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Quelle politique du temps de travail ?

L’amélioration du fonctionnement du marché du travail français suppose à la fois d’augmenter le taux d’activité, de réduire le taux de chômage et d’améliorer la qualité de l’emploi.

Résumé

L’amélioration du fonctionnement du marché du travail français suppose à la fois d’augmenter le taux d’activité, de réduire le taux de chômage et d’améliorer la qualité de l’emploi. Une politique du temps de travail peut se concevoir comme un instrument pour y parvenir, mais, pour être efficace, il faut que lui soit assigné un objectif prioritaire. Ainsi, si l’on souhaite d’abord relever le taux d’activité, il convient de favoriser le temps partiel, la multi-activité et les cumuls formation-emploi pour les jeunes et emploi-retraite pour les seniors. Si l’on veut réduire durablement le chômage, alors il faut mettre en œuvre un ajustement de la durée du travail – à la hausse ou à la baisse – avec pour premier souci de freiner l’évolution des coûts salariaux unitaires, gage d’une amélioration de la compétitivité de l’économie française. Enfin, une politique du temps de travail qui viserait prioritairement à améliorer la qualité de l’emploi s’attacherait à être souple, proche du terrain, en proposant des aménagements du temps de travail de nature diverse, susceptibles de répondre à la fois aux aspirations des personnes selon leur âge et leurs parcours de vie, et aux besoins des entreprises en fonction de la conjoncture économique.

ACTION CRITIQUE
Diagnostic

La France se caractérise par un niveau de chômage structurellement élevé et par un taux d’activité qui progresse peu depuis dix ans. Elle fait moins bien sur ce plan que les six pays européens les plus performants (Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) : taux de chômage deux fois plus élevé (10 % contre 5 %), taux d’activité sept points en deçà (71 % contre 78 % pour les 15-64 ans en 2015)[1]. En outre, la qualité de ses emplois (niveau de sécurité des contrats, accès à la formation, conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, conditions de travail…) la positionne à un niveau inférieur ou comparable à eux. Cette faiblesse des performances du marché du travail français appelle à s’interroger sur les politiques à mettre en œuvre afin d’améliorer son fonctionnement, dans un environnement économique marqué par d’importantes évolutions structurelles (progression et vieillissement de la population active, élévation des qualifications, incertitudes sur la croissance de moyen terme, impact de la révolution numérique)[2].

Dans ce contexte, la politique du temps de travail est un des leviers que l’on peut mobiliser. Du fait de ses multiples dimensions, le temps de travail se trouve à l’intersection de ces différents enjeux. Il permet d’agir à la fois sur l’accessibilité à l’emploi, sur son coût et sur les conditions de travail. Encore faut-il clarifier l’objectif principal que l’on souhaite assigner à cette politique.

En effet, la politique du temps de travail a connu des orientations variées et pour partie contradictoires depuis vingt-cinq ans en France, tout en étant à chaque fois coûteuses pour les finances publiques. Au début des années 1990, le choix est fait d’encourager l’emploi à temps partiel par des allègements ciblés de cotisations sociales. Puis, au début des années 2000, on privilégie la réduction de la durée légale de travail à temps plein, de 39 heures à 35 heures, couplée avec des allègements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires afin de contenir le coût horaire du travail au bas de l’échelle salariale. Entre 2007 et 2012, des exonérations sociales et fiscales sur les heures supplémentaires sont ensuite mises en œuvre, cette fois pour allonger la durée du travail et augmenter les rémunérations. Par ailleurs, au-delà de la question de la durée légale, différents dispositifs ont été mis en place afin d’aménager le temps de travail (forfait en jours, annualisation de son décompte, modification du contingent d’heures supplémentaires…).

L’amélioration du fonctionnement du marché du travail français passera à la fois par la hausse du taux d’activité, la réduction du taux de chômage et l’amélioration de la qualité de l’emploi. Mais l’instauration d’une politique du temps de travail efficace suppose de clarifier l’objectif prioritaire auquel on souhaite qu’elle réponde. S’il s’agit avant tout d’accroître le taux d’activité, alors la réflexion doit porter sur le développement du temps partiel, de la multi-activité, du cumul emploi-études et du cumul emploi-retraite. Si l’enjeu est d’abord de faire baisser le taux de chômage, la réflexion doit porter sur l’évolution conjointe de la durée du travail et de ses contreparties en termes de coût et de productivité. Enfin, si l’objectif est d’améliorer la qualité de l’emploi, alors le registre d’action dominant relève des modalités d’aménagement des temps de travail pour mieux les adapter aux besoins des personnes, qui fluctuent en fonction de leur âge et de leurs parcours de vie, et à ceux des entreprises, qui fluctuent avec la conjoncture économique.

1. Calculs France Stratégie d’après données Enquête sur les forces de travail, Eurostat.

2. Brun-Schammé  A.,  Garner H., Le Ru N. et Naboulet A.  (2016), « Quels leviers pour l’emploi ? », note 17-27, France Stratégie, mai.

Option 1

Favoriser le temps partiel et les cumuls formation-emploi et emploi-retraite pour accroître le taux d’activitéoption

Le taux d’activité rapporte la population présente sur le marché du travail (en emploi ou au chômage) à celle en âge de travailler. L’augmenter est un facteur de dynamisme économique et d’intégration sociale. C’est pourquoi on peut considérer que la priorité doit être de faire en sorte que le plus grand nombre d’individus en âge de travailler soient présents sur le marché du travail pour accéder à l’emploi, même si cet emploi n’est pas un emploi à temps plein.

De fait, le retard français en termes de taux d’emploi, rapport du nombre de personnes en emploi à la population en âge de travailler, se concentre sur l’emploi à temps partiel[3]. La France a, par rapport à ses voisins européens, privilégié l’emploi à temps plein, notamment pour les femmes d’âge médian. Cela relève aussi d’un choix de société : la France a toujours eu une politique particulièrement active en faveur du développement des différents modes de garde d’enfant. Le temps de travail de référence hebdomadaire à temps plein, de 35 heures, est relativement faible et une durée hebdomadaire minimale d’un temps partiel en entreprise a été instaurée en 2014 à 24 heures[4]. Même si des accords dérogatoires sont possibles, cette durée plancher a été instaurée dans le souci d’éviter la multiplication de « petits boulots » de quelques heures par semaine, qui risquerait d’accentuer la précarité de la partie de la population ayant le plus de difficulté à s’insérer sur le marché du travail et d’augmenter le nombre de travailleurs pauvres.
Pour autant, on peut s’interroger sur les marges de manœuvre existantes pour développer l’emploi à temps partiel court en France, dans la mesure où celui-ci peut permettre à certaines personnes éloignées du marché du travail d’accéder ou de ré-accéder à l’emploi. Une telle politique devrait s’accompagner d’un renforcement de mécanismes comme la prime d’activité, de façon tout à la fois à soutenir le revenu des personnes qui se situent en bas de l’échelle des niveaux de vie et à valoriser systématiquement le fait de travailler. En outre, pour que l’emploi à temps partiel court soit synonyme de qualité, il faudrait que les travailleurs concernés aient la possibilité, s’ils le souhaitent, de regrouper plusieurs contrats en minimisant les contraintes (coût des déplacements, garde d’enfant…).

Par ailleurs, le caractère parfois stigmatisant du temps partiel en France peut conduire à des phénomènes de renoncement, notamment parmi les travailleurs les plus qualifiés. Pourtant, l’entreprise pourrait avoir intérêt à porter davantage cette forme d’emploi lorsqu’elle peut en faire un levier pour moderniser son mode d’organisation. Les pratiques de partage de poste dites « job sharing », consistant à faire occuper un poste à temps plein par deux personnes à temps partiel, existent aux États-Unis et dans les fonctions publiques en Suisse et au Royaume-Uni. Ce type d’aménagement pourrait être développé, notamment pour les cadres, dont moins de 10 % travaillent à temps partiel[5] : ces derniers concilieraient ainsi plus facilement poste à responsabilité et aspirations personnelles.

Enfin, une politique du temps de travail axée sur l’élévation des taux d’activité pourrait concerner prioritairement les jeunes (15-24 ans) et les seniors (55-67 ans), dans la mesure où l’activité en France est particulièrement concentrée sur les âges intermédiaires et faible aux deux extrémités du cycle de vie professionnelle.

Pour les jeunes, il s’agirait d’encourager le cumul de l’emploi et de la formation. Ce cumul peut faciliter par la suite l’insertion sur le marché du travail si l’activité rémunérée est en lien avec les études (formation en alternance en particulier) et, même si elle ne l’est pas, elle peut constituer une première expérience utile, dès lors qu’elle n’est pas chronophage au point de nuire à la réussite du diplôme[6]. Au demeurant, de telles formes de cumul pourraient se développer également à des âges plus avancés, dans le cadre de la formation tout au long de la vie.

Pour les seniors, une sortie du marché du travail plus progressive par le recours au temps partiel, qui favoriserait la transmission de savoirs, peut aussi être source à la fois de dynamisme économique et de bien-être social. Les réformes successives des régimes de retraite ont d’ailleurs cherché à favoriser des formes de cumul emploi-retraite. Une telle politique pourrait être amplifiée.

En tout état de cause, la réflexion sur ce sujet devrait être articulée avec les évolutions souhaitables pour notre système de formation et notre système de retraite. L’ampleur des temps partiels observée dans d’autres pays tient en effet aussi à la façon dont ils les ont conçus.

3. Brun-Schammé  A. et Le Ru N. (2016), « Le temps partiel, une réserve d’emplois ? », La note d’analyse, n° 45, France Stratégie, mars.

4. Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013.

5. Pak M. (2013), « Le travail à temps partiel », Synthèse. Stat’, n° 4, Dares, juin.

6. Boisson-Cohen M., Garner H. et Zamora P. (2017), L’insertion professionnelle des jeunes, rapport France Stratégie, janvier.

Option 2

Faire d’une modiFIcation de la durée du travail un instrument de lutte contre le chômage

En dépit des aménagements de la durée du travail, le débat public se concentre encore aujourd’hui sur le niveau de la durée légale de travail susceptible de réduire le taux de chômage en France. En effet, même si cette durée n’est pas une contrainte directe sur le nombre d’heures effectivement travaillées, elle demeure une norme sociale dans l’élaboration des contrats de travail et un seuil de déclenchement des heures supplémentaires qui en majore le coût.

Une politique du temps de travail visant à réduire le taux de chômage de façon durable doit avant tout veiller à maîtriser les coûts salariaux unitaires, c’est-à-dire le rapport entre coût du travail et productivité. Certes, si le pays se trouve dans une situation conjoncturelle très déprimée, où le déficit de demande est aigu, la nécessité de cette maîtrise est sans doute moins prégnante et une modification du temps de travail peut permettre de diminuer le chômage à court terme. Mais dans un contexte de forte concurrence internationale, la maîtrise des coûts salariaux unitaires est indispensable pour assurer que les produits français restent compétitifs en termes de rapport qualité-prix, faute de quoi cette baisse du chômage s’annulera, voire risquera de s’inverser à un horizon de quelques années. Que ce soit à la hausse ou à la baisse, une modification de la durée du travail ne peut donc être pensée de façon isolée : le niveau de salaire qui lui sera associé et l’impact attendu sur la productivité doivent être pris en compte, de même que la position du pays dans le cycle économique, pour concevoir une politique efficace de lutte contre le chômage.

Baisser la durée du travail

Le contexte de croissance faible et de rupture technologique liée au numérique interroge sur les besoins futurs de main-d’œuvre. Avec des perspectives d’évolution relativement dynamiques de la population active, l’idée du partage du travail réapparaît dans les débats.

Une nouvelle baisse de la durée du travail en deçà de 35 heures par semaine, soit 1 607 heures par an, peut être vue comme une modalité de partage du travail. Elle peut conduire à des créations d’emplois et à une baisse du chômage à court terme. Mais pour que cet effet positif soit durable, il faut qu’elle n’occasionne aucune hausse des coûts salariaux unitaires. La simple stabilisation de ces derniers peut être suffisante pour maintenir à moyen terme la baisse du chômage, si le retour en emploi induit à court terme par ce partage permet à leurs bénéficiaires d’améliorer durablement leur employabilité (effet d’hystérèse). Mais un abaissement de ceux-ci serait encore un meilleur gage de réussite.

Pour qu’elle porte des fruits durables en termes de création d’emplois, une baisse de la durée du travail doit donc s’accompagner d’une forme de modération salariale et être utilisée comme un levier pour modifier l’organisation des méthodes de travail au sein des entreprises afin de générer des gains de productivité. Si ces deux conditions étaient insuffisamment remplies, elle pourrait au contraire conduire, à terme, à une augmentation du chômage. En outre, contenir les coûts en bas de l’échelle salariale tout en baissant la durée légale du travail suppose soit de diminuer le niveau du SMIC mensuel net, soit de procéder à des baisses de prélèvements sur les entreprises pour compenser son maintien, ce qui a un coût pour les finances publiques. Rappelons que les dépenses publiques en faveur de l’emploi dites « générales », visant à abaisser le coût du travail par l’exonération de cotisations sociales et les crédits d’impôt, ont déjà considérablement augmenté depuis le début des années 2000, passant de 1 point à près de 3 points de PIB (environ 60 milliards d’euros en 2016). En outre, les employeurs sont désormais totalement exonérés de cotisations sociales de sécurité sociale au niveau du SMIC. Aller plus loin supposerait donc de réduire les cotisations d’assurance chômage ou de retraite complémentaire.*

Augmenter la durée du travail

Une autre façon de contenir voire de réduire les coûts salariaux unitaires pourrait consister, à l’inverse, à augmenter la durée du travail sans que cela se traduise à due proportion sur les salaires. Le salaire mensuel serait maintenu ou augmenté, permettant de soutenir la demande, mais le salaire horaire, lui, diminuerait.

Si l’on souhaite en revanche augmenter les rémunérations au moins à due proportion de l’augmentation de la durée légale du travail, alors la baisse des coûts salariaux unitaires, indispensable pour espérer un effet favorable sur le chômage à moyen terme, doit passer par une forme de compensation de la part des pouvoirs publics, ce qui occasionnerait un coût pour les finances publiques. Maintenir la durée légale hebdomadaire en instaurant des exonérations fiscales et/ou sociales sur les heures supplémentaires relève du même schéma, tout en étant plus favorable aux salariés.

En tout état de cause, une augmentation de la durée du travail risque d’entraîner à court terme une hausse du chômage, dans la mesure où les entreprises auront tendance, à niveau donné de leurs carnets de commande, à ajuster leur cible de main-d’œuvre à la baisse. Ce risque sera renforcé si une telle mesure intervient à un moment où l’économie se trouve dans une situation conjoncturelle déprimée. À moyen terme, le gain de compétitivité généré par une hausse de la durée du travail qui s’accompagnerait d’une baisse des coûts salariaux unitaires peut en revanche contribuer à stimuler la production, les marges, l’investissement et in fine l’emploi, même si l’on peut s’interroger sur l’effet qu’aurait une hausse de la durée du travail sans contrepartie salariale à due proportion, sur la motivation des salariés et donc sur leur productivité.

Option 3

Aménager les temps de travail tout au long de la vie pour améliorer la qualité des emplois

Alors que le niveau de la durée légale de travail semble continuer à focaliser les débats en France, la réflexion pourrait s’élargir et porter sur la question de l’adéquation tout au long de la vie des temps de travail aux aspirations des salariés à plus de liberté dans la gestion de leur temps et aux besoins de flexibilité des entreprises[7]. Il va de soi que ces attentes et ces besoins sont divers, et susceptibles de varier dans le temps. Une nouvelle politique du temps de travail, plus souple et plus proche des réalités du terrain, pourrait voir le jour. Elle viserait au premier chef à améliorer la qualité de l’emploi, en permettant une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée pour les salariés, et la compétitivité des entreprises grâce à une plus grande flexibilité interne. La loi Travail du 9 août 2016 peut être considérée comme une étape dans cette direction, dans la mesure où elle accorde une liberté accrue aux partenaires sociaux dans l’entreprise pour définir l’organisation du temps de travail.

La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances du 6 août 2015 a élargi la possibilité de travailler le dimanche, en l’étendant aux commerces situés dans des zones touristiques internationales ainsi que dans les gares, sous couvert qu’un accord soit trouvé au niveau de l’entreprise avec les salariés (contreparties salariales, mesures destinées à faciliter la vie professionnelle et personnelle). Un bilan des négociations d’entreprises à la suite de ces nouvelles dispositions serait utile avant de procéder à de nouvelles évolutions.

Les pratiques de travail à distance et d’individualisation des horaires sont aujourd’hui peu développées en France, où un peu moins de 30 % des salariés ont accès à ce type d’aménagements, contre 50 % à 60 % dans les pays nordiques ou en Allemagne[8].

Avec le développement du numérique et les mutations de l’emploi, disposer d’une durée du travail de référence peut en outre, pour certains métiers, perdre de sa pertinence. Certaines entreprises aux États-Unis ont expérimenté une transformation radicale de leur organisation consistant à abandonner la référence horaire et le lieu du travail, pour se focaliser sur le résultat obtenu. Ce type d’organisation repose sur une grande autonomie des employés, qui va de pair avec l’octroi d’une liberté importante dans leur emploi du temps.

Sans aller jusqu’à ce type de réorganisation extrême, on assiste en Europe et aux États-Unis au développement du « temps flexible », associé à une utilisation partielle du télétravail[9]. Ces modes d’aménagement prennent différentes formes. En Suède, 60 % des salariés ont la possibilité d’avoir accès à des horaires décalés (déterminés par le salarié ou l’employeur). Au Danemark, un système d’horaires à la carte permettant aux salariés de modifier leurs horaires et leur durée de travail une semaine donnée, avec des plages de présence obligatoire déterminées, est répandu. En Allemagne, les salariés ont la possibilité d’avoir recours à des « banques de temps » qui peuvent être créditrices ou débitrices en heures travaillées sur des périodes relativement longues. Des règles fixent les conditions d’utilisation des heures excédentaires. Ce type d’aménagement donne notamment la possibilité de retarder l’entrée en chômage partiel en cas de baisse d’activité. Et la ministre du Travail allemande a présenté en 2016 dans son Livre blanc travail 4.0 la possibilité d’expérimenter pendant deux ans le « temps de travail choisi » pour offrir aux salariés une plus grande liberté en matière de lieu et temps de travail (avec négociations au niveau de l’entreprise).

Ces exemples étrangers montrent que des marges de manœuvre existent en France pour faire mieux correspondre les besoins des salariés et ceux des entreprises sans engendrer de coûts supplémentaires pour celles-ci.

Pour finir, cette flexibilité accrue du temps de travail pourrait se concevoir sur des temps longs, et modeler les carrières professionnelles. Par exemple, organiser le remplacement des salariés au sein de l’entreprise leur permettrait de suspendre temporairement leur activité sous certaines conditions. C’est sur cette idée qu’était basé le système dit de « job rotation », mis en place au Danemark entre 1994 et 1998, qui combinait le départ en congé formation de salariés des TPE-PME et leur remplacement par des chômeurs préalablement formés aux postes laissés temporairement vacants.

La généralisation à tous les salariés du compte épargne-temps (CET)[10] pourrait permettre de flexibiliser davantage le temps de travail tout au long de la vie et de répondre à leurs attentes en termes de rythme de travail, attentes qui peuvent varier en fonction de leur âge et de leur situation personnelle. L’intégration du CET dans le compte personnel d’activité (CPA) permettrait même la portabilité des droits des individus en cas de changement d’employeur[11] selon des règles à définir, tout en élargissant la gamme des « temps » aujourd’hui mobilisables à travers ce compte.

Auteurs : Amandine Brun-Schammé et Fabrice Lenglart

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7. Voir les contributions de B. Gazier et de J. Freyssinnet, débat 17-27.

8. Source : Module spécifique Enquête sur les forces de travail 2004.

9. Wisnia-Weill V. (2011),   « De nouvelles organisations du travail conciliant égalité femme/homme et performance des entreprises », La note d’analyse, n° 247, Centre d’analyse stratégique, novembre.

10. La Dares estime que 12 % des salariés disposent d’un compte épargne-temps. Ce taux s’élève à 32 % pour les salariés au forfait en jours et à 10 % pour les autres. Voir Demoly E. (2011), « Heures supplémentaires et rachat de jours de congés : les dispositifs d’allongement du temps de travail vus par les salariés », Dares Analyses, n° 054, juillet.

11. Voir le scénario 2 du rapport Le compte personnel d’activité, de l’utopie au concret, France Stratégie, 2015