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Élaborer une stratégie nationale de compétences

La France souffre d’un déficit de compétences de base, que confirment notamment les enquêtes menées sur la population active.

Résumé

La France souffre d’un déficit de compétences de base, que confirment notamment les enquêtes menées sur la population active. Il explique pour partie la difficile insertion dans l’emploi de certains jeunes et demandeurs d’emploi. Par ailleurs, dans un contexte de fortes mutations du travail, les individus doivent être en capacité d’adapter leurs compétences tout au long de leur parcours professionnel. Faire face à ces enjeux exigera d’améliorer la structuration de notre système de formation, en clarifiant ou en redéfinissant le rôle de chacun des acteurs (entreprises, branches, pouvoirs publics) en fonction des objectifs poursuivis. Deux stratégies sont de ce point de vue envisageables. Ou bien favoriser l’insertion dans l’emploi en encourageant une logique de formation par filière, qui met l’accent sur l’acquisition et l’entretien des compétences professionnelles nécessaires à l’exercice d’un métier donné. Ou bien privilégier les compétences génériques, pour soutenir la capacité de mobilité des individus face aux évolutions incertaines de l’emploi

ACTION CRITIQUE
Diagnostic

Dans une société où la capacité productive repose de plus en plus sur l’apprentissage et le savoir, ne pas maîtriser le socle de compétences de base expose à un risque élevé de chômage, de pauvreté et d’exclusion sociale[1]. Mais face à un environnement de travail en constante mutation[2], la maîtrise de ce socle, bien qu’indispensable, ne suffit pas. Il est donc légitime que les pouvoirs publics, nationaux comme internationaux[3], mettent aujourd’hui l’accent sur la nécessité de garantir à chacun la possibilité de développer ses compétences et connaissances tout au long de la vie.

Si l’enjeu est d’abord celui des parcours individuels, il est aussi celui de la performance de l’économie dans son ensemble. Garantir l’accès de chacun aux compétences de base, élever le niveau moyen de qualification et développer des compétences spécifiques favorables à l’innovation ne peut qu’en favoriser la compétitivité hors coût. Or, sur ce plan, le positionnement de la France n’est guère satisfaisant[4] malgré les ambitions affichées depuis quinze ans[5].

Faut-il voir dans ce constat un échec des dispositifs de formation ou un dysfonctionnement plus structurel de notre modèle d’acquisition des compétences et d’appariement avec les besoins des entreprises ? Pour répondre à cette question, trois paramètres sont à prendre en compte : la maîtrise des compétences de base, l’insertion sur le marché du travail et la capacité des entreprises à mettre en place une démarche de développement des compétences.

Une hausse du niveau moyen de qualification qui masque un retard sur les compétences de base

Depuis trente ans, avec le renouvellement des générations actives, le niveau moyen de qualification en France s’est nettement accru. En 1982, 56 % de la population active était sans diplôme, contre 20 % en 2013[6].

Néanmoins, encore près de 100 000 jeunes sont sortis en 2016 du système de formation initiale sans qualification et 10 % des 16-29 ans ne maîtrisent pas les compétences de base. Par ailleurs, d’après l’enquête PIAAC, presque un tiers des adultes français (16-65 ans), soit 5 points de plus que la moyenne de l’OCDE, disposent de faibles compétences de base (informations écrites et/ou chiffrées) (voir graphique en page 1)[7].

Des difficultés d’insertion dans l’emploi malgré un effort de professionnalisation des formations

Face à la montée endémique du chômage, l’Éducation nationale et les partenaires sociaux cherchent depuis plusieurs décennies à renforcer la place de la professionnalisation dans l’éventail des formations proposées.

Au niveau de la formation initiale, qui est en France de la responsabilité de l’État, 30 % des élèves scolarisés au lycée le sont dans des filières professionnelles[8]. Des efforts ont aussi été entrepris pour intégrer l’apprentissage ou les stages professionnels à tous les niveaux d’études. Le nombre d’apprentis – en forte augmentation entre 2003 et 2007, tiré par l’apprentissage dans le supérieur – plafonne néanmoins depuis quelques années autour de 400 000.

Du côté de la formation continue, dont les partenaires sociaux sont des acteurs centraux, l’offre au niveau des branches professionnelles s’est enrichie avec la multiplication des certificats de qualification professionnelle (CQP) ou interprofessionnelle (CQPI), permettant la reconnaissance de compétences attachées à un type d’activité donné[9].

Pourtant, malgré ces efforts pour adapter la formation initiale et continue aux besoins des entreprises, la situation du marché du travail demeure insatisfaisante[10] : l’insertion dans l’emploi des jeunes et des chômeurs reste problématique, surtout pour les moins qualifiés, et nombre d’entreprises éprouvent des difficultés à trouver les compétences dont elles ont besoin.

Une démarche centrée sur les compétences qui peine à se traduire dans la pratique

L’importance de la mise en place d’une démarche centrée sur les compétences fait consensus depuis les années 1990. Omniprésente dans les discours portant sur les politiques de formation et de gestion de la main-d’œuvre par les entreprises, la notion peine toutefois à se traduire de façon concrète, peut-être parce qu’elle recouvre en réalité des attentes et des conceptions variables selon les acteurs qui la mobilisent. Du point de vue de ceux qui pensent et conçoivent l’acquisition des compétences, celles-ci sont catégorisées entre compétences génériques, disciplinaires et professionnelles (voir encadré 1).


Encadré 1 : Principaux registres de compétences en formation initiale et continue les compétences génériques sont celles qui sont mobilisables dans un vaste champ d’activités professionnelles ou sociales ; elles comprennent les compétences de base ou « socle » (maîtrise de l’écriture, de la lecture et du calcul), mais recouvrent également des aptitudes relationnelles ou sociales ; les compétences disciplinaires relèvent de connaissances générales ou propres à un champ d’activité (telle la biologie pour la médecine) et ne sont pas directement opérationnelles ; les compétences spécifiques ou professionnelles relèvent de la capacité effective à exercer un métier et de l’adaptation à un poste de travail (technique chirurgicale particulière en médecine par exemple).


La logique de compétences transparaît nettement au travers de la volonté de structurer les enseignements et les formations de façon modulaire (voir encadré 2). Elle est néanmoins encore loin d’être généralisée et pleinement intégrée dans toutes les pratiques de formation.


Encadré 2 : Une approche par les compétences qui se développe dans le système de formation Depuis 2005, le ministère de l’Éducation nationale a modifié les enseignements dans le primaire en élaborant un socle commun de connaissances, de compétences et de culture[14], et entrepris de rénover certains diplômes du secondaire et de l’enseignement supérieur en adoptant une approche par les compétences. Les référentiels de compétences des Licences se divisent par exemple en trois grands domaines : les compétences disciplinaires, attachées à chaque type de Licence ; les compétences génériques, communes à toutes les Licences, subdivisées en compétences préprofessionnelles, compétences transversales (par exemple savoir analyser et synthétiser des données) et compétences linguistiques. L’ensemble des diplômes de l’enseignement supérieur (Masters, Doctorats) doit être rénové suivant cette même logique, en ayant le souci de rendre plus lisibles les compétences acquises, pour les étudiants et les employeurs. Par ailleurs, la loi du 5 mars 2014 relative à la formation introduit la notion de « blocs de compétences » dans les certifications. Cette notion structure désormais l’accès aux formations éligibles au Compte personnel de formation (CPF).


Du point de vue des entreprises, la compétence renvoie davantage aux aptitudes techniques et comportementales des individus à occuper effectivement un emploi qu’à la définition formelle d’un métier type, telle qu’elle existe dans une classification de branche d’activité. Instaurer un modèle de gestion de la main-d’œuvre fondé sur la compétence suppose que l’entreprise joue un rôle central dans la définition, l’évaluation et la reconnaissance de ces aptitudes, et qu’elle articule l’évaluation en continu de sa main-d’œuvre avec une politique interne de formation. Or, en pratique, seule une petite partie des entreprises paraît capable de mettre en œuvre une telle démarche[11] et la gestion des compétences dans les transitions professionnelles est insuffisamment développée.

La difficulté pour les employeurs à préciser leurs besoins de compétences professionnelles les conduit souvent à exprimer ceux-ci en termes génériques : motivation, autonomie, capacité d’initiative…[12] Mais comme ces compétences sont difficilement objectivables, ils s’appuient alors sur d’autres critères supposés les capter de façon indirecte[13] : diplôme, traits de personnalité, caractéristiques sociodémographiques… Cette pratique expose dès lors une partie de la population à un risque de chômage élevé, voire à des discriminations.

Du côté des politiques publiques et des partenaires sociaux, de nombreuses lois ou accords nationaux visent, depuis le début des années 2000, à faire évoluer le système de formation vers une logique de compétences. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle a ainsi instauré un droit à la formation attaché à l’individu et la modularisation des formations. Elle a également créé des instances de coordination au niveau national et régional (COPANEF/COPAREF, CNEFOP/CREFOP notamment), mais sans clarifier, d’un point de vue opérationnel, les rôles respectifs de l’entreprise, de la branche et des pouvoirs publics dans la définition des besoins de compétences, et sans développer des politiques adaptées pour en permettre la reconnaissance.

Au final, malgré cette série d’initiatives récentes, le système de formation évolue trop lentement : les entreprises n’intègrent pas pleinement leur rôle de lieu central d’acquisition des compétences, les individus mobilisent peu les droits créés, et les branches professionnelles et l’État gardent de fait une place prépondérante dans la définition des besoins de formation, ce qui a pour effet de maintenir le diplôme initial comme élément déterminant de la qualification des individus et de leur insertion professionnelle. Pourtant, ce modèle dit « de la qualification[15] » est de plus en plus fragilisé par la rapidité des changements technologiques et de diffusion du numérique[16].

Élaborer une stratégie de compétences suppose de clarifier et de redéfinir le rôle des acteurs

Les difficultés inhérentes au système français de formation tiennent en fait bien moins à l’insuffisance des offres de formation qu’à la structuration globale d’un système où les objectifs, les rôles et les responsabilités ne sont pas suffisamment identifiés par les différentes parties prenantes : pouvoirs publics (Éducation nationale, Pôle Emploi et régions), partenaires sociaux, entreprises et individus.

L’enjeu est donc de clarifier, voire de redéfinir les niveaux d’intervention et la responsabilité de chacun de ces acteurs, tant au regard des différents types de compétences envisagés que des publics ciblés[17]. À cette aune, deux options se dessinent qui, l’une comme l’autre, visent à résorber le déficit de compétences de base de la population et à concevoir les processus de formation comme un moyen de maintenir l’employabilité des individus tout au long de leur vie.

 

1. OCDE (2012), Better Skills, Better Jobs, Better Lives, mai ; Charles N. et Delpech Q. (2015), « Lutter contre l’illettrisme. Un impératif économique et social », La Note d’analyse, n° 34, France Stratégie, août.

2. Agacinski D., Harfi M. et Ly S.T. (2016), « Quelles priorités éducatives ?», note Enjeux 2017-2027, mai ; Brun-Schammé A., Garner H., Le Ru N. et Naboulet A. (2016), « Quels leviers pour l’emploi ?», note Enjeux 2017-2027, mai.

3. La stratégie de l’OCDE sur les compétences vise par exemple à promouvoir dans chaque pays une stratégie nationale de développement des compétences (http ://www.oecd.org/skills/).

4. Aussilloux V. et Sode A. (2016), « Compétitivité : que reste-t-il à faire ? », note Enjeux 2017-2027, mars ; Charrié J. et Janin L. (2016), « Tirer parti de la révolution numérique », note Enjeux 2017-2027, mars.

5. Harfi M. et Lallement R. (2016), Quinze ans de politiques d’innovation en France, rapport de la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI), France Stratégie, janvier.

6. Actif n’ayant aucun diplôme ou au mieux un BEPC, brevet des collèges, DNB ; source :  Insee, Données harmonisées des recensements de la population 1968-2013.

7. L’enquête française IVQ met en évidence, quant à elle, que 11 % des 18-65 ans ont eu des difficultés graves ou fortes en 2011 dans l’un des trois domaines fondamentaux de l’écrit.

8. Effectifs scolarisés dans le second cycle du second degré – MENESR DEPP / Système d’information SCOLARITÉ.

9. Près de mille CQP sont répertoriés aujourd’hui. Voir l’avis du CESE du 13 septembre 2016 sur « Les certificats de qualification professionnelle ».

10. Voir Brun-Schammé A., Garner H., Le Ru N. et Naboulet A. (2016), « Quels leviers pour l’emploi ?», op. cit.

11. Selon le Céreq, seulement 14 % des entreprises de dix salariés et plus – essentiellement les plus grandes – auraient une politique de « développement des compétences ou des capacités » ; voir Sigot J.-C. et Vero J. (2014), « Politiques d’entreprise et sécurisation des parcours : un lien à explorer », Bref du Céreq, n° 318, janvier

12. Tallard M. (2011), « Qualification, classification, compétences », Dictionnaire du travail.

13. Marchal E. (2015), Les embarras des recruteurs. Enquête sur le marché du travail, éditions EHESS.  
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14. Ce socle  a été redéfini dans la loi de refondation de l’École de 2013.

15. Ce type de modèle se caractérise par un lien clairement établi entre une liste de tâches à effectuer pour occuper un poste et une liste de savoir-faire matérialisée par le diplôme. Voir Zarifian P. (1988), L’émergence du modèle de la compétence, Economica.

16. L’ampleur et la rapidité des changements évoqués ne permettant plus un ajustement suffisamment rapide du référentiel des diplômes. Voir Jolly C., Prouet E. et Wisnia-Weill V. (2016), « Nouvelles formes du travail et de la protection des actifs », note Enjeux 2017-2027, mars.

17. Voir les contributions  de la Fédération de la formation professionnelle et de Jean-Marie Luttringer au débat 2017-2027.

Option 1

Une politique qui vise d’abord à assurer l’insertion dans l’emploi et la continuité professionnelle

Une première option consiste à accentuer les caractéristiques actuelles du système de formation français qui le rapprochent le plus du système allemand où, notamment dans le secteur industriel, il existe une continuité et une imbrication entre formation initiale et continue. Dans ce schéma, la formation initiale délivre les savoirs de base nécessaires à l’exercice d’une profession en donnant notamment une place centrale aux différentes formes d’alternance[18]. La formation continue, quant à elle, est conçue comme l’approfondissement ou la mise à niveau des compétences acquises en formation initiale. Dès lors, la responsabilité sur les différentes phases d’acquisition des compétences se trouve davantage partagée entre le système éducatif, les partenaires sociaux et les entreprises.

Concrètement, dans ce schéma, les entreprises assument un rôle renforcé et une participation plus active auprès de l’Éducation nationale – et pas seulement un rôle consultatif comme c’est le cas aujourd’hui[19] – dans la définition des compétences attendues. Pour cela, elles doivent mener une démarche plus poussée d’anticipation et de description de leurs besoins.

Pour assurer une véritable continuité et cohérence entre formation initiale et continue, et ainsi réduire l’influence du diplôme initial, les certifications professionnelles doivent être articulées aux différents types de formation. Cela passe par une rationalisation de l’offre de formation, parfois redondante : il n’est pas rare qu’un même métier soit couvert à la fois par un CQP et par un diplôme d’État. La collectivité (État, régions…) conserve la responsabilité, en aval, de la reconnaissance des compétences acquises et de leur transférabilité entre entreprises.

Dans cette option, les réorientations professionnelles ne sont pas de la responsabilité individuelle des employeurs. La formation continue, gérée par les entreprises, est peu mobilisable à cette fin et les correspondances ou les passerelles directes entre métiers sont peu développées. Ainsi, une personne souhaitant se réorienter devra repasser par la formation initiale pour réintégrer une filière l’amenant à un nouveau métier. L’accès à ces formations est donc ici le même pour tous, jeunes sortant du système scolaire, salariés ou demandeurs d’emploi.

Enfin, dans un tel système, l’acquisition des compétences de base et génériques est confiée au système éducatif public pour les plus jeunes. À l’âge adulte, leur prise en charge ne relève pas de la responsabilité des employeurs mais d’une éducation permanente à visée émancipatrice[20], dont l’offre reste largement à structurer : au niveau du système éducatif, des acteurs territoriaux (régions, communes…) ou à l’initiative des partenaires sociaux (comme le certificat CléA[21]).
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18. Voir la contribution d’Henri Rouilleault au débat 2017-2027.

19. Représentants des employeurs et des salariés siègent aujourd’hui au sein des Commissions consultatives paritaires (CPC), placées auprès des différents ministères certificateurs, qui ne formulent que des avis sur la création, l’actualisation ou la suppression des diplômes professionnels, du CAP au BTS. Voir Cnesco (2016), « De vraies solutions pour l’enseignement professionnel », dossier de synthèse, juin.

20. Charles N. (2016), Mettre en oeuvre un droit réel à la seconde chance : les exemples étrangers, chaire Transitions démographiques, transitions économiques.

21. Le certificat CléA certifie la détention d’un socle de compétences de base « constitué de l’ensemble des connaissances et des compétences qu’il est utile pour une personne de maîtriser afin de favoriser son accès à la formation professionnelle et son insertion professionnelle ».

Option 2

Une politique qui vise d’abord à soutenir la capacité de mobilité professionnelle

Cette seconde option, plus proche du modèle britannique, met l’accent sur l’adaptabilité et la mobilité des personnes entre métiers via le marché externe du travail tout au long de leur vie active. Elle est donc axée sur l’acquisition de compétences de base et génériques dès le plus jeune âge, mais aussi de compétences disciplinaires non professionnelles permettant aux individus de faire face aux évolutions incertaines de l’emploi. Dans ce système, les responsabilités entre acteurs publics et entreprises sont réparties en fonction de la nature des compétences en jeu.

Le système éducatif est ici beaucoup moins professionnalisant. Il est recentré et redéployé sur le développement de compétences de base et des compétences disciplinaires générales, ainsi que sur les autres compétences génériques jugées nécessaires pour faciliter l’adaptabilité sur le marché du travail : coopération, travail en groupes interdisciplinaires, communication, autonomie, confiance en soi[22]. L’apprentissage professionnel devient plus marginal en formation initiale. Il est éventuellement réservé à l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi.

La professionnalisation passe par la formation continue et relève de la seule responsabilité des entreprises, qui adaptent les individus a priori dotés de compétences génériques à leurs besoins spécifiques[23]. Ce schéma implique donc le transfert d’une partie de l’enseignement professionnel initial vers des acteurs du monde professionnel, comme les chambres consulaires ou les écoles d’entreprise. Ces formations mettent l’accent sur les compétences pratiques, directement mobilisables en situation de travail.

L’investissement direct et individuel des entreprises se trouve renforcé pour adapter les salariés au poste, ce qui passe notamment par la formation en situation de travail. Afin d’inciter leurs salariés à partir en formation continue, elles se doivent aussi de reconnaître les suppléments de compétences qu’ils y acquièrent[24]. C’est le cas du modèle britannique, dans lequel les entreprises n’ont pas d’obligations légales de former mais le font par nécessité, ce qui favorise les formations au poste de travail et bénéficie aux plus jeunes comme aux moins jeunes[25].

Cet effort pourrait être appuyé par l’État, sous la forme d’aides aux remplacements temporaires en cas de départ en formation des salariés.

Le rôle des partenaires sociaux se recentre alors sur l’accompagnement des mobilités. Ils mettent en place des outils qui facilitent la reconnaissance entre entreprises de compétences professionnelles transversales et contribuent à une information de qualité sur les opportunités existantes. Ils permettent ainsi un accompagnement individuel des parcours professionnels et participent activement à fluidifier les mobilités sur le marché du travail.

Dans un tel système, les adultes, qu’ils soient salariés, non-salariés ou demandeurs d’emploi, disposent d’un « droit au retour » vers le système éducatif dès lors qu’il s’agit de mettre à niveau leurs compétences génériques ou socle (problème d’illettrisme par exemple), qu’ils n’ont pu correctement acquérir lors de leur formation initiale. Être capable d’accueillir massivement aussi bien les adultes que les étudiants suppose que l’Éducation nationale étende largement son offre de formation et adapte ses pratiques à l’accueil de populations plus âgées.


Les deux options présentées ici nécessitent d’être affinées, en matière de financement ou de contenu de l’offre de formation. L’une sera préférable à l’autre, selon la structure productive de l’économie et la capacité des entreprises à anticiper l’évolution de leurs besoins en compétences. Leur efficacité tient à la répartition, claire et cohérente, des fonctions assumées par les entreprises, les pouvoirs publics (nationaux ou territoriaux), les partenaires sociaux et les individus. La logique de comptes individuels, de formation (CPF) ou d’activité (CPA), qui se développe en France, peut s’intégrer dans les deux options, dès lors qu’il s’agit de se reconvertir ou d’acquérir des compétences génériques. Pour que cette stratégie de compétences atteigne ses objectifs, l’accompagnement personnalisé qui se développe avec ces comptes (le conseil en évolution professionnel principalement) doit être prioritairement orienté vers l’accès à la formation, notamment pour les plus éloignés de l’emploi.


Auteurs : Morad Ben Mezian, Hélène Garner et Antoine Naboulet 

Données graphiques de la note – Actions critiques – Élaborer une stratégie nationale de compétences (XLS – 0.05 Mo )

22. Algan Y. et Cahuc P. (2007), La société de défiance. Comment le modèle social français s’autodétruit, Paris, Éditions rue d’Ulm.

23. Voir la contribution de Bruno Coquet au débat 2017-2027.

24. Voir la contribution de lANACT au débat 2017-2027.

25. Amossé T., Bryson A., Forth J. et Petit H. (Eds.) (2016), Comparative Workplace Employment Relations: An Analysis of Practice in Britain and France, Palgrave Macmillan.