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Projet, méthode, enseignements

L’élection présidentielle n’a pas pour seul objet de désigner un dirigeant à la tête du pays. Le débat qui la précède est aussi, pour les Français, l’occasion de définir les questions essentielles qui se posent à la nation, d’identifier les options en présence et d’opérer leurs propres choix sur les directions qui devront être données aux politiques publiques.

La qualité de cette délibération collective importe au plus haut point. Il en va du fonctionnement de notre démocratie, mais aussi de l’aptitude du pouvoir issu des urnes à ouvrir des voies nouvelles et à trancher des questions conflictuelles. À chaque scrutin présidentiel sont ainsi associées une lecture des enjeux essentiels pour la société, l’économie ou les institutions, une sélection des priorités pour le quinquennat, et une série degrandes options sur la base desquelles seront élaborées les politiques publiques

La capacité à gouverner dans les années qui suivent se joue pour beaucoup sur la pertinence et la précision de ce diagnostic pré-électoral. Lorsque s’y rejoignent l’éthique de la conviction et celle de la responsabilité, le nouvel élu reçoit un mandat politiquement clair et substantiellement approprié à la réalité des problèmes du pays, et dispose de la légitimité nécessaire pour affronter des choix difficiles.

Le Projet

Le contexte de l’élection de 2017 rend cette clarification à la fois plus nécessaire et plus difficile qu’à l’accoutumée. La France est aujourd’hui menacée dans sa sécurité intérieure et extérieure. Elle est incertaine de l’avenir de son environnement européen. En dépit du redressement de la croissance, en 2017 le revenu par tête aura tout juste retrouvé le niveau auquel il se situait dix ans plus tôt, et le taux de chômage sera encore historiquement élevé. Le pays voit coexister une moitié relativement prospère et confiante, et une moitié appauvrie et inquiète. Il fait face aux profonds bouleversements économiques et sociaux induits par la technologie. Les choix à faire seront douloureux parce que les ressources publiques sont rares et déjà très sollicitées.

C’est d’abord aux candidats eux-mêmes et aux partis qui les soutiennent qu’il revient d’offrir une lecture de la situation du pays, de sélectionner les priorités, de formuler des propositions, et de les articuler au sein de programmes. Mais ils le feront avec d’autant plus de clarté, de précision et de franchise qu’auront été réunis, et versés au débat public, des faits incontestables, des évaluations objectives, des éléments de diagnostic prospectif, et desanalyses étayées des différentes options.

C’est sur la base de ces convictions et en accord avec sa mission de « favoriser la concertation, l’élaboration d’analyses et de scénarios partagés et la large participation de l’ensemble de la société française à la réflexion sur l’avenir » que France Stratégie a entrepris plus d’un an avant le scrutin présidentiel la publication d’une série de dossiers sur les grands enjeux de la décennie 2017-2027.

La méthode

À l’approche d’une échéance électorale majeure, notre rôle ne peut être de proposer un projet englobant. Il s’agit bien plutôt de fournir, domaine par domaine et de manière strictement non partisane, une analyse de la situation, un éclairage sur les enjeux prospectifs, un recueil des défis à venir, et un inventaire des grands arbitrages qui s’offrent à la nation pour les prochaines années. Il n’est pas question de dire aux Français ce qu’ils doivent faire, ou ce qu’ils seront demain. L’objet de cette démarche, à la fois moins normatif et plus exigeant, est de constituer, à partir de travaux thématiques, une base solide pour des discussions informées.

Cinq traits caractérisent l’exercice.

  • Une perspective décennale. Prendre un horizon de dix ans, plus long que celui de la mandature, invite à l’ambition : sur une décennie, il est possible recueillir les fruits. Une perspective décennale est aussi cohérente avec une réflexion qui ne s’inscrit pas dans une compétition partisane. Elle rappelle enfin que les choix effectués lors des rendez-vous démocratiques engagent pour longtemps.
  • Une approche analytique, qui fournit, point par point, un diagnostic étayé et un examen des options possibles. Les thèmes retenus correspondent, dans les domaines de compétence de France Stratégie, à un ensemble de questions structurantes pour le moyen terme. Ils ne couvrent bien entendu pas tout l’éventail des responsabilités présidentielles : des enjeux essentiels, relevant notamment du domaine régalien (sécurité, libertés publiques, affaires étrangères, défense), seront mieux traités par d’autres ; nous avons également préféré ne pas entrer dans une logique sectorielle qui aurait conduit à multiplier les perspectives.
  • Le respect du caractère politique des choix démocratiques. Notre rôle est d’identifier les enjeux et de délimiter les options, pas de préempter les choix. En même temps, cette indispensable réserve ne doit pas conduire à la pusillanimité. Lorsque l’analyse aboutit à la conclusion que tel enjeu est incontournable ou que telle décision s’impose, s’abstenir de le dire ne serait pas rendre service au politique. Nous avons donc, sur un certain nombre de points, clairement exprimé des orientations, tout en veillant à chaque fois à indiquer ce qui demeure nécessairement l’objet de choix démocratiques.
  • Une méthode d’élaboration qui a fait place à la concertation et au débat. Pour préparer les notes 2017-2027, France Stratégie a consulté experts et administrations. Sur chacune d’entre elles, nous avons ensuite sollicité des réactions et des critiques de spécialistes du domaine et d’acteurs sociaux ou associatifs. Plus de 180 contributions ont été publiées à ce jour, qui constituent un très riche matériau pour l’analyse et le débat. Enfin toutes les notes ont été soumises à des débats contradictoires organisés à Paris, Gennevilliers, Grenoble, Lille et Toulouse, qui ont rassemblé élus, partenaires sociaux, acteurs de la société civile, experts et partenaires internationaux. Nous publierons prochainement une synthèse de cet exercice de concertation et de débat.
  • Une démarche transparente qui permette à chacun de s’approprier les éléments fournis et de s’en servir pour ses propres réflexions. Publiées sur le site www.francestrategie1727.fr entre mars et août 2016, au fur et à mesure de leur élaboration, les notes sont accompagnées d’éléments complémentaires, de données et de l’ensemble des contributions qu’elles ont suscitées. Ce matériau est à la disposition de tous les citoyens.

2017-2027 : trois transitions

La prochaine décennie sera d’abord marquée par une série de transitions dont il est à peu près certain qu’en l’espace de dix ans, elles altéreront assez profondément la configuration de notre environnement, de notre quotidien et de nos rapports sociaux.

La première est la transition écologique et énergétique : le chapitre Climat : comment agir maintenant ? indique sans ambiguïté que c’est dans les dix prochaines années, et pas au-delà, que se joue la capacité de la communauté internationale à maintenir le réchauffement dans des limites compatibles avec la préservation des équilibres géographiques et humains de la planète. Y parvenir suppose des transformations considérables : tenir l’objectif des 2 degrés exigera d’ici 2030 un effort supplémentaire de l’ordre de 30 % par rapport aux engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre recensés par la COP 21. À défaut, aucune action ultérieure ne permettra de compenser les effets de ce réchauffement. Pour la France, cela demande d’axer les efforts sur le transport, sur le résidentiel tertiaire et sur l’agriculture, et cela suppose très certainement de mettre en place d’ici 2030 une taxe carbone générale à hauteur de 150 euros par tonne de CO2 (environ 40 centimes par litre de carburant).

La deuxième est la transformation numérique. Comme le précise le chapitre Tirer parti de la révolution numérique, parce qu’intelligence artificielle et usage des données massives vont combiner leurs effets, l’industrie, les transports, les services financiers, la santé, l’éducation, et beaucoup d’autres secteurs vont connaître des transformations radicales. Dans chaque métier, les premiers acteurs qui atteindront la taille mondiale capteront des rentes considérables, mais surtout fixeront les règles.

C’est pourquoi il est beaucoup plus grave d’être aujourd’hui en retard dans la transition numérique qu’il ne l’était il y a cinquante ans pour les ordinateurs ou cent ans pour l’électricité. Quelques brillants succès ne doivent pas faire illusion : l’Europe et la France accusent un sérieux retard dans l’appropriation du numérique par les entreprises et les services publics. Pour que ce retard ne se transforme pas en handicap, il importe de prendre toute la mesure de cette révolution et des transformations qu’elle appelle. L’appropriation par les Français du numérique et de ses usages constitue une condition de ce rattrapage.

La troisième est la mutation du travail, qu’analyse le chapitre Nouvelles formes du travail et de la protection des actifs. Le numérique, mais aussi les transformations de l’entreprise et l’évolution des attentes des actifs se conjuguent pour mettre en cause la pré- dominance de l’emploi salarié stable à plein temps. Intermittence, nouvelles formes de travail indépendant, polyactivité, travail sur plateforme se développent. Les mêmes personnes passent d’un statut à l’autre, ou cumulent plusieurs statuts. La vitesse et l’étendue de cette transformation demeurent incertaines, mais son amplitude est d’ores et déjà suffisante pour appeler une réponse publique qui combine accompagnement des mutations et garantie à tous les actifs du même accès aux droits sociaux. À cette fin, trois options d’ambition inégale sont concevables : adapter le statut salarial actuel pour y accueillir les nouvelles formes de travail, créer un statut intermédiaire pour les nouvelles formes de travail, créer un statut de l’actif.

Deux incertitudes

Si ces transitions à longue portée sont quasiment certaines, le contexte économique et institutionnel immédiat est quant à lui plus incertain. C’est un des paradoxes de la décennie qui vient : les tendances de long terme se dessinent plus clairement que le paysage de moyen terme. Tant l’environnement macroéconomique que le contexte européen apparaissent en effet marqués par l’incertitude et le risque.

La période 2007-2016 demeurera dans les mémoires parce que la crise financière aura été l’occasion d’un basculement historique : au cours de ces dix ans, les six septièmes de la croissance mondiale sont venus des pays émergents. Pour les années à venir, le chapitre La croissance mondiale, d’une décennie à l’autre conclut qu’il est raisonnable de tabler, au niveau mondial, sur une croissance voisine des 3,5 % enregistrés au cours de la dernière décennie, mais souligne l’ampleur des incertitudes : paradoxale en période de mutation technique, la faiblesse des gains de productivité ne se dément pas et conduit à la prudence pour l’avenir ; dans le même temps, la faiblesse des taux d’intérêt réels à long terme, dont la baisse a commencé bien avant les politiques non conventionnelles des banques centrales, signale au niveau mondial un excès d’épargne porteur de risques persistants pour l’équilibre macroé- conomique et l’emploi.

Rédigé avant le referendum britannique, le chapitre Europe : sortir de l’ambiguïté constructive ? portait déjà un diagnostic inquiet. Il indique en effet que la longue crise de la zone euro, la panne de l’intégration économique et sociale, l’instabilité géopolitique du voisinage et l’affaiblissement de la légitimité politique de l’Union européenne se conjuguent pour faire douter de la pérennité du projet européen, au moment même où le continent fait face à des dangers particulièrement aigus. Face à ces crises, les Français comme les Européens semblent bloqués dans un double refus : ils ne veulent ni avancer dans l’intégration, ni reculer. Cependant le statu quo est politiquement instable parce qu’économiquement défavorable. Par-delà son probable coût économique et l’énergie politique et diplomatique que vont requérir les négociations de sortie, le Brexit représente pour l’ensemble du continent un ébranlement majeur : soixante ans après le traité de Rome, le sens de l’histoire est redevenu incertain. Dans ce contexte, il importe que la société française clarifie ses propres choix sur l’avenir de la zone euro, les priorités de l’intégration, et les inévitables réformes de l’architecture européenne.

Les facteurs de polarisation

Toutes les sociétés avancées sont aujourd’hui marquées par des phénomènes de polarisation territoriale, sociale, et parfois générationnelle. Longtemps occultées et même ignorées, ces lignes de faille internes émergent aujourd’hui au premier plan du débat social et politique. Elles interrogent toutes les sociétés sur leur capacité à rassembler autour d’un projet commun ceux que divisent la localisation, le statut social, le revenu, l’âge ou l’origine[1].

Le chapitre Dynamiques et inégalités territoriales part d’un constat brutal : la France est coupée en deux entre d’une part des métropoles qui créent des emplois et se développent, même si de fortes inégalités s’observent en leur sein, et d’autre part des villes moyennes et des territoires ruraux dont beaucoup peinent à identifier les ressorts d’une nouvelle croissance. Elle est également divisée entre un Nord-Est qui subit le choc de la désindustrialisation et un Sud-Ouest aujourd’hui plus dynamique. Cette double fracture est dangereuse, parce qu’au-delà des territoires elle touche les individus, jusqu’à compromettre l’égalité des chances qui est constitutive du pacte républicain. Face à cette réalité, les politiques d’aménagement du territoire de jadis sont inopérantes, parce qu’elles négligent le fait métropolitain, et les mécanismes de redistribution par la protection sociale ne peuvent durablement équilibrer une divergence croissante des revenus primaires. Aucune politique ne peut réussir si elle ne valorise pas la force d’entraînement des métropoles ; aucune n’est acceptable si elle ne crée pas les conditions d’un équilibre territorial. Cette double exigence appelle un renforcement des politiques de droit commun qui concourent à l’égalité des chances, et aussi une clarification des objectifs et une identification des instruments d’une politique territoriale renouvelée.

Le chapitre Croissance et répartition des revenus part de l’observation que la croissance ne rassemble plus les Français, mais au contraire risque de diviser ceux qui y voient une promesse et ceux qui y voient la menace d’inégalités accrues. La France, certes, n’a pas connu le même envol des inégalités que d’autres pays avancés. Mais à court terme au moins, la valorisation des compétences, l’innovation et l’accumulation de patrimoines sont facteurs de creusement des écarts de revenus.

La croissance demeure nécessaire, d’abord parce qu’elle contribue à la réduction du chômage, ensuite parce qu’elle fournit les ressources nécessaires pour investir et accompagner les transitions que le pays doit affronter. La reconstruction d’un consensus autour de la croissance appelle cependant une prise en charge de sa qualité. Cela passe notamment par une promotion de la mobilité sociale et un renouvellement des instruments de lutte contre les inégalités.

Le marché du travail est aussi une source majeure de polarisation. Le chapitre Quels leviers pour l’emploi ? dresse un constat sans fard de la situation : par rapport à un ensemble de pays comparables, nous faisons moins bien sur le chômage, sur le taux d’emploi et sur la qualité de l’emploi à la fois. En d’autres termes notre chômage n’est pas la contrepartie d’un choix collectif positif. Or cette situation pèse d’abord sur les plus fragiles : près de six chômeurs sur dix ont reçu une formation de niveau inférieur au Bac. Pourtant, la France dépense pour l’emploi 108 milliards par an (dont la moitié pour alléger le coût du travail). Pour répondre aux défis de la décennie à venir, il faut investir dans les compétences. Cela suppose notamment une réorganisation de la formation professionnelle. Il faut ensuite réexaminer l’allocation des dépenses pour l’emploi : il n’est pas sûr que la combinaison actuelle soit la meilleure manière d’atteindre nos objectifs. Enfin les leviers de l’emploi seront aussi réglementaires. On peut citer une législation du temps de travail moins focalisée sur la durée légale hebdomadaire, la définition d’une doctrine stable en matière de contrat de travail, et l’équilibre entre régulation centralisée et régulation décentralisée.

La polarisation générationnelle ne s’impose pas encore dans le débat social et politique français. Pourtant, les observations réunies dans le chapitre Jeunesse, vieillissement : quelles politiques ? suggèrent que nos choix collectifs ont souvent défavorisé les jeunes : c’est vrai pour le fonctionnement du marché du travail ; pour l’accès au logement ; pour la couverture des risques de perte de revenu ; pour les ressources consacrées à l’éducation et aux retraites. Certes, les jeunes d’aujourd’hui vivent mieux que ceux des générations précédentes. Mais leur situation relative s’est dégradée. Certes, la solidarité joue au sein des familles. Mais au prix d’inégalités sociales accrues entre jeunes. Les tendances démographiques risquent d’aggraver ce déséquilibre entre les âges. La réponse, cependant, ne passe pas nécessairement par une révision des transferts sociaux. Le fonctionnement de nos institutions économiques et sociales, comme le marché du travail et le marché du logement, compte tout autant.

Investir

Notre exercice avait davantage pour objet d’identifier des questions que de définir des réponses. Mais un thème ressort fortement des analyses thématiques : celui de l’investissement. La transition énergétique et écologique va requérir des investissements substantiels, à hauteur d’environ un point de PIB par an. La transition numérique appelle un effort parallèle pour l’innovation et l’adaptation des systèmes d’information. De manière plus transversale, nos analyses soulignent la nécessité d’un investissement national d’ampleur dans les compétences des actifs. Cela ressort des travaux sur le numérique, sur l’emploi et plus encore sur la compétitivité et l’éducation.

Le chapitre Compétitivité : que reste-t-il à faire ? montre qu’un réveil salarial en Allemagne et des efforts (via les finances publiques) en France ont permis ces dernières années de redresser une compétitivité-prix très dégradée. Mais le problème n’est pas pour autant derrière nous. Sur le plan des coûts, la France a corrigé son écart par rapport à l’Allemagne, mais l’Europe du Sud s’est ajustée plus vite encore. Les dysfonctionnements de la régulation salariale en zone euro n’ont par ailleurs pas été résolus. Nombre de secteurs de services restent inefficaces, ce qui pèse sur la compétitivité des secteurs exportateurs. Mais surtout, la France restera un pays à coût du travail relativement élevé et ce ne sera soutenable que si les contreparties en sont qualité et innovation. Or la France n’est pas au meilleur niveau européen pour les compétences des actifs, la qualité du management et l’appropriation du numérique par les entreprises. La compétitivité ne sera durablement assurée que si nous progressons sur ces trois terrains.

Le chapitre Quelles priorités éducatives ? rappelle que nous ne brillons ni par la performance moyenne de nos élèves et étudiants, ni par la capacité du système éducatif à combattre les inégalités sociales. Il montre que plus de dix pays comparables font mieux que nous sur les deux tableaux à la fois. Cette situation socialement, culturellement et économiquement pénalisante résulte à la fois d’un sous-investissement (il faudrait entre 20 et 30 milliards de plus, du préscolaire au supérieur, pour rejoindre les pays qui font mieux que nous), d’une absence de clarté sur les objectifs assignés au système éducatif, et d’un enseignement figé dans ses contenus comme dans son organisation. Dans les dix ans qui viennent, la France doit investir davantage dans l’éducation, elle doit faire évoluer les contenus et les modalités de l’enseignement, et elle doit réformer l’organisation et la gouvernance de son système éducatif. L’efficacité viendra de la complémentarité de ces diverses actions. Sont ouvertes, en revanche, la question de la répartition de l’effort d’investissement entre État, collectivités territoriales, entreprises et ménages, et celle du modèle d’organisation de l’avenir.

Choisir

Les orientations d’avenir que se donne un pays ne se résument pas à une trajectoire de finances publiques, mais celles-ci portent inévitablement la trace des choix collectifs, tant du côté de la dépense que de celui des prélèvements. Il faut de la cohérence entre les ambitions affirmées et les décisions prises en matière d’endettement public, d’allocation de la dépense et de fiscalité.

Le chapitre Dette, déficit et dépenses publiques : quelles orientations ? part d’une analyse de la dynamique de la dette publique. Celle-ci a augmenté de 30 points de PIB en dix ans, largement sous l’effet de la très faible croissance de la dernière décennie, mais aussi parceque notre politique budgétaire est excessivement procyclique et que notre dépense a fortement augmenté. Ce niveau d’endettement n’interdit pas de vouloir profiter de la faiblesse des taux d’intérêt pour emprunter et investir, mais à la condition préalable de renforcer substantiellement la crédibilité de la politique des finances publiques. Si elle entend réduire significativement son endettement public, la France devra dans les dix ans à venir conduire un ajustement supplé- mentaire du solde public compris entre 2 et 4 points de PIB. Compte tenu du niveau actuel des prélèvements, cette consolidation devra essentiellement se faire par la dépense. Le niveau actuel de celle-ci s’explique par le choix de socialiser très largement la retraite et d’autres dépenses sociales, mais aussi par une plus grande générosité des prestations, par la multiplicité des niveaux d’administration et par la tendance à pallier par la dépense publique les dysfonctionnements des marchés du travail, du logement et de l’innovation. Il importe, en matière de dépense, de retrouver la capacité aujourd’hui atrophiée d’allouer les moyens en fonction des priorités.

Le chapitre Quels principes pour une fiscalité simplifiée ? pose la question de l’adéquation de la structure des prélèvements à des objectifs définis : promouvoir l’emploi, stimuler la croissance, réduire les inégalités, inciter les comportements individuels à concourir aux finalités collectives. À l’évidence, notre fiscalité et nos prélèvements sociaux y répondent mal : ils pèsent lourdement sur le travail, favorisent l’immobilier plus que la prise de risque, prélèvent beaucoup et redistribuent peu, poursuivent tant de directions qu’ils n’en servent aucune, et de manière générale manquent grandement de cohérence. Dans un contexte de concurrence fiscale et à l’heure où le numérique tend à éroder les bases fiscales, la combinaison de prélèvements élevés (parce que la dépense l’est), peu efficaces, peu cohérents et finalement peu acceptés est un facteur de risque économique, social et financier. Une décennie ne sera sans doute pas de trop pour simplifier la structure des prélèvements, lui rendre une cohérence et la mettre au service des finalités du pays.

L’horizon de ces réflexions invite à se projeter au-delà des urgences qui dominent aujourd’hui la scène publique. S’il est légitime que les media et les candidats animent le débat autour de questions qui apparaissent brûlantes, il serait dommageable pour la vie démocratique que ces questions occultent d’autres enjeux, peut- être plus structurels et déterminants pour l’avenir du pays.

Ce diagnostic prospectif et le débat qu’il a suscité sont destinés à ouvrir une réflexion, non à la clore. France Stratégie continuera d’y contribuer. D’ores et déjà, il revient à celles et ceux qui concourent pour les suffrages des Français de poser leurs propres diagnostics et de proposer leurs réponses. Et c’est aux citoyens qu’il appartiendra, en dernier ressort, de faire leur choix en connaissance de cause. Nous serons heureux si nous avons pu, avec cet exercice, contribuer à leur fournir quelques outils à cette fin.

Le livre, 2017/2027 Enjeux pour une décennie est disponible en librairie et à La Documentation française