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Jeunesse, vieillissement quelles politiques ?

Faut-il rééquilibrer les transferts publics en direction des plus jeunes alors que nous devrons faire face à des besoins accrus liés au vieillissement ?
ENJEUX
DÉBAT &
CONTRIBUTIONS
SYNTHÈSES DES DÉBATS
Résumé

Niveau de vie, chômage, précarité, accès au logement, indépendance financière : la situation des jeunes adultes est aujourd’hui difficile. Cette situation n’est pas totalement nouvelle : les difficultés d’insertion des jeunes sur le marché du travail ont commencé dès le milieu des années 1970, le niveau de vie des retraités a amorcé son rattrapage à la même période. Mais sa persistance et son aggravation depuis la crise de 2008 doivent nous amener à nous interroger sur le sort que la société française réservera à sa jeunesse dans la décennie à venir.

La dégradation de la situation des jeunes est relative : autrement dit, leur sort continue de s’améliorer par rapport à celui des générations précédentes mais il se détériore par rapport à celui des seniors. Cela s’explique à la fois par des mutations et des chocs économiques – ralentissement de la croissance, crise financière – et par le jeu de nos politiques publiques en matière d’éducation, d’emploi, de logement ou de protection sociale.

Cette tendance résulte d’un certain nombre de choix collectifs, plus ou moins explicites. C’est d’abord un fonctionnement du marché du travail peu favorable aux nouveaux entrants. Ce sont ensuite des dépenses publiques concentrées sur les âges élevés, résultat d’un modèle social resté axé sur la couverture des risques « classiques » et n’ayant pas su s’adapter pour faire face au « nouvel âge de la vie » que constitue la jeunesse, dont l’accompagnement reste aujourd’hui du principal ressort des solidarités familiales. C’est enfin le choix d’une large couverture publique en matière de santé et de retraite, rendue possible dans le passé par un contexte démographique exceptionnel.

Le vieillissement démographique rendra la poursuite de cette tendance non soutenable dans les années à venir. Différentes options sont envisageables pour assurer un équilibre des efforts de la nation entre les âges : agir prioritairement sur le fonctionnement des marchés ou par les prélèvements et les transferts ? intervenir de manière ciblée ou réformer les politiques de droit commun ? jouer sur les dépenses ou les recettes de la protection sociale ? privilégier l’investissement social ou les dépenses courantes ?

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La note « Enjeux » de la thématique « Jeunesse, vieillissement : quelles politiques ? »

Enjeux

La pauvreté a longtemps touché davantage les personnes âgées que les jeunes. C’est aujourd’hui l’inverse. Dans leur ensemble, les évolutions observées depuis la fin des années 1970 suggèrent un déplacement des ressources le long de l’échelle des âges. Elles résultent de mécanismes multiples : l’allongement de la durée des études, la confrontation d’une partie significative des jeunes à des difficultés importantes d’accès à l’emploi, le poids de l’ancienneté dans les rémunérations, un niveau de vie moyen des retraités qui, sous l’effet conjugué des pensions et des patrimoines, a dépassé celui de l’ensemble de la population, une progression des dépenses publiques de santé qui bénéficient d’abord aux personnes plus âgées. Le patrimoine est également de plus en plus concentré entre les mains des plus âgés[1].

Ces constats ne singularisent pas radicalement la France parmi les pays de l’OCDE, mais laissent entrevoir certaines caractéristiques liées au « modèle » français. L’accompagnement des transitions vers l’âge adulte reste du principal ressort des solidarités familiales. L’accès des jeunes à l’indépendance économique est tardif et fragmenté, soit par élitisme éducatif, soit par éloignement de l’emploi des non-qualifiés. Enfin, les relations sur le marché du travail et dans l’entreprise sont plus favorables aux travailleurs en place qu’aux nouveaux entrants.

Ces évolutions soulèvent quatre types d’enjeux. Du point de vue de l’équité, elles invitent à compléter l’objectif de lutte contre les inégalités au sein de chaque génération par une attention à la question de l’équité entre les générations et les groupes d’âge. Du point de vue social, elles posent la question des interactions entre inégalités : si l’accompagnement de l’entrée dans l’âge adulte est laissé aux familles, cela favorise la perpétuation des inégalités sociales. L’enjeu est également économique : les difficultés d’insertion des jeunes affectent leurs investissements éducatifs, leurs opportunités professionnelles et leurs choix familiaux, donc in fine le potentiel de croissance. Enfin, la condition de la jeunesse a des implications politiques, dont les formes les plus fréquentes de nos jours sont moins la contestation que la désaffection des cadres institutionnels de la participation.

1. Le patrimoine médian des 60-70 ans était supérieur de 40 % à celui de l’ensemble des ménages en 2010, contre 20 % en 1992. Arrondel L., Garbinti B. et Masson A. (2014), « Inégalités de patrimoine entre générations : les donations aident-elles les jeunes à s’installer ? », Économie et statistique, n° 472-473, décembre, p. 71. 

Des conditions difficiles d'entrée dans l'âge adulte

Un niveau de vie qui décroche par rapport à celui des plus âgés

Si les jeunes d’aujourd’hui ont une situation plus favorable que les générations précédentes (leur consommation et leur revenu sont bien supérieurs à ceux de leurs parents au même âge, ils ont de plus hauts niveaux de qualification et leur espérance de vie devrait être plus élevée), leur situation relative s’est dégradée par rapport à celle des plus âgés. Alors que le niveau relatif de consommation des adultes à différents âges était relativement stable jusqu’en 2000, on observe ainsi un décrochage au bénéfice des plus de 60 ans depuis cette date[2]. Sur plus longue période, la situation financière relative des jeunes s’est progressivement dégradée parallèlement à l’amélioration de la situation des retraités depuis le début des années 1970[3].

Après une phase de stabilisation au tournant des années 2000, la pauvreté relative des jeunes s’est à nouveau détériorée depuis le début des années 2000, phénomène accentué par la crise de 2008 (voir tableau 1).

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La pauvreté plus élevée des jeunes adultes n’est pas propre à la France : elle s’explique en partie par les limites de cet indicateur, qui couvre mal les jeunes n’habitant plus chez leurs parents. Toutefois, son augmentation dans notre pays depuis une dizaine d’années ne peut être négligée. Elle contraste avec l’amélioration significative de la situation relative des plus de 60 ans. Aujourd’hui, en France, le taux de pauvreté a tendance à décroître avec l’âge, ce qui n’est pas le cas dans les pays du Nord, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, où la pauvreté est stable ou croît avec l’âge[4].

Cette approche par le niveau de vie donne toutefois un aperçu incomplet des ressources des jeunes et de leurs conditions de vie[5]. L’analyse de différents indicateurs de bien-être selon l’âge – situation financière ressentie, bonheur – permet de la compléter : les jeunes y apparaissent en moins bonne position que les plus âgés, mais leur situation est meilleure que celle des âges intermédiaires[6]. Leur satisfaction moyenne dans la vie est même supérieure à celle de tous les autres groupes d’âge[7]. Plus que la situation financière instantanée, qui peut être vécue comme transitoire, ce sont les conditions d’accès des jeunes adultes à l’autonomie et à l’indépendance économique qu’il convient d’examiner.

Une insertion dans l’emploi plus difficile, surtout pour les moins diplômés

Les difficultés d’accès à l’emploi constituent le risque majeur que rencontrent les jeunes adultes. Le taux de chômage dans les quatre années suivant la sortie de formation initiale est ainsi passé de 12 % à 20 % entre 1978 et 2014. Ce quasi-doublement masque en outre un accroissement fort des différences de situation selon le niveau de diplôme : ce taux de chômage a été multiplié par deux pour les diplômés du supérieur, par 2,5 pour les diplômés du secondaire et par 3 pour les diplômés du brevet ou les non-diplômés.

Si la situation au regard de cet indicateur demeure légèrement meilleure qu’en 1985 ou 1997, la situation de l’emploi des jeunes s’est fortement dégradée depuis la crise : entre 2008 et 2014, la part des personnes en emploi (hors sous-emploi) a diminué d’environ 9 points parmi les personnes ayant terminé leurs études depuis moins de quatre ans, alors qu’elle est restée stable pour celles ayant terminé leurs études depuis dix ans ou plus (voir graphique  2). Toutefois, en matière d’accès à l’emploi, les diplômés des grandes écoles se singularisent en étant quasi abrités des aléas de la conjoncture : depuis la crise, leur taux net d’emploi 12 à 15 mois après la sortie d’école n’a baissé que de 3 points, de 96 % en 2008 à 93 % en 2014[8].

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Parmi les 15-24 ans, 11,4 % ne sont ni en emploi ni en formation, une proportion légèrement inférieure à la moyenne européenne, mais deux fois plus élevée que celle atteinte en Allemagne, au Danemark ou aux Pays-Bas.

En outre, parmi les 15-24 ans en emploi, seulement 3 sur 10 bénéficient d’un CDI à temps plein, ce qui rend plus difficile leur accès au logement ou au crédit (voir graphique 3).

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La proportion de Français installés à l’étranger – notamment parmi les jeunes diplômés – progresse depuis les années 2000. Elle n’est pas imputable de manière évidente à une fuite des cerveaux ou à l’exil des jeunes, et semble plutôt correspondre au rattrapage d’un retard d’entrée des actifs français dans les flux de mobilité internationale[9]. Toutefois, cette évolution des sorties n’apparaît pas compensée par une augmentation parallèle des entrées : considérée notamment à l’échelle européenne, l’attractivité du marché du travail français pour les actifs mobiles est inférieure à la moyenne de celle des pays membres[10].

Les perspectives d’emploi pour le milieu de la décennie 2017-2027 sont plutôt favorables pour les jeunes diplômés du supérieur, en raison de la dynamique de certains métiers (ingénieurs, cadres, techniciens et professions intermédiaires). Elles le sont nettement moins pour les jeunes peu qualifiés : les métiers qui leur sont ouverts devraient continuer à perdre des emplois (ouvriers peu qualifiés, employés). Les services à la personne seraient quant à eux en forte croissance (aides à domicile, assistantes maternelles, etc.) mais recrutent habituellement peu de débutants[11].

Un accès relativement rapide au logement, au prix d’un effort important

Si l’accès à l’emploi est problématique pour les jeunes Français, l’accès à un logement indépendant se fait à 23,5 ans, soit plus tôt que dans les autres pays européens où la moyenne est de 26,3 ans (avec d’importantes variations selon les pays).

La part des jeunes de 18 à 24 ans qui ne vivent plus chez leurs parents a augmenté ces dernières années, même si les jeunes au chômage ou inactifs n’ont pas bénéficié de cette tendance, au contraire des étudiants. Depuis le début des années 2000, la part de propriétaires occupants progresse également chez les moins de 30 ans[12].

La décohabitation relativement précoce des jeunes Français se fait au prix d’un effort, public et privé, important. Elle est soutenue par des aides personnelles au logement substantielles, mais est aussi souvent conditionnée par des soutiens familiaux (cautionnement, aides financières). La part des revenus consacrée aux dépenses de logement est nettement plus élevée pour les ménages jeunes, qui connaissent aussi plus fréquemment des difficultés pour payer leur loyer ou leurs charges (voir graphique 4).

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Les conditions de logement des jeunes ménages sont en outre plus précaires que celles des plus âgés : le taux de surpeuplement[13] est dix fois plus élevé pour les ménages dont la personne de référence a entre 18 et 39 ans (16,7 %) que pour ceux dont la personne de référence a plus de 65 ans (1,6 %). Leur accès au logement social s’est par ailleurs rétréci en raison du faible taux de rotation de ce parc[14].

De fortes inégalités au sein de chaque classe d’âge

La comparaison des niveaux de vie entre groupes d’âge ne doit pas faire oublier l’importance des inégalités au sein de chaque groupe : l’ampleur des inégalités de niveau de vie, mesurée par le coefficient de Gini, est ainsi plus grande et a crû plus rapidement parmi les plus jeunes et les plus âgés que dans l’ensemble de la population (voir tableau 2).

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Hétérogène en termes de niveau de vie, la situation de chaque classe d’âge l’est aussi selon d’autres dimensions. Des disparités existent parmi les retraités en matière de santé, d’autonomie et d’espérance de vie, de patrimoine, etc.[15], et parmi les jeunes en matière d’accès au diplôme, à l’emploi, au logement. Ces dernières reproduisent le plus souvent des inégalités liées à l’origine sociale : la reproduction des inégalités d’une génération à l’autre est plus intense en France que dans d’autres pays[16]. Elles sont aussi corrélées à certaines origines migratoires : une partie des jeunes descendants d’immigrés connaissent des pénalités multiples[17].

Les difficultés de la jeunesse accentuent donc le poids de l’héritage social. Certains jeunes sont doublement pénalisés car ils ne disposent ni des ressources propres ni du soutien familial pour réussir leur insertion.

2. Profils par âge de consommation et de revenus du travail obtenus pour la France à partir de la méthode des comptes de transferts nationaux. Voir d’Albis H. et al. (2015), Le déficit de cycle de vie en France : une évaluation pour la période 1979-2011, CEPREMAP.

3. Chauvel L. (2013), « Spécificité et permanence des effets de cohorte : le modèle APCD appliqué aux inégalités de générations, France/ États-Unis, 1985-2010 », Revue française de sociologie, vol. 54, p. 665-705.

4. Hallaert J.-J. et Queyranne M. (2016), « From containment to rationalization : Increasing public expenditure efficiency in France », IMF Working Paper, n° 16/7, janvier.

5. DREES (2015), « Ressources et conditions de vie des jeunes adultes en France », Actes du séminaire du 29 janvier 2014, Dossiers Solidarité et Santé, n° 59.

6. Afsa C. et Marcus V. (2008), « Le bonheur attend-il le nombre des années ? », France, portrait social, Insee.

7. Godefroy P. (2011), « Satisfaction dans la vie : les personnes se donnent 7 sur 10 en moyenne », France, portrait social, Insee. Pour des données plus récentes, voir Eurostat (2015), « Quality of life in Europe, facts and views – overall life satisfaction », communiqué de presse, 19 mars.

8. Voir les enquêtes Insertion 2014 et 2008 de la Conférence des grandes écoles.

9. Un an après la fin de leurs études, 17,6 % des diplômés des grandes écoles sont installés à l’étranger en 2015 contre 13 % en 2005 (enquête Insertion 2015 de la Conférence des grandes écoles). D’après l’OCDE, en 2011, 2,5 % de la population française est installée dans un pays étranger de l’OCDE contre 4,4 % des Allemands et 6 % des Britanniques ; 5,5 % des Français titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur contre 8,7 % des Allemands et 11,4 % des Britanniques.

10. Les ressortissants des autres États membres représentent en France 2,3 % de l’emploi total, contre 3,3 % en moyenne dans l’Union européenne et 4,7 % en Allemagne. Voir Commission européenne (2014), Les travailleurs mobiles au sein de l’UE, MEMO, 25 septembre ; Commission européenne (2014), Supplement to the EU Employment and Social Situation Quarterly Review. Recent trends in the geographical mobility of workers in the EU, juin. Voir aussi INSEAD (2015), The Global Talent Competitiveness Index. Talent Attraction and International Mobility 2015-16.

11. France Stratégie (2015), « Une vision du marché du travail des jeunes en 2022 ».

12. Ménard S. (2012), « Les occupants des logements en 2011 », Chiffres et statistiques, n° 342, Commissariat général au développement durable, août.

13. Soit la proportion de la population qui vit dans un ménage ne disposant pas d’un nombre minimal de pièces.

14. Insee (2015), « Les conditions de logement fin 2013. Premiers résultats de l’enquête Logement », Insee Première, n° 1541, avril ; et Insee (2012), « Conditions de logement de 2005 à 2010. Légère amélioration, moins marquée pour les ménages modestes », Insee Première, n° 1396, mars.

15. Conseil d’orientation des retraites (2015), Les retraités : un état des lieux de leur situation en France, Treizième rapport, décembre, pp. 34, 138, 157 et 164.

16. Peugny C. (2013), Le destin au berceau. Inégalités et reproduction sociale, Paris, Seuil.

17. Cusset P.-Y. et al. (2015), « Jeunes issus de l’immigration : quels obstacles à leur insertion économique ? », La Note d’analyse, France Stratégie, mars.

18. Flamand J. (2016), « Dix ans de transitions professionnelles : un éclairage sur le marché du travail français », Document de travail, France Stratégie, mars.

Des choix collectifs peu favorable aux jeunes ?

Un fonctionnement du marché du travail défavorable aux nouveaux entrants

Au cours des Trente Glorieuses (1945-1974), la demande de travail et l’embauche à salaire croissant permettaient de satisfaire les intérêts à la fois des travailleurs en place (insiders bénéficiant de l’effet de carrière ou d’ancienneté) et des nouveaux salariés entrant sur le marché du travail (placés sur une orbite salariale un cran au-dessus de celle de leurs prédécesseurs).

Le changement de régime de croissance s’est plus qu’ailleurs opéré au détriment des plus jeunes. Le risque de chômage et la précarité croissante de l’emploi se sont concentrés sur les nouveaux entrants. Surreprésentés parmi les contrats à durée limitée, les plus jeunes ont une probabilité de passage vers le chômage d’autant plus forte qu’à type de contrat donné, leur risque de transition de l’emploi vers le chômage est plus élevé (voir graphique 5). Ils font ainsi office de « variable d’ajustement » d’un marché du travail dualisé[18].

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Le régime de formation des salaires reflète les effets importants de l’ancienneté : après 45 ans, les salaires moyens augmentent plus vite en France que dans la plupart des autres pays développés[19]. Ce régime renvoie à une absence de mise en concurrence des générations antérieures avec les nouvelles générations (fixation d’un salaire minimum pouvant constituer un désavantage relatif pour l’embauche des outsiders ; érosion relative du rendement des diplômes). Ce modèle de rémunération s’opère également au détriment d’une partie des seniors et de leurs possibilités d’emploi. La progression des salaires après 50 ans résulte pour une part d’un biais de sélection, avec une sortie précoce des moins qualifiés du marché du travail[20]. De facto, le taux d’emploi des seniors français, bien qu’en progression ces dernières années, demeure inférieur à celui de nombreux pays européens : 68,2 % des 55-59 ans sont en emploi en France contre 72,7 % au Royaume-Uni, 77,2 % en Allemagne et 81,9 % en Suède en 2014[21]. Les seniors sans emploi sont cependant majoritairement couverts par la protection sociale – chômage, invalidité, retraite, etc. –, à l’inverse des jeunes.

Des dépenses publiques de plus en plus concentrées sur les âges élevés

L’effort de la nation est de plus en plus concentré sur les plus âgés. Si l’on fait la somme des dépenses de protection sociale et d’éducation, les plus de 60 ans recevaient en 2011 l’équivalent de 17 % du PIB contre 11 % en 1979, soit une augmentation de 50 %, alors que les dépenses consacrées aux moins de 25 ans étaient stables à 9 % du PIB (voir graphique 1).

Si l’on s’intéresse à ce que chacun reçoit individuellement, les choses sont plus nuancées. Ce sont toujours les plus âgés pour lesquels les dépenses, rapportées au PIB par tête, augmentent le plus (+ 10 points), mais la progression est aussi nette chez les 18-24 ans (+ 8 points). En revanche, elle est plus faible pour les 25-29 ans (+ 4 points) et surtout pour les moins de 18 ans (+ 2 points).

La concentration accrue des dépenses publiques tient donc en bonne partie à la progression de la proportion des plus de 60 ans dans la population. Elle résulte cependant également d’un choix – au moins implicite –d’allocation des ressources publiques. Ainsi, les dépenses d’éducation ont progressé moins rapidement en France qu’en moyenne dans les pays de l’OCDE : entre 1995 et 2010, les dépenses d’enseignement supérieur ont augmenté de 50 % en moyenne dans l’OCDE contre 16 % en France. Entre 2005 et 2010, les dépenses par élève dans l’enseignement primaire et secondaire ont augmenté de 10 % ou plus dans 23 pays de l’OCDE mais seulement de 5 % en France.

D’autres pays confrontés à l’accroissement de la part des plus âgés ont procédé à des choix différents, comme l’illustre la comparaison de l’évolution des dépenses de retraite et d’éducation entre France et Allemagne : dans ce pays, les dépenses individuelles de prestations vieillesse sont restées stables en euros courants entre 1999 et 2013, alors qu’elles ont augmenté de 53 % en France. Inversement, les dépenses d’éducation par tête ont augmenté un peu plus vite en Allemagne qu’en France (voir graphique 6).

 

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Une couverture des jeunes qui s’opère aux marges de la protection sociale

La faiblesse des dépenses de protection sociale consacrées aux jeunes s’explique en grande partie par des besoins inférieurs à ceux des plus âgés, en matière de santé notamment, sans parler des pensions de retraite. Elle s’explique aussi par une insuffisante adaptation de notre système aux évolutions de l’entrée dans la vie adulte depuis le début des années 1980. La démocratisation de l’enseignement secondaire puis supérieur et la crise du marché du travail ont en effet déstabilisé les modes traditionnels d’entrée dans la vie adulte – l’étudiant et le jeune travailleur – et les modalités de protection qui leur étaient rattachées, par les parents et le statut étudiant d’une part, par l’insertion précoce sur le marché du travail et l’accès aux droits sociaux associés de l’autre[22]. Les politiques publiques n’ont qu’imparfaitement intégré l’émergence du « nouvel âge de la vie » que constitue la jeunesse.

Le renforcement des protections traditionnelles – amélioration du « statut » d’étudiant avec les bourses et les aides au logement notamment, augmentation de l’âge de prise en charge des enfants pour les prestations familiales – n’a pas éteint la précarité en milieu étudiant[23]. Il a également laissé de côté un nombre croissant de jeunes en situation précaire sur le marché du travail, voire en « galère ». Mal pris en charge par un système fondé sur une double assise familiale et professionnelle[24], les jeunes sont écartés de la protection sociale de droit commun – dans les faits, puisqu’ils sont moins souvent indemnisés par l’assurance chômage, pour des montants plus faibles et des durées plus courtes[25], comme en droit, puisqu’ils n’ont pas accès au RSA[26] – et sont pris en charge par des dispositifs dédiés (« Garantie jeunes » par exemple).

De même, la concentration des dépenses publiques de santé sur certaines pathologies chroniques souvent liées à l’âge (système des affections de longue durée, ALD), au détriment de soins ou de biens médicaux moins bien pris en charge par l’assurance publique (soins hors ALD, optique, dentaire), explique en partie la déformation des dépenses de santé en direction des plus âgés.

Un financement qui pèse de plus en plus lourd pour les actifs et des déficits récurrents

L’augmentation globale des dépenses de protection sociale constatée ces trente dernières années pèse de plus en plus lourd pour les actifs d’âge intermédiaire : rapportée au PIB par tête, la différence entre ce que paient individuellement les 25-59 ans pour financer la protection sociale et ce qu’ils reçoivent d’elle a augmenté de 32 % entre 1979 et 2011.

Les plus âgés sont deux fois plus mis à contribution pour le financement de la protection sociale qu’il y a trente ans, notamment avec la création de la CSG (voir graphique 7). Ils restent cependant moins imposés que les groupes d’âge plus jeunes[27], même si cet écart s’est réduit ces dernières années, avec la création de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, l’imposition des majorations familiales de retraite, etc.

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Malgré des efforts, les dépenses de protection sociale ont été de plus en plus souvent financées par le déficit ces vingt dernières années. Le solde du compte de la protection sociale, continûment excédentaire entre 1959 et 1991, a été déficitaire 14 années sur 22 entre 1992 et 2013. Entre 1996 et 2015, la caisse d’amortissement de la dette sociale a ainsi repris pour 236 milliards d’euros de dettes sociales cumulées, et en a amorti près de 110 milliards. Les modalités de constitution de cette dette et son mode de remboursement produisent également des transferts en faveur des plus de 65 ans[28].

Des évolutions démographiques qui nécessitent d’importants ajustements

Il n’y a rien d’anormal à ce que les plus âgés absorbent une part importante des dépenses de protection sociale, puisque les besoins en santé et en revenus de remplacement se manifestent principalement à cet âge et que les retraites sont la contrepartie de cotisations passées. Néanmoins, la générosité de notre système de protection sociale a beaucoup reposé par le passé sur un contexte démographique exceptionnel et plus récemment sur un recours de plus en plus systématique aux déficits. Le vieillissement démographique rend la poursuite de cette tendance non soutenable pour les années à venir. À titre d’illustration, si nous avions aujourd’hui la structure démographique de 2030, tout en conservant, à chaque âge, les dépenses par tête de protection sociale de 2011, il faudrait augmenter immédiatement de 21 % les prélèvements moyens qui la financent, pour ne pas creuser davantage les déficits.

Conscients de cette équation démographique, les gouvernements successifs ont adopté une série de réformes, notamment de notre système de retraites, visant à ralentir la croissance des dépenses ou à augmenter les recettes. Malgré ces réformes, l’évolution projetée des dépenses laisse présager une concentration sur les risques concernant principalement les plus âgés, dont les dépenses globales devraient continuer à progresser, et une baisse des dépenses orientées vers les jeunes et les personnes d’âge actif.

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Ces projections sont en outre soumises à d’importantes incertitudes, en particulier sur la situation macroéconomique. Elles sont en effet construites sur l’hypothèse d’un retour à un rythme de croissance économique proche de celui ayant prévalu avant la crise (croissance de la productivité à l’horizon 2030 de 1,5 point par an pour le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFi-PS), de 1,3 pour la Commission européenne). La tendance à l’accroissement des dépenses ciblées sur les plus âgés serait aggravée si la croissance était moins soutenue et le chômage plus élevé. Ainsi, dans le scénario macroéconomique le plus pessimiste retenu par le HCFi-PS (taux de chômage de 7 % à partir de 2030, croissance annuelle de la productivité de 1 %), actualisé avec les dernières prévisions du Conseil d’orientation des retraites (COR), les charges des régimes d’assurance sociale seraient supérieures de 0,9 point de PIB en 2030, l’essentiel de l’écart s’expliquant par les dépenses de retraite.

Ces tendances sont d’autant plus préoccupantes que l’augmentation des dépenses globales en direction des plus âgés pourrait s’accompagner d’une dégradation de la situation relative de ces derniers. En particulier, l’érosion du niveau relatif des pensions prévue par le COR à partir de 2025[30] et la croissance des restes à charge pour faire face à la perte d’autonomie[31] pourraient fragiliser fortement les retraités modestes.

 

19. Aubert P. (2005), « Les salaires des seniors sont-ils un obstacle à leur emploi ? », Les salaires en France, Insee.

20. Godot C. (2010), « Modèles de carrière et logiques de fin de vie active : quelles leçons de la comparaison européenne ? », La Note d’analyse, n° 186, Centre d’analyse stratégique, juillet.

21. Dares (2016), « Emploi et chômage des seniors en 2014. Plus d’un actif sur deux parmi les 55-64 ans », Dares Résultats, n° 7, janvier.

22. Baudelot C. et Establet R. (2007), « Une jeunesse en panne d’avenir », in Cohen D. (dir.), Une jeunesse difficile, CEPREMAP.

23. Observatoire de la vie étudiante (2013), Panorama 2013 : Conditions de vie des étudiants.

24. IGAS (2015), La protection sociale des jeunes de 16 à 29 ans, La documentation Française.

25. Les moins de 25 ans représentent 16 % des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi à fin septembre 2013 mais seulement 13 % des indemnisables ; ils perçoivent en moyenne 724 euros/mois de l’assurance chômage contre 1 030 euros pour l’ensemble des indemnisés ; 38 % ont un droit à indemnisation inférieur à 12 mois, contre 25 % en moyenne.

26. La prime d’activité, qui remplace depuis le 1er janvier 2016 le RSA activité, est toutefois ouverte dès 18 ans.

27. Conseil des prélèvements obligatoires (2008), La répartition des prélèvements obligatoires entre générations et la question de l’équité intergénérationnelle, novembre.

28. Ibidem.

En ouverture au débat

Au vu d’un ensemble d’indicateurs – accès au travail, au revenu, au logement ; couverture du risque de perte de revenu ; transferts sociaux –, la situation relative des jeunes apparaît aujourd’hui sensiblement plus défavorable qu’elle ne l’était dans la deuxième moitié du XXe siècle, tandis que la situation relative des générations plus âgées s’est améliorée. Mais leurs sorts sont liés, notamment du point de vue du financement et de la soutenabilité des dépenses sociales.

Il importe de clarifier les causes de ces évolutions avant de s’interroger sur la nécessité d’infléchir les politiques publiques pour opérer un rééquilibrage en faveur des nouvelles générations.

Clarifier le diagnostic

Quelles sont les causes de la dégradation de la situation relative des jeunes ?

La dégradation relative de la situation de la jeunesse s’explique à la fois par des mutations et des chocs économiques (ralentissement de la croissance, crise financière, récession) et par le jeu des politiques publiques,  qu’elles concernent la couverture des risques sociaux ou le fonctionnement des marchés du travail, des produits et du logement. Sont à l’oeuvre à la fois des tendances de long terme, apparues dès le milieu des années 1970, et des évolutions plus récentes, en partie liées à la crise de 2008, sans que l’on puisse à ce stade se prononcer sur leur caractère conjoncturel ou plus structurel.

Cette évolution appelle deux interrogations :

  • le modèle social français a-t-il contribué à l’accroissement des inégalités entre les âges ? Plus que d’autres modèles, il tendrait en effet à limiter les inégalités de revenu mais en laissant prospérer des inégalités d’accès à l’emploi, à l’assurance contre la perte de revenu, au logement ou au crédit ;
  • comment expliquer les arbitrages collectifs défavorables aux jeunes ? Quelle part résulte de choix par défaut, liés à l’inertie d’un modèle social centré sur la couverture de risques concernant principalement les plus âgés ? Et quelle part résulte de décisions collectives en matière de retraites notamment (caractère tardif des réformes, choix de leviers faisant porter le poids de l’ajustement principalement sur les générations suivantes) ? Ces arbitrages peuvent-ils aussi s’expliquer par un problème de représentation et de prise en compte des intérêts de la jeunesse, lié à la participation électorale et à l’âge des élus et des électeurs[32]

Quels objectifs pour orienter les politiques ?

La question de l’équité intergénérationnelle est récurrente dans le débat public depuis la fin des années 1990, sans pour autant qu’un diagnostic clair émerge. Cela tient notamment au fait que nous manquons d’un critère bien établi pour mesurer l’équité entre générations :

  • cette équité consiste-t-elle à rapprocher les niveaux de vie des différents groupes d’âge à un moment donné ? ou bien s’agit-il d’assurer une progression du niveau de vie d’une génération à l’autre, à âge donné ?
  • l’impact de la protection sociale doit-il se mesurer au regard du montant relatif des transferts vers les différents groupes d’âge ou de l’équilibre entre prélèvements et prestations versées par chaque génération sur l’ensemble de sa vie ?

L’approche intergénérationnelle ne doit pas occulter le maintien d’inégalités fortes au sein des classes d’âges. C’est vrai pour les retraités, mais plus encore pour les jeunes, ce qui suscite une autre interrogation :

  • l’effort de rééquilibrage doit-il porter sur les jeunes pris dans leur ensemble ou sur ceux qui sont issus d’un milieu social défavorisé ou sont privés de soutien parental ?

Identifier les leviers de réforme

Comment accompagner plus efficacement la jeunesse vers l’âge adulte ?

Deux grands types d’arbitrage peuvent être mis en discussion. Le premier concerne les domaines d’intervention à privilégier :

  • on peut agir prioritairement sur les marchés du travail et du logement : politiques visant à faciliter l’accès des jeunes à l’emploi, au logement, à la formation par une organisation de marchés plus fluide ; mesures de déréglementation, de réduction des rentes et de mobilisation des ressources privées ;
  • ou bien on peut mobiliser les transferts et l’investissement public : politiques de transferts monétaires (RSA, dotations en capital, allocation d’autonomie), investissements sociaux (développement de l’accueil de la petite enfance et des services d’éducation et de formation).

Le second type d’arbitrage concerne le ciblage des politiques à mettre en œuvre : on peut choisir de privilégier des dispositifs ciblés sur les jeunes ou bien viser leur accès aux politiques de droit commun. Il restera à organiser une politique en direction de toute la jeunesse (élévation des niveaux de qualification) et une politique ciblée sur les plus en difficulté (décrocheurs, jeunes sans emploi ni formation).

Comment articuler investissement dans la jeunesse et prise en charge du vieillissement ?

Dans l’hypothèse d’un rééquilibrage des transferts publics des âgés vers les jeunes et les actifs, deux leviers peuvent être mobilisés :

  • les dépenses en direction des plus âgés. Le principal arbitrage concerne les dépenses de retraite, avec deux grandes options qui auraient des effets différenciés selon les générations. Faut-il agir sur le niveau relatif des retraites, ce qui implique d’accélérer ou d’accroître l’érosion du niveau de vie relatif des bénéficiaires? Ou faut-il plutôt agir sur le nombre de retraités en continuant à retarder l’âge de départ ? Cette seconde option préserve le niveau de vie relatif des retraités mais pèse sur les actifs actuels ;
  • le financement de ces dépenses. Une plus grande mise à contribution des plus âgés peut passer par une réduction des différences de taxation selon l’âge dans le système actuel sans en modifier la structure. Elle peut aussi passer par une réforme plus profonde visant à transférer le financement des dépenses sociales du travail vers d’autres assiettes détenues par les plus âgés (ensemble des revenus, patrimoine).

Il est également envisageable d’accompagner une réorientation des transferts publics par une action visant à modifier – notamment par la fiscalité – les flux de transferts privés (aides familiales, donations, successions, développement du viager).

Il est enfin possible de chercher à réorienter le modèle social français vers des dépenses permettant d’accroître notre capacité à financer les charges liées au vieillissement : c’est la piste explorée par la stratégie d’investissement social notamment dans l’éducation-formation et par le « vieillissement actif » qui vise à prolonger la contribution des seniors à la société[33]. Comment dans cette hypothèse concilier des investissements sociaux dont les bénéfices éventuels ne se feront sentir qu’à moyen-long terme avec les dépenses immédiates liées au vieillissement ?

Auteurs :

Marine Boisson-Cohen

Pierre-Yves Cusset

29. Prévisions actualisées par France Stratégie pour tenir compte des projections du Conseil d’orientation des retraites intégrant la réforme de 2014.

30. Conseil d’orientation des retraites (2015), op. cit.

31. DREES, Présentation et analyse des projections de dépenses en faveur des personnes âgées dépendantes à l’horizon 2060, in HCFi-PS (2014), Rapport sur les perspectives de financement à moyen-long terme des régimes de protection sociale, janvier.

32. Nabli B. et Naves M.-C. (2015), Reconnaître, valoriser, encourager l’engagement des jeunes, rapport, France Stratégie, juin.

33. Palier B. (2014), La stratégie d’investissement social, Étude du Conseil économique, social et environnemental.

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Le débat

Jeudi 19 mai 2016

Podcast du débat Jeunesse, vieillissement : quelles politiques ? enregistré le 19 mai 2016.

Le débat sur « Jeunesse, vieillissement, quelles politiques ? » a réuni universitaires, acteurs publics, associations, partenaires sociaux et think-tanks autour des deux grandes questions posées dans la note « Enjeux ».

La première question est celle du diagnostic. Quelles sont les causes de la dégradation de la situation relative des jeunes ? Le modèle social français a-t-il contribué à l’accroissement des inégalités entre les âges ? Comment expliquer les arbitrages collectifs défavorables aux jeunes ? Quels objectifs pour orienter les politiques ?

La seconde question est celle des leviers de réformes, et des priorités. Comment accompagner plus efficacement la jeunesse vers l’âge adulte ? Comment articuler investissement dans la jeunesse et prise en charge du vieillissement ? Dépenses publiques, protection sociale, marché du travail, logement, représentation citoyenne et politique sont en jeu.

Avec les interventions de :

Antoine DULIN, membre du bureau du Conseil économique, social et environnemental
Mireille ELBAUM, présidente du Haut Conseil du financement de la protection sociale
Anne-Marie GUILLEMARD, EHESS
Monique DAGNAUD, CNRS
Henri STERDYNIAK, OFCE
Nicolas DUVOUX, Université de Paris 8
Serge KROICHVILI, délégué général de l’Union nationale des missions locales
Hervé BOULHOL, OCDE
André MASSON, Paris School of Economics
Gaspard KOENIG, président du think tank Génération libre
Pierrine ROBIN, Université de Créteil
Bruno PALIER, Sciences Po
Bertrand FRAGONARD, président du Haut Conseil de la Famille
Inès MININ, secrétaire nationale de la CFDT
Jean-Michel CHARPIN, auteur de « L’avenir de nos retraites », rapport au Premier ministre, 1999
Frédéric MONLOUIS FELICITE, délégué général de l’Institut de l’entreprise
Didier BLANCHET, INSEE
Francis KRAMARZ, ENSAE
Alexandre LEROY, président de la FAGE (Fédération des associations générales étudiantes)

Contributions

Favoriser l’autonomie des jeunes pour réduire la reproduction sociale – Camille Peugny – Sociologue, maître de conférences – Université Paris-VIII
Depuis le début des années 1980, le taux de chômage des jeunes actifs oscille entre 15 % et 25 %, s’élevant ainsi à un niveau au moins deux fois plus élevé que celui observé pour l’ensemble de la population active.

Jeunesse : la sympathie et l’affection ne suffisent pas – Jean-Michel Charpin – Ancien commissaire au Plan
Une génération achève sa période de travail. Qualifiée par certains auteurs de « génération dorée », elle a bénéficié du plein emploi et de la montée des prix d’actifs, en plus de la sécurité et de progrès importants des conditions de vie, notamment en matière de santé.

Jeunesse, vieillissement : Pour des deals solidaires entre générations ? – André Masson – Cnrs & Ehess
Mes commentaires visent tout d’abord à situer cette note de France Stratégie dans le champ des philosophies sociales, pour lesquelles j’ai proposé une trilogie « idéale » ‒ libre agent, égalité citoyenne et multi-solidarité ‒, et selon le mode d’analyse des rapports entre générations ‒ en termes de lutte, équité ou coopération.

Six souhaits pour la jeunesse – Laurent Gerbaud – Médecin-directeur – Service de santé universitaire de l’Université de Clermont-Auvergne
Financer la jeunesse c’est investir dans l’avenir, financer la vieillesse c’est reconnaître le passé. La jeunesse est donc vécue comme celles et ceux porteurs d’avenir, mais il faut constater que la France n’aime pas l’avenir.

Une politique pour toutes les générations – Henri Sterdyniak – Observatoire français des conjonctures économiques
En 2015, les moins de 18 ans représentent 22 % de la population française, les jeunes adultes (18 à 25 ans) 8 %, les plus de 62 ans 22,5 %. Le traitement des enfants, et donc des familles, des jeunes et celui des retraités sont donc cruciaux, du point de vue de l’efficacité et de l’équité du système socio-fiscal comme de celui de la distribution des revenus.

Synthèse issue de L’ère du sur-mesure – Charles de Froment – Institut de l’entreprise
Lorsque l’on aborde la question de l’emploi des jeunes, on commet le plus souvent une double erreur. La première, qui a fait l’objet d’un premier rapport publié en juillet 2014, est de considérer la jeunesse comme une population homogène, indifféremment touchée par le fléau du chômage. La seconde, qui en découle, est de penser qu’il existerait à ces difficultés des solutions politiques globales, simples, presque « miraculeuses ».

Couverture maladie des jeunes et des personnes âgées : pour un nouveau partage du risque – Paul Chalvin & Erwann Paul – Cartes sur Table
Depuis 20 ans, le rôle des organismes privés dans le système de santé est en mutation constante sous les effets conjugués d’une concurrence accrue, de l’application du droit européen et de la contrainte grandissante sur la dépense publique.

Redéployer les transferts sociaux en direction de la jeunesse : quelles marges de manoeuvre ? – Didier Blanchet – INSEE
Les transferts intergénérationnels publics sont majoritairement ascendants. Il y a des raisons à cela. Trois canaux permettent de transférer du revenu entre étapes du cycle de vie : la solidarité familiale, les transferts publics et le recours aux marchés financiers. Ces derniers ont plutôt un rôle d’appoint.

Les réformes récentes des régimes de retraites sont-elles équitables ? – Xavier Chojnicki, Julien Navaux et Lionel Ragot, Chaire TDTE
Le vieillissement démographique a entrainé un déséquilibre financier des régime de retraite par répartition. Les réformes engagées depuis une trentaine d’années ont cherché à y remédier et ont naturellement été évaluées à l’aune du critère d’efficacité, c’est-à-dire de leur capacité à retrouver et pérenniser l’équilibre budgétaire.

Comment l’État social peut-il promouvoir l’accès à l’indépendance des jeunes ? État des lieux européens – Tom Chevalier – Sciences Po
L’État social peut intervenir de deux façons différentes pour promouvoir l’indépendance des jeunes, i.e. leur accès à des ressources financières – ce que nous avons appelé ailleurs leur « citoyenneté socioéconomique ».

Comment favoriser le passage à la vie adulte ? – Olivier Thévenon – INED et Chaire TDE
Plusieurs raisons motivent l’attention accordée aux politiques ou au défaut de politiques en direction des jeunes adultes. La première est que l’entrée dans la vie adulte est un processus complexe et déterminant.

Sécurité sociale et refondation d’un pacte entre les générations – Anne-Marie Guillemard – Sociologue, Professeur émérite des Universités en sociologie, membre du COR
L’introduction de retraites de répartition pour l’assurance vieillesse en 1945 est une innovation par rapport au système précédent des assurances sociales.

Les orientations de la branche famille en direction de la jeunesse – Daniel Lenoir – directeur général de la CNAF 
La jeunesse est un projet d’avenir, une ambition pour la société de demain. La politique de la branche Famille à l’égard de la jeunesse est une politique d’investissement social.

Les jeunes, oubliés des politiques publiques – Fondation Concorde
Les iniquités intergénérationnelles soulèvent la question de la soutenabilité du modèle social français. Les politiques qui ont été menées depuis plusieurs décennies ont été des politiques faites par et pour les seniors, probablement en partie par électoralisme politique, et par manque de vision sur les défis auxquels seraient confrontées les générations futures

L’imprévoyance générationnelle : question taboue – Monique Dagnaud – Directrice de recherches au CNRS, Membre du comité éditorial de la plateforme de débat Telos
En France, l’idée des inégalités entre générations figure comme un non-dit. La raison en est simple : mettant en cause plusieurs choix politiques opérés par les générations vieillissantes, les dettes publiques sans cesse reportées ou les invraisemblables ratés du système d’enseignement français, sans parler du patinage artistique autour de la réforme des retraites, elle est quasiment taboue. En fait, personne n’a envie d’endosser le fiasco d’un égoïsme générationnel.

Reconstruire la solidarité entre générations – Bruno Palier – directeur de recherche du CNRS à Sciences po, Centre d’études européennes
Le système français de protection sociale repose sur un contrat générationnel implicite : les actifs versent des cotisations sociales tout au long de leur carrière, en échange de quoi ils ont la garantie qu’ils auront une rémunération (on disait parfois un salaire différé) en cas de problème en cours ou après leur carrière professionnelle (problèmes de santé, de chômage, d’invalidité ou de vieillesse – pendant longtemps, la vieillesse a été perçue comme un risque social, celui d’être trop vieux pour pouvoir travailler).

Des impôts directs en fonction de l’âge – Alain Trannoy – EHESS et AMSE, conseiller scientifique à France Stratégie
Une des leçons de ce quinquennat est qu’il faut manier l’outil fiscal avec parcimonie et que quelque part la société française est un peu fatiguée d’entendre parler et de voir bouger les curseurs de la fiscalité.

Contribution sur l’équité entre les générations – Secrétariat général du COR
Cette contribution reprend des travaux récents du Conseil d’orientation des retraites (COR), le premier concernant l’évolution sur longue période (1970-2060) du niveau de vie relatif des retraités par rapport à l’ensemble de la population et le second sur les dimensions de l’équité entre les générations au regard de la retraite.

Débat sur la jeunesse dans une société vieillissante : éléments de réflexion – Dominique Meurs – Observatoire Éducation de la Fondation Jean-Jaurès
Les évolutions démographiques en France – comme dans beaucoup de pays – sont marquées par un accroissement du poids relatif des plus de 65 ans dans la population, en raison d’un double mouvement : le vieillissement des générations nombreuses du baby-boom ; l’allongement de l’espérance de vie.

Les jeunes de 18 à 24 ans – Secrétariat général du Haut Conseil à la Famille

Exclusion, discriminations, ségrégation des fractions dominées de la jeunesse populaire. Enjeux pour les politiques publiques – Nicolas Duvoux – Professeur de sociologie à l’Université Paris VIII – CRESPPA/LabToP
Interroger les choix collectifs en matière d’inégalités intergénérationnelles, comme y invite France stratégie, revient à reconnaître une des transformations les plus significatives de la pauvreté depuis quatre décennies.

Favoriser l’autonomie des jeunes et permettre leur insertion sociale, citoyenne et professionnelle – FAGE
Depuis plusieurs semaines, le sujet “jeune” tient le haut de l’affiche médiatique. Cristallisant les sentiments d’injustice, d’appréhension, et à raison ou non, d’abandon, l’avant-projet de loi travail a provoqué un frisson épidermique d’une large partie de la jeunesse alors qu’elle n’était pas un des objets directs des dispositions contenues dans cet avant-projet que la FAGE avait alors dénoncé.

La jeunesse dans une société vieillissante – Génération libre
En 2060, un habitant sur trois aura plus de 60 ans, selon l’INSEE. Connu depuis longtemps, le phénomène de baisse de la fécondité couplé à une immigration ralentie contribue au vieillissement de la population. Si le nombre croissant d’inactifs surprend peu, la répartition des richesses entre les différentes générations retient de plus en plus l’attention.

Jeunesse, vieillissement, quelles politiques… un débat pertinent ? – Jean-Philippe Viriot-Durandal
Les questions politiques et sociétales appellent à la nécessité d’adopter une pensée complexe et agrégative. Cela signifie, par exemple, que l’examen des inégalités ou des iniquités intergénérationnelles ne sont pas détachables des débats sur les inégalités intra-générationnelles et leur perpétuation, voire leur aggravation depuis plusieurs décennies.

Intervention au débat du 19 mai – Inès Minin – Secrétaire nationale de la CFDT

Soutenir la transition à l’âge adulte des jeunes sortant de la protection de l’enfance – Pierrine Robin – Maître de conférences en sciences de l’éducation – Université Paris Est Créteil Val de Marne (UPEC)
La question de l’entrée dans l’âge adulte se pose pour tous les jeunes mais avec des modalités très différentes, notamment en fonction du sexe et des catégories sociales. Il s’agit dans tous les cas d’un processus long, complexe et instable.

Le défi des jeunes générations en trois questions : équité, démocratie, responsabilité – Cécile Van de Velde – Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les inégalités sociales et les parcours de vie, professeure de sociologie à l’Université de Montréal, maître de conférences à l’EHESS
En cette seconde décennie du 21e siècle, la crise, et les politiques d’austérité qu’elle a légitimées dans son sillage, ont apporté une nouvelle question fondamentale pour nos sociétés : qui doit payer la « dette » publique ?

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Synthèse des contributions et du débat

Les contributions recueillies dans la phase de concertation, comme les interventions dans le cadre du débat public organisé le 19 mai 2016 par France Stratégie sur la situation des jeunes et des seniors, ont permis de dégager un consensus assez large sur l’état des lieux, malgré quelques nuances.

Elles ont également soulevé des controverses substantielles quant aux mécanismes susceptibles d’expliquer la situation, et quant aux démarches à conduire pour améliorer la situation des jeunes.

Accords et désaccords sur le diagnostic

Quelle a été l’évolution de la situation comparée des groupes d’âge ?

Un certain nombre de points font relatif consensus s’agissant de la situation relative des différents groupes d’âge et des mécanismes en cause. En particulier, la baisse du niveau de vie relatif des enfants et des jeunes par rapport aux personnes âgées n’est pas contestée, de même que la précarité des jeunes adultes sur le front de l’emploi.

Mais certains éléments plus favorables aux jeunes ont également été rappelés, de façon là aussi relativement consensuelle. Les jeunes générations ont ainsi aujourd’hui accès à des possibilités de formation qui n’existaient pas il y a trente ans et leur mobilité internationale est grandement facilitée. Par ailleurs, à tous les âges, y compris aux âges jeunes, le niveau de vie continue d’augmenter de génération en génération. Enfin, la situation des jeunes Français est plutôt plus favorable que celle de leurs homologues d’autres pays. L’idée avancée par certains d’une forme de dé-standardisation des parcours a en revanche été davantage discutée.

De nombreuses interventions et contributions ont porté sur le caractère très contrasté des situations, tant parmi les jeunes que parmi les personnes âgées. Ainsi, pour les jeunes, la dégradation n’est pas universelle : les deux tiers des jeunes continuent d’entrer dans l’emploi rapidement après la fin de leurs études, et trouvent au bout de quelques années un emploi stable. C’est le sort des jeunes les moins formés qui ne cesse de se dégrader. Du côté des plus âgés, si la concentration du patrimoine aux âges élevés ne peut être contestée, de même que la baisse importante du taux de pauvreté qui les frappe, une baisse de leur niveau de vie relatif est attendue dans les prochaines années du fait des réformes du système des retraites et de l’augmentation du nombre de carrières incomplètes.

En tout état de cause, les inégalités au sein d’une même génération semblent bien dominer les inégalités entre les différentes générations, ce qui n’interdit par de s’intéresser à ces dernières, notamment s’il s’agit de réorienter les dépenses publiques. Mais on se heurte vite à la difficulté de s’entendre lorsqu’il s’agit de passer du constat de l’inégalité au jugement sur l’équité ou l’iniquité de la situation observée.

Quels sont les mécanismes en cause ?

Si la situation financière relative des jeunes s’est dégradée, quelles en sont les causes ? Certaines institutions et certaines politiques publiques sont pointées du doigt.

Notre système éducatif est ainsi jugé trop peu efficace pour limiter la reproduction des inégalités sociales et pour doter tous les jeunes des compétences nécessaires dans un contexte de compétition économique aiguisée. Malgré la massification de l’accès aux études supérieures, la démocratisation n’a pas vraiment eu lieu : les filières restent fortement hiérarchisées et les déterminismes sociaux continuent de peser de façon importante sur la réussite des élèves et des étudiants.

Du côté de l’emploi, les politiques mises en œuvre sont accusées de viser encore trop souvent la seule baisse du coût du travail pour les peu qualifiés, via des dispositifs d’exonérations de cotisations et via les emplois aidés, et de ne pas suffisamment chercher à améliorer la qualité des emplois et le développement des compétences des actifs. Dans un contexte de marché du travail dual, avec des insiders très protégés et des outsiders très exposés, les jeunes font office de « variable d’ajustement », en étant fortement surreprésentés parmi les contrats à durée limitée.

De nombreux intervenants et contributeurs ont dénoncé le fait que la protection sociale restait exagérément marquée par une logique de familialisation et par l’exclusion des jeunes des minimas sociaux. Le symbole en est l’accès au RSA qui n’intervient toujours qu’à 25 ans sauf charge de famille, malgré l’introduction du RSA « jeunes actifs », dont les conditions d’attribution demeurent très restrictives. Les jeunes semblent ainsi avoir acquis en France une citoyenneté économique et sociale incomplète, au moment où certains songent à abaisser l’âge de la citoyenneté politique à 16 ans. Mais d’autres contributions ont rappelé que sur les 64 milliards d’euros de dépenses publiques consacrées aux 18-24 ans, soit 11 600 euros par an et par jeune, 85 % bénéficiaient directement aux jeunes sans transiter par leurs familles.

Pour certains contributeurs, notre protection sociale n’a pas pris la mesure de l’apparition d’un nouvel âge de la vie, qui se situe entre la fin de la scolarité obligatoire et le premier emploi stable. Ce nouvel âge de la vie appellerait des protections spécifiques mais souples. Aujourd’hui, les droits dépendent encore trop des statuts alors que les parcours des jeunes sont faits d’allers-retours, par exemple entre activité et études ou entre différentes formes d’emploi. Cette dépendance des droits aux statuts explique les difficultés d’indemnisation des jeunes chômeurs. De même la généralisation de la complémentaire santé pour les salariés accentue le rattachement de la protection du risque santé au statut de salarié, ce qui est contradictoire avec les discours sur la flexisécurité et constitue potentiellement un problème pour les jeunes qui ont le plus de difficulté à accéder à ce statut.

Contributeurs et intervenants au débat divergent en tout cas sur l’existence d’un lien entre la dégradation de la situation des jeunes et l’amélioration de celle des plus âgés. Certains mettent en avant le changement de contexte ou de régime de croissance : le ralentissement de la croissance, l’épuisement des gains de productivité, la patrimo­nialisation de l’économie semblent des phénomènes mondiaux auxquels aucune économie développée n’échappe véritablement. On ne peut dès lors en vouloir aux baby-boomers d’être nés à une époque de forte croissante. D’autres font valoir que le poids des dépenses publiques, et leur orientation vers les personnes âgées au détriment d’un investissement dans la jeunesse, porte une part de responsabilité déterminante dans la situation actuelle de la jeunesse. Par exemple, les difficultés que connaissent les jeunes sur le front de l’emploi ne sauraient se comprendre sans évoquer le coût du travail, lequel s’explique en particulier par la générosité de notre système de protection sociale à l’égard des plus âgés. Mais d’autres encore font remarquer que la répartition des transferts publics n’est pas plus concentrée sur les âges élevés en France qu’ailleurs et que le rapport entre les dépenses de protection sociale dont bénéficient individuellement les personnes âgées d’une part, et les jeunes d’autre part, est resté à peu près constant au cours des trente dernières années.

Et quand bien même voudrait-on alléger le poids de nos dépenses en faveur des plus âgés, cela serait-il possible ? Là encore, il n’y a pas consensus. Le long processus de réformes successives de notre système de retraite a permis de régler le problème de son financement. C’est un acquis insuffisamment souligné. En l’absence de réforme, le ratio des dépenses de retraite rapportées au PIB serait passé de 11,5 % en 2000 à 20 % en 2040. Il devrait se stabiliser à 13 % dans le scénario médian du Conseil d’orientation des retraites. Une diminution supplémentaire de ce ratio supposerait une révision importante des objectifs de niveau de vie des retraités et des taux de remplacement, ce qui n’apparaît pas envisageable alors que le niveau de vie relatif des retraités devrait spontanément diminuer lorsque le plein effet des réformes interviendra. Il reste qu’avec le système actuel, la stabilisation du poids des dépenses de retraite est encore assez sensible aux perspectives futures de croissance. Cela suggère donc, pour d’autres, de mener une nouvelle réforme de notre système de retraite qui rendrait son évolution moins sensible au taux de croissance, et qui lui apporterait la lisibilité qui lui manque encore aujourd’hui[1].

Mais le règlement du problème du financement des retraites ne doit pas occulter la question de son équité, à la fois inter et intra-générationnelle. C’est ainsi que des contributeurs estiment qu’il est encore possible et souhaitable de demander davantage aux retraités actuels. En effet, ce sont essentiellement les futurs retraités qui vont payer pour le retour à l’équilibre financier, c’est-à-dire les jeunes d’aujourd’hui, ce qui pose un problème, non de soutenabilité financière, mais de soutenabilité sociale et de légitimité. Sur le critère du taux de récupération, on est ainsi passé de 400 % pour la génération née en 1930, à 150 % pour les générations nées après 1975. Il faudrait donc pouvoir demander des efforts supplémentaires à ceux qui ont pris leur retraite dans les meilleures conditions et qui ont bénéficié d’un rendement de leurs cotisations particulièrement avantageux.

Sur le front des dépenses de santé, les évolutions paraissent moins favorables. Dans les projections, ces dépenses sont plutôt amenées à augmenter du fait du vieillissement de la population. Mais, au-delà de cet effet mécanique, faut-il s’attendre à des ruptures de tendance, liées notamment aux nouvelles technologies ? Des incertitudes du même type, mais sans doute encore plus fortes, existent du côté des dépenses liées à la dépendance. Quant aux projections de dépenses de prestations familiales, fondées aujourd’hui sur l’hypothèse d’une simple réévaluation en fonction de l’inflation, elles apparaissent peu réalistes.

Pour finir, il n’y a pas de véritable consensus sur la hiérarchisation des différents mécanismes mis en évidence. Pour les uns, c’est le mauvais fonctionnement des marchés (du travail, du logement, du crédit) qui joue le premier rôle dans la dégradation de la situation relative des jeunes ; pour les autres, c’est l’insuffisance des politiques publiques, qu’il s’agisse d’éducation, de protection sociale ou d’insertion professionnelle.

[1] France Stratégie consacrera un chapitre du second volet du chantier « 2017-2027 » aux réformes qui permettraient de rendre le financement des retraites moins dépendant du niveau de croissance.

[1] France Stratégie consacrera un chapitre du second volet du chantier « 2017-2027 » aux réformes qui permettraient de rendre le financement des retraites moins dépendant du niveau de croissance.

Quelles options pour améliorer la situation des jeunes ?

S’agissant des pistes d’action susceptibles d’améliorer la situation des jeunes, ou de ceux d’entre eux qui connaissent des difficultés particulières, il existe un certain consensus sur la nécessité d’investir davantage dans l’éducation au sens large, c’est-à-dire aussi bien pour la formation initiale que pour la formation continue. Mais ce consensus disparaît lorsqu’on évoque notre capacité à dégager des ressources publiques suffisantes. Certains suggèrent donc une participation plus importante des acteurs privés au financement de l’enseignement supérieur. Il n’y a pas non plus consensus sur les modalités concrètes de cet investissement dans l’éducation, c’est-à-dire sur les réformes éducatives à mener (dans le primaire et le secondaire) et sur les priorités à établir en matière de filières, de cursus ou de publics cibles.

Hors investissement éducatif, le débat principal porte sur les leviers à privilégier pour améliorer la situation des jeunes. Trois grandes options sont en présence, qui correspondent pour partie à des divergences de diagnostic, pour partie à des philosophies sociales différentes.

Baisser les dépenses publiques et les prélèvements

Pour ceux qui privilégient la liberté et la responsabilité individuelle, il s’agit d’engager une baisse durable des prélèvements et donc des dépenses publiques, lesquelles seraient ciblées sur les plus démunis et/ou sur les plus jeunes. Cette baisse des dépenses et des prélèvements pourrait s’accompagner et s’alimenter d’une restruc­turation de la dette publique (restructuration négociée ou défaut partiel), d’un développement des assurances privées, d’une mobilisation accrue du patrimoine privé permettant de financer le grand âge et la dépendance (dispositifs de viager), et d’une simplification des prestations (avec par exemple l’introduction d’un revenu universel).

Socialiser davantage le soutien à la jeunesse

D’autres intervenants, sensibles au poids de l’hérédité sociale et familiale dans les trajectoires, estiment que l’urgence est de socialiser davantage le soutien à la jeunesse. Leur priorité va au développement des services, avec par exemple le développement de structures d’accueil des jeunes enfants ou la mise en place d’un service public de l’accompagnement scolaire. S’agissant du nouvel âge de la vie qui s’étend de la fin de la scolarité obligatoire jusqu’au premier emploi stable, l’accès à l’autonomie financière pourrait passer soit par une allocation universelle, commune aux étudiants et aux jeunes en insertion, soit par une allocation versée sous conditions (de ressources, de recherche d’emploi, d’études, etc.). Mais la question du financement de ces dépenses nouvelles, qu’il s’agisse de nouveaux prélèvements ou de réallocations de ressources publiques, reste aussi ouverte qu’épineuse.

Réformer le marché du travail et du logement

La troisième option évoquée découle du constat que nos marchés ne fonctionnent pas de façon optimale, en particulier parce que les barrières à l’entrée et à la sortie sont trop élevées et parce que les insiders sont trop protégés au détriment des outsiders. La priorité est alors d’ouvrir ces marchés pour permettre à ceux qui en sont éloignés, dont les jeunes, d’y accéder plus facilement. Les réformes proposées iraient donc dans le sens d’une libéralisation et d’une concurrence accrue.

Le podcast du débat

Podcast du débat Jeunesse, vieillissement : quelles politiques ? enregistré le 19 mai 2016.

Le débat sur « Jeunesse, vieillissement, quelles politiques ? » a réuni universitaires, acteurs publics, associations, partenaires sociaux et think-tanks autour des deux grandes questions posées dans la note « Enjeux ».