afev (Association de la Fondation étudiante pour la ville), est une association loi 1901 qui s’est créée en 1991 dans le sillage de la politique de la Ville. Sa création était le fruit à la fois d’un refus, celui de voir certains quartiers progressivement relégués, et d’une conviction, les étudiants, souhaitaient s’engager pour agir concrètement contre les inégalités, loin du cliché d’une jeunesse uniquement individualiste.

Comment envisager le changement éducatif en France ? – Olivier Rey – Chercheur à l’Institut français de l’Éducation
Le sentiment partagé d’insatisfaction sur le fonctionnement ou les résultats de l’école en France débouche souvent sur l’appel à des changements éducatifs. Pour autant, les consensus sont extrêmement difficiles à construire quant aux objectifs de ces changements et à la façon de les mettre en œuvre.

Dix contributions de la FCPE

  • Contribution 1 : La scolarisation des moins de 3 ans
  • Contribution 2 : Quelle stratégie vis-à-vis des différentes filières au lycée ?
  • Contribution 3 : Les compétences numériques et la pédagogie
  • Contribution 4 : Quelle autonomie pour les EPLE ?
  • Contribution 5 : Pour réduire l’enjeu de la compétition durant la formation initiale, comment faciliter les reprises d’études ? Comment développer une culture qui les valorise au moins autant que les parcours linéaires ?
  • Contribution 6 : La politique d’éducation prioritaire
  • Contribution 7 : Renforcer la mixité sociale et scolaire
  • Contribution 8 : Articulation responsabilités centrales et locales, autonomie, égalité des territoires, évaluation
  • Contribution 9 : Faut-il approfondir la logique du collège unique et du socle commun pour permettre à tous les élèves de poursuivre leurs études ?
  • Contribution 10 : Faut-il privilégier l’orientation précoce vers des filières professionnelles et l’acquisition des compétences spécialisées permettant aux élèves les plus en difficulté de s’insérer sur le marché du travail ?

École, Collège, Lycée : pour une réforme des structures – SNALC-FGAF
Les enquêtes internationales comme les statistiques de notre ministère le montrent : notre modèle éducatif manque d’efficacité. Il ne parvient pas à atténuer les écarts sociaux.

« PA x 10 » – Passeport Avenir
L’École fait encore trop peu de cas du lien avec le monde professionnel, pour les jeunes de milieux populaires qui en sont éloignés, à la différence des jeunes mieux nés qui seront accompagnés par leur environnement familial dans leur ambition et la construction de leur projet. Passeport Avenir mobilise des volontaires extérieurs à l’École pour faire découvrir le monde professionnel aux jeunes et préparer leur insertion professionnelle

Contribution de la Conférence des grandes écoles – Francis Jouanjean et Jules Meunier
L’enseignement supérieur français est un secteur stratégique et essentiel pour l’avenir du pays, la société française, la démocratie et son économie. Il convient donc de le préserver et de l’aider à s’adapter aux évolutions du monde.

Contribution complémentaire au débat 2017-2027 « Quelles priorités éducatives ? » – Roger-François Gauthier et Agnès Florin
Cette note vient compléter notre contribution orale au débat organisé par France Stratégie le 13 juin 2016 sur le site universitaire de Gennevilliers, elle-même fondée sur le rapport que nous avons rédigé pour Terra Nova : Que doit-on apprendre à l’école ? Savoirs scolaires et politique éducative

Revivifier l’Éducation nationale – Daniel Mallet, président du Cercle – Cercle Responsabilités Éducatives et Renouveau (CREER)
En cette année 2016, en France, l’état de l’Education nationale est consternant, en particulier quant à la réussite des élèves, avec des résultats de plus en plus médiocres et à des coûts de moins en moins justifiables – faut-il encore les rappeler ? Faut-il rappeler les rapports critiques et les suggestions de la Cour des Comptes ? et ceux des observateurs internationaux ?

Éducation – Pourquoi la France surpaye et comment en sortie – Mensuel Société civile – Fondation iFRAP
L’État doit assumer la décentralisation du système éducatif vers un échelon plus compétent, comme les communes, qui géreraient les questions d’éducation sur leur territoire comme cela se pratique déjà au Royaume-Uni (autorités locales) et en Allemagne (communes).

Mobilité des enseignants et inégalités au sein du système éducatif : l’impact d’un nouvel algorithme d’affectation – Julien Combe, Olivier Tercieux, Camille Terrier, École d’économie de Paris
Responsable de la formation de plus de cinq millions d’élèves dans le second degré, l’école a pour mission de garantir la réussite de tous les élèves. Elle joue à ce titre un rôle décisif pour leur avenir, mais aussi pour la situation économique et sociale du pays. L’accomplissement de cette mission incombe avant tout aux enseignants, qui restent l’un des déterminants clés de la réussite des élèves.

liste des contributions
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Synthèse des contributions et du débat

La confrontation des points de vue des contributeurs et des participants au débat public organisé le 13 juin 2016 sur les priorités éducatives a permis de faire émerger un large consensus autour du diagnostic présenté dans la note de France Stratégie, mais aussi de le compléter sur différents points.

Ces échanges ont également été l’occasion de dessiner plusieurs orientations, à la fois en ce qui concerne les évolutions de l’enseignement et en ce qui concerne les réformes de l’organisation et du pilotage du système éducatif.

Le diagnostic : un consensus et des compléments

Parmi les contributions reçues via Internet, comme lors du débat organisé à l’ESPE(1) de Gennevilliers, nul n’a remis en cause les principaux points du constat dressé par France Stratégie dans la note Quelles priorités éducatives ? Enjeux (2), et appuyé sur les résultats des comparaisons internationales : d’une part, les performances du système éducatif français sont globalement moyennes, donc assez loin du niveau des meilleurs pays – alors que nous devrions nous en rapprocher pour être à la hauteur de notre ambition éducative historique, et pour conserver à la fois une économie compétitive et un haut niveau de protection sociale ; d’autre part, notre pays se distingue des autres par le poids très important de l’origine sociale dans les parcours scolaires des élèves.

De l’analyse de ces résultats insatisfaisants et inégaux, et de celle de la dépense d’éducation par élève, découle la mise en avant d’une double priorité : priorité à l’école primaire, moins bien dotée en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE ; priorité aux territoires où les conditions socioéconomiques sont les plus difficiles, qui prend en France la forme des réseaux d’éducation prioritaire (REP). Là encore cette double priorité n’est pas mise en question par les contributions ; malgré des interrogations sur les résultats obtenus jusque-là par la politique d’éducation prioritaire, son abandon n’est envisagé par personne.

Plusieurs contributions ont cependant mis l’accent sur des aspects que la publication de France Stratégie n’avait pas abordés. C’est notamment le cas du bien-être des élèves à l’école(3), qui passe à la fois par la qualité des conditions matérielles de la vie scolaire et par la nature des relations humaines développées dans le temps de la scolarité. À ce titre, la question de l’évaluation est soulevée plus d’une fois : « comment peut-on se sentir chez soi dans un endroit où l’on est constamment évalué ? ». De façon générale, plusieurs intervenants ont insisté sur tout ce qui, dans l’École, ne relève pas directement de la performance et des apprentissages mais contribue néanmoins fortement à la construction de la personnalité des élèves, et ont rappelé les études menées sur le lien entre le capital culturel et la confiance dans la société, et qui avaient imputé à l’École les carences françaises en la matière(4).

Sur la base de ces constats partagés, les questions portant sur l’évolution des contenus et des modalités de l’enseignement, et sur l’organisation du système éducatif, ont donné lieu à davantage de controverse.

(1) École supérieure du professorat et de l’éducation.

(2) Voir le chapitre 11 « Quelles priorités éducatives », in France Stratégie (2016), 2017-2027 : Enjeux pour une décennie, La Documentation française, octobre.

(3) Évoqué en particulier dans la contribution de Jean-Pierre Véran : « Bien-être des élèves, confiance au sein de l’école, temps et espace scolaire ».

(4) Voir notamment Algan Y., Cahuc P. et Zylberberg A. (2012), La Fabrique de la défiance, Paris, Albin Michel.

Quelles évolutions de l’enseignement ?

Nombreux sont ceux qui pointent un paradoxe : les performances d’ensemble du système scolaire sont décevantes, mais dans beaucoup d’établissements, y compris lorsqu’ils font face à des conditions difficiles, on observe des initiatives signalant un haut degré d’engagement des enseignants et de tout le personnel éducatif, et donnant lieu à des résultats très positifs. En somme « on sait ce qu’il faut faire pour que notre école devienne l’école de la réussite de tous », dans la mesure où l’on dispose d’expériences réussies et de savoirs issus de la recherche, mais cela ne suffit pas à faire progresser le système scolaire dans son ensemble.

Des controverses indépassables ?

Comment expliquer cette incapacité de tirer les leçons de la recherche et de l’expérimentation, alors que « des choses fantastiques se passent dans les écoles, les collèges et les lycées » ? L’une des raisons avancées consiste à souligner les profonds clivages qui opposent les différentes approches de la question scolaire en France.

On peut considérer que ce qui permet de comprendre cet immobilisme, c’est une divergence d’intérêts, entre d’une part ceux qui sont aujourd’hui les victimes des inégalités et des inefficacités du système scolaire, essentiellement les milieux défavorisés, et d’autre part ceux qui bénéficient de bonnes conditions d’enseignement et ne souhaiteraient pas, au-delà de quelques « exceptions consolantes » ou de quelques actions philanthropiques, que le système actuel soit remis en cause. Une telle analyse conduit à dire que la solution n’est pas d’ordre technique mais d’ordre politique, et que la réponse passe par une « lutte des classes » contre la reproduction sociale des élites par l’École(1).

Lorsqu’on s’interroge sur la façon dont il faudrait faire évoluer les contenus d’enseignement à différents niveaux, on fait face à des controverses assez classiques, mais qui semblent difficiles à dépasser dans le débat public : entre partisans des « fondamentaux » (qui souhaitent accroître encore la part du temps scolaire consacrée à l’apprentissage du français et du calcul, notamment) et militants des enseignements d’exploration(2) ; entre défenseurs des disciplines et promoteurs de la complexité des savoirs contemporains, qui souhaitent proposer aux élèves une pluralité de choix. Ces divergences tiennent à des approches politiques opposées, à des identités professionnelles différentes, mais aussi, en dernier ressort, à des désaccords sur les finalités de l’École.

Dans le débat comme dans les contributions, cette question des finalités a été abordée à plusieurs reprises : l’absence de consensus public sur ce qu’il convient d’attendre de l’École empêche ainsi de résoudre de façon satisfaisante de nombreux problèmes, et notamment de trancher la question de ce qu’il convient d’apprendre à l’école(3). L’idée selon laquelle les blocages que connaît actuellement le système éducatif ne pourraient être dépassés qu’au prix d’une clarification démocratique des missions de l’École semble ainsi de plus en plus largement admise(4).

Une incertitude sur les vertus du numérique

Parmi les facteurs identifiés comme susceptibles de transformer en profondeur l’enseignement dans la décennie à venir figure bien entendu la révolution numérique, à la fois dans la mesure où elle organise une partie importante de l’expérience que les nouvelles générations se font du monde qui les entoure (Mathieu Jeandron propose ainsi de parler d’« élève augmenté »(5)), et dans la mesure où elle offre des possibilités d’innovation pédagogique substantielles, notamment en matière de personnalisation des progressions. Compte tenu de la tendance de l’école française à pratiquer une forme d’évaluation-sanction et de ses conséquences sur la peur de se tromper qu’éprouvent de nombreux élèves, le numérique porte en outre, pour beaucoup, l’espoir d’une transformation du rapport à l’essai et à l’erreur.

Pour autant, aucune certitude n’émerge sur les bénéfices pédagogiques engendrés par l’usage du numérique comme outil d’apprentissage ; c’est donc afin d’évaluer les effets de tel ou tel dispositif qu’une contribution invite à instaurer une fondation pour l’expérimentation pédagogique reposant sur le numérique(6). Pouvant ainsi contribuer à l’innovation en matière de méthode d’apprentissage, de collaboration entre élèves, ou encore de relations avec les parents, le développement du numérique apparaît moins comme une priorité en tant que telle que comme un levier pouvant être mis au service des priorités propres à l’École.

La nécessité de repenser le métier d’enseignant

Afin de faire face à l’ensemble de ces défis, une transformation substantielle du métier d’enseignant est jugée nécessaire par de nombreux contributeurs. Constatant les difficultés à recruter de nouveaux professeurs, plusieurs suggèrent d’augmenter leur rémunération, éventuellement au prix d’un accroissement de leurs obligations de service, mais aussi invitent à leur ouvrir de plus larges perspectives de carrière y compris en dehors de l’Éducation nationale. La revalorisation du métier passerait également par une refonte de la formation des enseignants, qui devrait leur donner davantage confiance dans leur capacité d’enseigner, et pour cela devrait s’effectuer de façon plus progressive et continue, voire tout au long de la vie.

Plus généralement, l’importance de la valeur ajoutée de l’enseignant dans la qualité des progressions des élèves est reconnue par tous, ce qui conduit à poser la question de la meilleure allocation des enseignants face aux élèves, donc de la régulation du « marché du travail des enseignants » et de leurs procédures d’affectation. Pour améliorer le fonctionnement de ce marché, et notamment pour éviter que certaines académies peu attractives (en raison des difficultés sociales qu’on y rencontre) concentrent les enseignants les moins expérimentés et présentent un taux important de turn-over des équipes pédagogiques, une contribution de chercheurs en économie(7propose de réformer l’algorithme de mutation des enseignants : en facilitant leur mobilité, une nouvelle procédure d’affectation permettrait qu’un plus grand nombre d’enseignants voient leurs voeux satisfaits, ce qui serait bénéfique pour eux en termes de conditions de travail et donc, in fine, profitable aux élèves.

(1) Tel est le raisonnement de Jean-Paul Delahaye, dans sa contribution « Le choix de la solidarité pour la réussite de tous » et lors de son intervention dans le cadre du débat.

(2) On retrouve notamment cette controverse dans la contribution complémentaire d’Agnès Florin et Roger-François Gauthier, auteurs d’un rapport sur ce que l’École doit enseigner, publié par Terra Nova.

(3) En appelant au renforcement des « éducations à… » (éducation à la santé, éducation au dévelop-pement durable, etc.), plusieurs contributions ont ainsi illustré, quoique involontairement, notre tendance à empiler les objectifs assignés à l’École.

(4) France Stratégie a réuni un groupe de travail dont l’objet était précisément de questionner les finalités de notre système éducatif et d’imaginer des modèles alternatifs répondant à d’autres finalités ; voir Ly S. L. (2016), Quelle finalité pour quelle École ?, rapport, France Stratégie, septembre.

(5) Dans sa contribution « Propositions pour tirer parti à l’école de la révolution numérique ».

(6) Contribution de l’Institut Montaigne : « Le numérique pour réussir dès l’école primaire ».

(7) Contribution intitulée « Mobilité des enseignants et inégalités au sein du système éducatif : l’impact d’un nouvel algorithme d’affectation », rédigée par Julien Combe, Olivier Tercieux et Camille Terrier, chercheurs à l’École d’économie de Paris.

Comment réformer l’organisation du système éducatif ?

Au-delà de la gestion des ressources humaines, plusieurs points du diagnostic invitent à remettre en question les modalités actuelles d’organisation et de pilotage du système éducatif, notamment son caractère excessivement centralisé et le manque de clarté dans la répartition des différents échelons de responsabilité.

Comment articuler les différents échelons de responsabilité ?

L’image d’une Éducation nationale réellement centralisée est discutée par un inter-venant, pour qui le « système éducatif » ne fait pas vraiment système : une des sources de l’impuissance de l’École et des difficultés à réformer le système serait l’absence de connexion étroite entre la sphère bureaucratique d’une part, la liberté pédagogique des enseignants d’autre part, et enfin l’espace propre de l’établissement scolaire. Faute de rouages efficaces, le pouvoir politique s’épuiserait ainsi dans un activisme sans effet, alors qu’il faudrait privilégier le temps long et laisser à l’ensemble des acteurs la possibilité de s’approprier, au niveau qui est le leur, les grandes orientations définies durablement.

D’autres intervenants, se fondant sur le même constat de l’épuisement de la « gouvernance par la circulaire », invitent également l’État à devenir, en matière d’éducation, un « stratège » qui allouerait des moyens aux acteurs locaux en fonction d’objectifs définis dans un cadre contractuel et évaluerait les résultats de ces acteurs. Tous reconnaissent néanmoins qu’un tel changement rencontrerait des obstacles culturels dans l’administration de l’Éducation nationale.

Quelle autonomie pour les établissements ?

Parmi les leviers habituellement cités pour accroître l’efficacité du système éducatif, on trouve le renforcement de l’autonomie des établissements, évoqué par de nombreux contributeurs (1), bien que les marges d’autonomie existantes ne soient, bien souvent, pas saisies par les acteurs concernés. Certains recommandent explicitement l’extension de l’autonomie administrative et pédagogique des établissements secondaires ; d’autres proposent d’offrir le statut d’établissement autonome au premier degré(2), donc aux écoles élémentaires. Tous insistent sur l’utilité de l’autonomie pour réussir l’inscription d’un établissement dans son territoire, en lien avec les acteurs locaux (collectivités, associations, parents), en particulier dans le cadre de l’éducation prioritaire ; mais certains mettent en garde contre le risque d’un effacement de l’intérêt général face aux intérêts particuliers si l’autonomie des établissements devenait trop importante.

Quelles articulations entre niveaux et entre filières ?

Le diagnostic sur les inégalités qui marquent les parcours scolaires avait souligné à la fois le poids de la hiérarchie entre les différentes filières du lycée et de l’enseignement supérieur, et les risques importants de décrochage qui se manifestent au moment des transitions – notamment entre l’école et le collège d’une part, et entre le lycée et l’enseignement supérieur d’autre part.

La logique du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, censé structurer le temps de la scolarité obligatoire, jusqu’à 16 ans et donc plus ou moins jusqu’à la fin du collège, n’est pas critiquée : aucun contributeur ou participant au débat n’a proposé de réduire la durée de ce tronc commun et d’organiser une orientation des élèves à un âge plus précoce. Pour réduire les risques de décrochage au moment de l’entrée au collège, certains proposent d’aller plus loin vers « l’école du socle », en suggérant par exemple la constitution d’un corps unique d’enseignants sur toute la durée de la scolarité obligatoire, exerçant donc à l’école primaire comme au collège(3).

La continuité « Bac – 3 / Bac + 3 », entre le lycée et le premier cycle du supérieur, a également fait l’objet de contributions : l’importance de l’échec dans les premières années de l’enseignement supérieur et la crise de sens du baccalauréat invitent par exemple le SGEN-CFDT (4) à s’interroger sur les réformes à engager pour que le lycée prépare plus efficacement les élèves à la poursuite d’études (5). La mise en place de modules au lycée permettant de certifier l’acquisition de compétences nécessaires à cette poursuite d’études figure parmi les propositions avancées.

Est enfin posée la question des finalités de l’enseignement professionnel, parfois considéré comme préparant l’insertion directe des élèves sur le marché du travail, parfois vu comme préalable à une possible poursuite d’études supérieures. Il existe cependant un consensus sur la nécessité que les élèves sortant de l’enseignement professionnel soient équipés pour pouvoir, ensuite, se former tout au long de leur vie, compte tenu des mutations anticipées sur le marché du travail dans les décennies à venir.

Comment réformer ?

La persistance de l’ensemble de ces difficultés, malgré de nombreuses tentatives de réformes, a conduit certains contributeurs à questionner de façon générale les conditions du succès d’une transformation du système éducatif. Olivier Rey (6), chercheur à l’Institut français d’éducation, souligne le caractère insuffisant de deux approches symétriques : celle qui veut réformer d’en haut, sans parvenir en définitive à faire entrer le changement dans les classes ; et celle qui compte sur le « terrain » pour mettre en oeuvre des initiatives innovantes, sans parvenir à les diffuser à l’ensemble du système.

Pour sortir de cette double impasse, la contribution d’Olivier Rey insiste sur deux impératifs : celui de clarifier les objectifs, en nombre limité, qui président à la réforme engagée ; et celui de réformer sur un temps long, condition de l’appropriation par les acteurs des objectifs qui leur sont assignés et des outils qui sont mis à leur disposition.

(1) France Stratégie consacrera un chapitre du second volet du chantier « 2017-2027 » aux différents modèles permettant de développer l’autonomie des établissements scolaires.

(2) C’est le cas du syndicat SNALC-FGAF, dans sa contribution « École, Collège, Lycée : pour une réforme des structures ».

(3) Proposition formulée dans la contribution nº 9 de la FCPE : « Faut-il approfondir la logique du collège unique et du socle commun pour permettre à tous les élèves de poursuivre leurs études ? ».

(4) Dans sa contribution « Un continuum bac – 3 / bac + 3 pour la réussite de tous ».

(5) Un chapitre du second volet du chantier « 2017/2027 » de France Stratégie sera consacré à la transition entre le lycée et l’enseignement supérieur.

(6) Dans sa contribution « Comment envisager le changement éducatif en France ? ».

Le podcast du débat

Le débat « Quelles priorités éducatives », organisé en partenariat avec l’école supérieure du professorat et de l’éducation de l’académie de Versailles le 13 juin 2016, a réuni sur le site universitaire de Gennevilliers universitaires, acteurs publics, associations, représentants syndicaux et think-tanks autour des grandes questions posées dans la note « Enjeux ».