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Repenser la protection des actifs

Chômage élevé, parcours heurtés, nouvelles formes d’emploi, les grands défis induits par les mutations du travail exigent de repenser le droit du travail et de la protection sociale

Résumé

Chômage élevé, parcours heurtés, nouvelles formes d’emploi, les grands défis induits par les mutations du travail exigent de repenser le droit du travail et de la protection sociale, encore trop assis sur le modèle du CDI à temps plein. Deux grandes options sont envisageables, suivant l’ampleur des transformations à venir. La première consiste à adapter le système actuel afin de mieux prendre en compte toutes les formes d’emploi. Cela passe par l’extension du champ du salariat et le développement de protections supplémentaires pour les travailleurs effectivement indépendants. La seconde ambitionne de créer un statut général de l’actif. Assis sur un socle commun de droits, ce statut s’accompagnerait d’une plus forte harmonisation des droits sociaux entre salariés et non-salariés et d’une universalisation de la protection sociale dans toutes ses composantes (assurance chômage, garantie de revenu). Des droits spécifiques attachés à certaines situations de travail subsisteraient, mais ce statut général protégerait davantage les individus et faciliterait leurs transitions sur le marché du travail.

ACTION CRITIQUE
Le constat

Dans un contexte de chômage élevé et persistant, les parcours professionnels sont davantage heurtés. Les formes d’emploi se diversifient, s’hybrident et se précarisent, au sein du salariat comme du non-salariat. Les changements de statuts dans l’emploi sont fréquents et la multi-activité se développe. En outre, il est possible qu’à l’image des plateformes dans le secteur numérique, la nature de l’entreprise se redéfinisse avec une ouverture de l’éventail des statuts et une forme d’autonomisation de certains salariés (développement du travail à distance, souplesse accrue du temps de travail).

Pour des raisons historiques, le système de protection sociale français (assurance maladie, retraite, maternité, chômage, accident du travail, famille) s’est construit sur le principe d’un financement adossé à des cotisations sociales sur le revenu du travail. La protection des actifs dépend de leur statut à l’égard de l’emploi, selon qu’ils sont salariés, travailleurs indépendants ou sans emploi. Le droit du travail (conclusion et rupture du contrat de travail, rémunération, temps de travail et droits à congé, santé et sécurité au travail, formation, négociation collective) s’applique essentiellement aux salariés, c’est-à-dire aux personnes travaillant moyennant rémunération pour le compte et sous l’autorité d’autrui (subordination juridique), et non aux travailleurs indépendants qui organisent librement leur activité et en assument seuls les risques. Les non-salariés sont majoritairement affiliés à des régimes spéciaux de sécurité sociale (avec des taux de contribution et des droits à prestation différents), ils ne peuvent pas s’affilier à l’Assurance chômage, mais doivent souscrire une assurance privée de perte de revenu. Certes, certaines prestations (famille, maladie) se sont universalisées et leur mode de financement a évolué en donnant plus de place à l’impôt[1]. Mais le droit du travail et le droit de la protection sociale reposent encore, en grande partie, sur le modèle du CDI à temps plein.

Dans les dix ans à venir, les nombreux défis induits par les mutations du travail, en matière de compétences, de formation, d’accompagnement dans l’emploi, d’organisation et de conditions de travail doivent conduire à remettre à plat les règles qui gouvernent la protection des actifs en fonction de leur statut. Les pouvoirs publics feront face à deux grandes options.

1. En particulier, la contribution sociale généralisée (CSG) est prélevée sur les revenus d’activité, les revenus de remplacement, les revenus du patrimoine, les produits de placement et des jeux.

Option 1

Adapter le cadre réglementaire pour prendre en compte toutes les formes d’emploi

Si l’on considère que les mutations à l’œuvre sur le marché du travail, pour significatives qu’elles soient, ne conduiront à modifier fondamentalement ni la répartition[2] au sein de la population active, entre salariés et travailleurs indépendants, ni la nature du statut de travailleur salarié vis-à-vis de son employeur, on peut continuer de s’appuyer sur le cadre existant et l’adapter pour couvrir des formes d’emploi nouvelles, plus autonomes, mais aussi plus précaires et intermittentes.

En effet, désir d’autonomie des travailleurs, volonté des employeurs d’abaisser leurs coûts salariaux et facilité accrue via les plateformes d’accéder à des compléments de revenu peuvent concourir au développement de situations hybrides : combinaison d’un statut d’indépendant et d’une dépendance économique vis-à-vis d’un seul ou d’un nombre très limité d’employeurs ; forte autonomie de certains salariés qui les rapprochera des conditions d’exercice des indépendants (ni lieu, ni temps de travail fixes) ; rémunération par objectifs ; polyactivité (salarié/non salarié ou plusieurs formes d’indépendance statutaire) avec pour conséquence la complexité résultant de l’affiliation à des régimes sociaux caractérisés par des droits et devoirs différents ; changements de statut occasionnant des ruptures de droit.

Dans le cadre de la législation existante, ces situations risquent de déboucher sur des niveaux de protection inégaux entre travailleurs. Circonscrire ce risque suppose de faire évoluer la législation du travail comme les mécanismes d’assurance et d’assistance sociale.

Étendre le champ du salariat

En cas de contournement des règles du code du travail et de « faux » travail indépendant, le juge peut requalifier une relation de travail en contrat de travail salarié s’il estime que le travailleur sous statut indépendant est en fait soumis à un lien de subordination à son donneur d’ordre (qui fixe les tarifs de la prestation, les horaires de travail, applique un système de notation et sanction, voire détermine la « marque » sous laquelle le  « non-salarié » se présente au client final). En faisant jurisprudence, ces décisions conduisent généralement à clarifier progressivement les situations incertaines.

Pour les situations juridiquement ambiguës, le législateur peut également intervenir. La loi a déjà par le passé intégré au salariat des formes de travail spécifiques (notamment travailleur à domicile, portage salarial, coopérative d’activité et d’emploi). Cette intégration au code du travail a sécurisé juridiquement ces statuts, leur faisant profiter de certaines protections. Certains statuts ont été assimilés au salariat pour bénéficier de l’ensemble de ses protections, pour d’autres seules certaines dispositions vont s’appliquer (notamment accès à l’Assurance chômage). À condition de pouvoir définir précisément des situations de travail nouvelles, spécifiques et délimitées, cette extension du champ du salariat, avec les protections qui lui sont liées, peut se poursuivre. Mais elle n’empêche pas les risques de contournement (par exemple dans le cas de salariés licenciés qui retravaillent ensuite ponctuellement pour la même entreprise, en portage salarial, dans une situation plus précaire pour eux – puisqu’ils doivent trouver eux-mêmes leurs clients – mais moins coûteuse pour l’entreprise).

Adapter les protections du salariat

Les conditions d’exercice du salariat vont évoluer, avec une place grandissante laissée pour certains salariés à l’autonomie, facilitée notamment par le numérique qui autorise le travail à distance. Ceci soulève des questions sur l’application des règles relatives à la détermination du lieu de travail (pour la protection de la santé au travail) et au décompte du temps de travail. Celles-ci ont déjà évolué, notamment avec le développement du forfait jour, mais de nouvelles règles pourraient être développées pour protéger la santé des salariés et affiner la distinction entre vie privée et vie professionnelle. La loi Travail du 8 août 2016[3] pose des jalons en ce sens (contrôle de la charge de travail, droit à la déconnection) qui devront être confortés par la négociation collective.

Développer les protections accordées aux indépendants

Se pose aussi la question de la protection des travailleurs indépendants, effectivement indépendants de leurs donneurs d’ordre.

Du fait de leurs régimes spéciaux et de la spécificité de leur statut, les non-salariés sont, en effet, peu ou mal couverts en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle (sauf pour les agriculteurs), de perte de revenu (pas d’indemnisation chômage, nombre important de jours de carence pour bénéficier d’indemnités journalières maladie), d’indemnisation des congés maternité et de complémentaire santé et prévoyance – voire de couverture retraite. Cette situation résulte d’un choix historique des professions indépendantes en matière de protection sociale, car la détention d’un capital, notamment professionnel, et sa transmission étaient supposées leur permettre de faire face à « l’incertitude et aux fluctuations de leurs revenus d’activité au cours de leur vie professionnelle, mais aussi de s’assurer un niveau de vie plus important au moment de la retraite »[4].

Or les profils des travailleurs indépendants se sont diversifiés : ils sont moins nombreux à disposer d’un capital financier ou d’un patrimoine, certains éprouvent plus de difficultés à le vendre ou sont dans une situation financière très précaire. Le taux de pauvreté des indépendants est ainsi trois fois supérieur à celui des salariés. Certes, une partie d’entre eux cumule l’exercice d’une profession indépendante avec une activité salariée (en particulier, 33 % des auto-entrepreneurs sont polyactifs[5]) qui peut leur donner accès à la protection sociale du salarié, mais cette protection reste parfois d’un niveau faible.

Pour ces travailleurs indépendants, dont le statut n’a pas vocation à être requalifié, on peut imaginer développer des protections supplémentaires par le biais d’une forme de mutualisation. La loi Travail (art. 60) prévoit ainsi que certaines plateformes numériques[6] prennent en charge la cotisation à une assurance volontaire pour la couverture d’accidents du travail. Ce type de mesure pourrait être étendu à d’autres catégories de travailleurs et à l’indemnisation chômage ou à la protection sociale complémentaire en santé et prévoyance, à travers par exemple une adhésion à des contrats d’assurance privés existants[7]. Toutefois, les contrats privés couvrant l’indemnisation chômage reposent sur des critères (tels que la cessation d’un contrat commercial, la liquidation de l’activité) qui conviennent davantage aux dirigeants de société qu’aux free lancers ou aux travailleurs collaboratifs (plus affectés par une moindre participation horaire, une évolution de la tarification). De plus, ces assurances privées n’étant pas obligatoires, elles ne mutualisent pas les risques.

Se pose aussi la question de l’accès aux représentations collectives pour tous les travailleurs. Rien n’interdit aujourd’hui aux travailleurs indépendants d’être défendus par des organisations collectives, mais les nouvelles formes de travail indépendant (auto-entrepreneurs, crowdworkers[8]) nécessitent d’inventer des modalités d’action et de représentation. À l’étranger, des expériences existent qui permettent aux travailleurs à la demande de peser sur la rémunération et les conditions de leur travail auprès des entreprises qui ont recours à leurs services, ou auprès des plateformes auxquelles ils adhèrent pour accéder à des clients[9].
Par ailleurs, nombre de tiers (plateformes marchandes ou non marchandes, coopératives d’activités et d’emploi, groupements d’employeurs, voire espaces de coworking) aspirent ou jouent déjà un rôle d’intermédiaire qui assure certaines protections. Mais ces initiatives et les droits associés sont encore marginaux et hétérogènes, et ils mériteraient d’être développés.

Sécuriser les transitions des actifs d’un statut à l’autre

Enfin, indépendamment de la protection respective des statuts de salariés et de travailleurs indépendants, les transitions entre différents emplois ou différents statuts dans l’emploi doivent être mieux assurées. Certains droits attachés au statut de salarié peuvent dépendre de l’ancienneté dans l’emploi (congés, accès à la formation, allocation chômage) et être fragilisés en cas de transition. La protection sociale prend déjà en compte certains aléas de carrières et des parcours diversifiés (validation de trimestre pour la retraite en cas de chômage ou de congé maternité, protection universelle maladie, maintien de droits à chômage non consommés en cas de reprise d’emploi, etc.) mais des progrès restent à faire. Le Compte personnel d’activité (CPA) vise précisément à sécuriser les parcours professionnels en attachant les droits des travailleurs à la personne et non à leur emploi ou leur statut. La première étape de sa mise en œuvre regroupera le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte d’engagement citoyen. Dans une logique de sécurisation des parcours, le CPA pourrait être étendu à d’autres droits (par exemple droits à congés), avec une part de fongibilité entre ces droits[10]. Il faudra pour cela résoudre la question du financement des droits transférés d’un statut d’emploi à un autre.

2. Cf. graphique 6 dans France Stratégie (2016), Nouvelles formes du travail et de la protection des actifs. Enjeux 2017-2027, mars

3. Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi Travail.

4. HCFiPS (2016), La protection sociale des non-salariés et son financement, rapport (tome 1), octobre.

5. Omalek L. et Rioux L. (2015), Panorama de l’emploi et des revenus des non-salariés, février, collection Insee Références

6. « Lorsqu’elles déterminent les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixent son prix ».

7. Des produits existent avec des taux de cotisation de 3 % / 4 % pour un an d’assurance et un rempla- cement entre 55 % et 70 %.

8. Travailleurs qui exécutent un travail en ligne et sont payés à la tâche, que cela consiste dans des micro-tâches (« liker » des pages Internet, remettre en forme des données) ou des prestations plus complexes (réaliser une traduction, une analyse économique, etc.)

9. Cf. parution à venir à l’issue du séminaire « Faire collectif à l’heure du numérique » organisé en juillet 2016 par France Stratégie.

10. Cf. France Stratégie (2015), Le compte personnel d’activité, de l’utopie au concret, rapport, octobre.

11. Pour les États-Unis, voir par exemple Harris S. et Krueger A. (2015), « A Proposal for Modernizing Labor Laws for Twenty-First-Century Work : the “Independant Worker” », The Hamilton Project, décembre.

Option 2

Définir un statut général de l'actif et lui associer un scole de droits et de protections

Si les mutations sur le marché du travail s’accélèrent, si les nouvelles formes d’emploi, la polyactivité et les parcours professionnels hybrides et intermittents deviennent la norme, une simple adaptation des statuts de salarié et d’indépendant ne suffira pas. Les notions de subordination/dépendance seront réinterrogées, avec à la fois des situations d’autonomie croissante et de travail très subordonné (obligation de disponibilité étendue). Une solution souvent évoquée consisterait à créer un troisième statut, propre aux travailleurs indépendants mais en situation de dépendance économique[11]. Néanmoins, cette création risquerait de susciter encore plus de difficultés : en cherchant à régler les problèmes liés à l’existence d’une frontière floue entre salariés et indépendants, elle pourrait aboutir à deux frontières floues au lieu d’une.

Un socle de droits communs, complété par des droits additionnels liés aux conditions du travail effectué

Quitte à modifier fortement les normes, il pourrait être préférable de créer un statut unique pour tous les actifs.

Ce statut unique regrouperait un ensemble de droits applicables à toutes les formes d’activité indépendamment du statut : non-discrimination, égalité de traitement entre hommes et femmes, santé et sécurité au travail, accès à la négociation collective, protection de la vie privée, crédits de formation[12]. Ce socle serait établi sur la base de droits universels, tels que définis par certains juristes ou par les textes supranationaux[13].

Les autres droits seraient adjoints à ce socle par la loi ou la négociation collective, en fonction du degré de dépendance économique/juridique du travailleur. Le droit du salariat classique en serait une forme particulière, résultant de l’addition du socle universel et de droits spécifiques. Le droit de l’indépendant pur en serait une autre. Pourraient également être définis des droits spécifiques pour les travailleurs indépendants mais économiquement dépendants, par exemple pour la conclusion ou la rupture de contrats. Certes, l’introduction de tels droits supplémentaires ferait ressurgir les difficultés liées aux problèmes de frontière mais celles-ci s’apprécieraient plus directement au regard de la nature du travail effectué.

Du point de vue du droit du travail, ce droit de l’actif ne doit pas se traduire par un statut uniforme et indifférencié pour tous les actifs dans la mesure où, pour une très grande majorité d’entre eux, l’existence (ou l’absence) d’un contrat de travail, et donc d’une relation de subordination, continuera à fonder les relations de travail (et à légitimer l’existence de droits spécifiques pour les salariés). Le risque serait sinon d’aboutir à un nivellement par le bas des protections. Le droit de l’actif devrait permettre au contraire de définir un socle minimal commun de droits, et par là d’aller vers plus d’universalité dans la protection, moins de distinction entre les différents statuts et ainsi vers des transitions plus faciles et mieux protégées.

Vers une protection sociale universelle pour tous les actifs

Si l’universalisation de la protection sociale est déjà en partie une réalité pour l’assurance maladie en nature (pour laquelle la diversité des opérateurs gestionnaires induit toutefois de la complexité pour certains usagers), le maintien de régimes distincts selon le statut professionnel continue à induire des écarts entre statuts qui sont non négligeables en matière de prestations en espèces (indemnités journalières maladie, maternité, invalidité, accident du travail, maladie professionnelle). Une harmonisation des droits des salariés et des non-salariés, ainsi qu’au sein de l’ensemble des salariés affiliés à différents régimes, est à cet égard possible et souhaitable : les « faits déclencheurs » sont faciles à établir et comparables entre salariés et non-salariés. La question à trancher serait celle d’une éventuelle responsabilisation des donneurs d’ordre, en particulier via leur participation au financement de certains de ces régimes.

En matière de retraites, si la convergence des règles entre les différents régimes a progressé au fil des réformes, la diversité de ces régimes et de leurs règles de calcul continuent à induire des écarts de prestations. Certains peuvent se justifier, étant donné la diversité des carrières et le caractère contributif de l’assurance retraite. Néanmoins, il serait possible d’harmoniser ces droits, notamment en matière de droits conjugaux et familiaux ou d’acquisition de droits pour les faibles revenus[14]. Une étape consisterait à instituer un régime de retraite de base universel commun à tous les actifs – y compris les agents publics – complété par des régimes spécifiquement liés à l’activité professionnelle. Elle s’inscrirait de façon complémentaire et cohérente dans le cadre de ce statut des actifs.

Quant au risque de cessation d’activité, le régime de l’assurance chômage obligatoire ne concerne aujourd’hui ni les indépendants, ni le secteur public. Le principe de solidarité de l’ensemble des actifs face au risque de perte d’emploi, la perspective de carrières hachées et le développement de formes de travail indépendant non sécurisé par la possession d’un patrimoine pourraient justifier l’universalisation d’une assurance chômage. Tout actif cotiserait et serait couvert. Le contrôle de l’aléa moral et du fait déclenchant l’indemnisation (comparable à la notion de chômage « involontaire ») pour les indépendants serait réglé par le recours à divers mécanismes[15] et un paramétrage adéquat des règles d’éligibilité et d’indemnisation (taux de remplacement, délais de carence, contrôle de la recherche d’emploi, etc.).

S’agissant du risque de perte de revenus des actifs, la combinaison de l’assurance chômage (allocation chômage, activité réduite, allocation de solidarité spécifique) et des prestations sociales (prime d’activité, RSA, allocation logement) offre de facto une forme de sécurité des trajectoires de revenus, c’est-à-dire une « garantie de revenu ». Mais celle-ci couvre moins bien certains parcours et certains actifs, en particulier pour ceux qui ont accumulé peu (pas) de droits à l’assurance chômage ou qui les ont épuisés. Cela concerne les jeunes de moins de 25 ans qui ne peuvent accéder au RSA (sauf exceptions) et n’ont souvent pas suffisamment cotisé pour avoir droit à une allocation chômage, mais aussi certains actifs notamment des femmes à temps partiel. Ceci pourrait justifier l’extension du RSA aux jeunes. La simplification, la fusion, l’individualisation, voire l’automatisation des aides sociales, pourraient être envisagées à travers une allocation « unique », sous réserve de l’articuler avec les dispositifs d’accompagnement vers l’emploi (garantie jeunes notamment) et de tenir compte de son impact sur l’évolution des revenus du travail.

Auteurs : Cécile Jolly, Emmanuelle Prouet, Vanessa Wisnia-Weill

12. Concernant la formation, le compte personnel de formation concerne aussi les travailleurs indépendants, mais selon des modalités de financement différentes qui peuvent rendre l’accès à la formation plus difficile pour ces derniers.

13. Conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail, directives et règlements de l’Union européenne. Voir aussi les travaux de la commission Badinter où sont définis les « principes essentiels du droit du travail » qui, pour certains, peuvent s’appliquer à tous les actifs.

14. Cf. notamment HCFiPS (2016), op. cit. (chap. 6) et les travaux du Conseil d’orientation des retraites.

15. Comme c’est le cas dans différents pays : Danemark (pas de distinctions strictes entre salariés et indépendants pour l’assurance chômage, avec un volet facultatif) ; Portugal (montant des allocations indexé sur le niveau des contributions qui dépend des revenus et du degré de dépendance à un client) ; plusieurs critères de cessation d’activité existent en Espagne, en Allemagne (les indépendants peuvent souscrire à l’assurance chômage sous différentes conditions), au Chili (comptes individuels).