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Dynamiques et inégalités territoriales

La dynamique des territoires est au cœur des défis de la croissance inclusive, de l’emploi et du développement durable auxquels la France fait face.
ENJEUX
DÉBAT &
CONTRIBUTIONS
SYNTHÈSES DES DÉBATS
Résumé

Comme dans la plupart des économies développées, la décennie passée a été marquée en France par un dynamisme important des métropoles, qui concentrent l’activité à haute valeur ajoutée et les populations qualifiées. Ce dynamisme est un atout pour le pays.

Mais les inégalités entre territoires se sont accentuées à différents niveaux :

  • contrecoup de la désindustrialisation, la moitié nord-est du pays connaît une évolution défavorable ;
  • les ressorts de croissance font défaut dans beaucoup de villes moyennes et de territoires ruraux ;
  • le développement des métropoles s’accompagne de fortes inégalités en leur sein.

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Les politiques publiques ont permis jusqu’ici d’atténuer les inégalités de revenus grâce à la protection sociale et à un surcroît de dépenses vers certains territoires (zones rurales, DOM). Toutefois, elles n’ont pas réussi à améliorer durablement la capacité des régions en crise à profiter de la croissance et à créer des emplois. Les écarts de chômage sont très persistants. Sur le plan de l’égalité des chances et de l’accès aux services, les écarts ne se résorbent plus.

Les récentes réformes territoriales (loi MAPTAM et loi NOTRe notamment) induisent des changements majeurs dans l’organisation des territoires. Ces changements auront des effets positifs s’ils s’accompagnent d’une clarification des objectifs de la politique territoriale, d’une définition plus précise des compétences des acteurs et d’un renforcement des politiques sectorielles de l’État dans les territoires en difficulté.

Il s’agit donc de s’appuyer sur les métropoles pour constituer des moteurs de croissance profitant à l’ensemble des territoires.

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La note Enjeux de la thématique « Dynamiques et inégalités territoriales« 

Les données de la note enjeux de la thématique « Dynamiques et inégalités territoriales« 

L’infographie « Dynamiques territoriales : ce qu’il faut savoir sur la métropolisation de la France« 

Constat

Constat n° 1 : La France s’inscrit dans le mouvement mondial de métropolisation

Des grandes métropoles particulièrement dynamiques…

Comme dans la plupart des pays développés, les grandes aires urbaines françaises concentrent une part importante de l’activité. Les quinze aires urbaines de plus de 500 000 habitants que compte la France rassemblent aujourd’hui 40 % de la population et 55 % de la masse salariale (Tableau  1). Elles représentent aussi plus de 50 % de l’activité économique et le PIB par habitant est en moyenne 50 % plus élevé dans les métropoles que dans le reste du pays[1]. Le PIB de la métropole parisienne représente à lui seul environ un tiers du PIB français total. Les grandes villes concentrent aussi les activités d’enseignement supérieur et de recherche ; deux tiers des étudiants français y vivent[2].

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Depuis une quinzaine d’années, le phénomène de métropolisation de l’économie s’accélère dans la plupart des pays du monde. Chang-Tai Hsieh et Enrico Moretti[3] montrent qu’aux États-Unis la moitié de la croissance récente du PIB américain est due à la croissance des grandes métropoles, dans le sud du pays en particulier. La France n’échappe pas à ce mouvement mondial : les quinze plus grandes aires urbaines auraient concentré 75 % de la croissance entre 2000 et 2010, chiffre bien au-dessus de la moyenne calculée par l’OCDE (60 %).

Dynamique économique et marché du travail étant intimement liés, sans surprise, la population active a crû nettement plus sur la période récente dans les quinze plus grandes aires urbaines françaises – particulièrement celles situées dans le sud du pays – que sur le reste du territoire, et les métropoles ont représenté plus de 70 % des créations nettes d’emplois privés entre 2007 et 2014[4].

Grâce à des atouts d’importance dans la nouvelle économie de la connaissance 

Les villes ont toujours bénéficié de ce que les économistes appellent les « économies d’agglomération », c’est-à-dire l’intérêt pour les individus à être proches les uns des autres (mutualisation de certains coûts, diversité des opportunités sur le marché du travail, circulation de l’information). La métropolisation, c’est-à-dire la concentration accrue de la dynamique dans les plus grandes villes, s’explique par leurs atouts dans une économie aujourd’hui plus axée sur l’innovation et la connaissance.

En premier lieu, l’écart de performance entre petites et grandes agglomérations se justifie par des effets de structure en termes de population active et d’activité[5]. Les grandes aires urbaines disposent d’une population plus diplômée et ont un monopole sur certaines activités de service à haute valeur ajoutée, ce qui renforce leur attractivité pour les populations qualifiées. Thisse et Proost[6] rappellent que « les inégalités spatiales reflètent de plus en plus les différences dans la distribution spatiale du capital humain ».

Mais la distribution des qualifications ne suffit pas à expliquer les performances productives des grandes villes. La réussite des métropoles provient aussi de purs effets de rendements, associés aux externalités positives de connaissance et de circulation de l’information permises par la densité urbaine. La littérature économique met en évidence un gain de productivité lié à la densité[7]. Au total, la différence de productivité entre les villes les plus denses et les moins denses serait d’environ 10 %[8], ce qui contribue au fait qu’à poste donné les salaires puissent varier fortement entre zones d’emploi[9].

Effet de structure de la population et rendement de densité urbaine sont en réalité complémentaires et s’entretiennent l’un l’autre. Ils profitent avant tout aux populations qualifiées se concentrant dans les métropoles[10] et favorisent les métropoles dans la compétition entre territoires. Néanmoins, si les gains d’agglomération sont avérés, la seule concentration ne suffit pas à engendrer la performance. Parmi les grandes aires urbaines, certaines ont connu une augmentation rapide de l’emploi entre 2007 et 2012 (Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Lyon), tandis que d’autres voyaient l’emploi baisser (Douai-Lens, Rouen, Strasbourg, Nice, Toulon). Les facteurs de la réussite d’une métropole sont multiples et complexes : spécialisation initiale, étendue des champs d’activité (notamment dans les fonctions tertiaires dites supérieures[11]), concurrence avec d’autres villes locales, présence de clusters et de pôles de compétences, ou encore gouvernance locale[12].

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Encadré 1 : Economie d’agglomération

Le succès des métropoles s’observe dans la plupart des pays développés et émergents. Il provient de l’intérêt des producteurs et des consommateurs à être proches les uns des autres. Cet intérêt pour la proximité est issu de ce que les économistes appellent des « économies d’agglomération » dont l’origine est triple[1] : (i) les moindres coûts de mise à disposition de certains biens et services collectifs : la proximité des individus facilite la mise à disposition pour chacun d’entre eux de services publics et d’infrastructures variées et de haute qualité (infrastructure de transport, de santé, d’enseignement, de communication) ; certaines productions de biens et services collectifs (les aménités) suppose que la demande atteigne une masse critique (salles de spectacles) ; (ii) la qualité des appariements sur le marché du travail : la densité à la fois du côté de l’offre de travailleurs et de celui de l’offre d’emplois accroît les opportunités pour le travailleur de trouver l’emploi qui lui convient et à l’employeur de trouver le salarié adéquat ; (iii) l’intensité des échanges d’information et de connaissance, source d’innovations et d’augmentation du bien-être des individus.

[1] Duranton G. et Puga D. (2004) « Micro-foundations of urban increasing returns : theory. In J.V. Henderson and J.-F. Thisse (eds.) Handbook of regional and urban economics. Cities and geography. Amsterdam, Elsevier, 2063-117

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Et malgré certains effets négatifs

La concentration de la population n’a toutefois pas que des effets positifs. Ainsi, la densité de population entraîne des effets de congestion : problèmes de transports, de pollution ou de sécurité, prix de l’immobilier élevés[13]. Ces coûts supplémentaires se répercutent sur les prix et les salaires locaux. Ainsi en Île-de-France, les prix sont supérieurs de 9 % à ceux du reste du pays, principalement du fait du coût du logement[14].

Les métropoles sont aussi les lieux où les inégalités de revenus sont plus importantes (voir Graphique 1), essentiellement en leur centre. Le taux de pauvreté n’est pas particulièrement plus élevé dans les grandes métropoles[15], mais celles-ci concentrent une part importante des populations pauvres du fait de leur poids démographique : sur les 4.8 millions de personnes vivant dans les quartiers prioritaires de la ville, environ 45% résident dans les unités urbaines de Paris, Lyon, Marseille et Lille. La pauvreté dans les grandes métropoles est aggravée par un niveau général des prix plus élevé que dans le reste du territoire.

17-27-Territoires_graphiques_150_Graphique 1

Constat n° 2 : La désindustrialisation a amorcé une dynamique de divergence régionale

Un décrochage du Nord-Est par rapport au Sud-Ouest

La dynamique territoriale de ces trente dernières années et celle qu’on peut anticiper pour les dix ans à venir ne se résument pas au seul fait métropolitain. Des dynamiques régionales de fond sont à l’œuvre. Si certaines régions ont vu leur situation relative s’améliorer significativement – la Corse et les départements d’outre-mer ont vu leur PIB par habitant se rapprocher de la moyenne nationale entre 2000 et 2015 –, les régions du nord-est décrochent par rapport au reste du pays[16].

L’économie française s’est fortement désindustrialisée depuis une trentaine d’années. La part de l’industrie dans la valeur ajoutée totale a baissé fortement dans toutes les régions. Contrairement à une idée reçue, c’est l’Île-de-France (et avant tout Paris et sa couronne) qui a vu le poids relatif de l’industrie décliner le plus fortement. Mais cette mutation n’a pas eu les mêmes conséquences sur tout le territoire. La région Île-de-France s’est réorientée massivement vers les services à haute valeur ajoutée ; d’autres régions, comme la région Rhône-Alpes, ont réussi également leur reconversion, tout en conservant un poids relativement élevé à l’industrie. En revanche, la désindustrialisation rapide des régions du nord et de l’est s’est accompagnée d’un déclin économique significatif, en particulier dans celles où le poids de l’industrie était élevé, comme les Hauts- de-France, la Bourgogne-Franche- Comté, le Grand-Est et le Centre-Val de Loire.

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Ce phénomène se traduit depuis quinze ans par un décrochage relatif continu en termes de PIB par habitant des régions du nord-est par rapport à celles du sud-ouest de la France (Graphique  2). Le PIB par habitant du Sud-Est était supérieur de 3,5 % à celui du Nord-Est en 2000, il lui est en 2013 supérieur de 9,5 %. La croissance de l’activité est d’autant plus faible au Nord-Est que la dynamique démographique y est défavorable, contrairement à ce qu’on observe dans les territoires de la façade atlantique et méditerranéenne.

17-27-Territoires_graphiques_150_Graphique 2

Le vieillissement de la population se fera également sentir de façon inégale sur le territoire. Pour la moitié des départements, le rapport entre les plus âgés et les personnes en âge de travailler devrait augmenter de plus de 25 points entre 2006 et 2040[17], et les territoires peu denses devraient être les plus touchés ainsi que certains départements d’outre-mer[18]. Ces tendances démographiques, associées aux différentes compositions en métiers et en emploi, confèrent aux régions aujourd’hui les plus dynamiques un avantage comparatif sur celles en déclin, peu structurées autour de l’économie présentielle (tourisme, retraités) et comptant moins de fonctions métropolitaines[19] à fort potentiel de croissance.

Un décrochage qui n’est pas qu’économique

Les performances régionales en termes d’indicateurs de développement, donc intégrant des dimensions non économiques telles que la santé ou l’éducation, recoupent en grande partie les inégalités économiques, tout au moins aux extrêmes. L’indice synthétique de développement humain (IDH 2 évalué par l’Insee) en 2009 était le plus faible dans le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie, la Champagne-Ardenne et la Corse ; il était le plus élevé en Île-de-France, Midi-Pyrénées et Rhône- Alpes. De même, le nouvel indice européen de progrès social[20] place la Corse, les DOM et les Hauts-de-France en bas du classement ; les régions du sud et de l’ouest sont toutes mieux classées que celles du nord et de l’est, et l’Île-de-France est en tête.

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Constat n° 3 : Des écarts persistants d’opportunités individuelles entre territoires

Écarts relatifs de taux de chômage

Entre 2000 et 2015, on observe une inertie très forte des taux de chômage entre départements (Graphique 3), avec un niveau particulièrement élevé dans les Hauts- de-France et sur la façade méditerranéenne[21]. Aucune tendance à la réduction de ces écarts n’est observable : le chômage de masse, qui était une nouveauté pour certains territoires dans les années 1990, s’est transformé au fil des décennies en situation « normale ». Dans les DOM, le taux de chômage reste à un niveau très élevé (24,1 % en 2014), même si l’écart au taux de France métropolitaine s’est réduit de deux points depuis le début des années 2000.

17-27-Territoires_graphiques_150_Graphique 3

Inégalités d’ascension sociale 

La probabilité de connaître une promotion sociale varie fortement selon le département de naissance[22]. Un enfant d’ouvrier a une chance sur quatre d’occuper une position qualifiée s’il est né en Picardie, mais près de quatre chances sur dix s’il est né en Île-de-France ou en Bretagne. Ces écarts s’expliquent par des taux d’accès à l’enseignement supérieur pouvant varier du simple au double d’un territoire à un autre. Malgré la massification de l’enseignement supérieur, aucune convergence n’a été observée sur ce point au cours des vingt-cinq dernières années.

Constat n°4: Des politiques territoriales aux objectifs mal définis et peu cohérents

Le système redistributif et la répartition de l’emploi public réduisent significativement les écarts territoriaux

Le système de protection sociale français a des effets importants sur la réduction des inégalités entre territoires, même s’il n’a pas de vocation territoriale puisqu’il opère des transferts entre individus quel que soit l’endroit où ils se trouvent. En effet, les transferts jouent un rôle fondamental pour redistribuer les revenus entre les territoires car « les emplois qui engendrent des ressources pour les régimes de protection sociale ne sont pas forcément localisés aux mêmes endroits que les bénéficiaires des prestations[23]».

Après redistribution, le revenu disponible brut des ménages d’Île-de-France est 20 % au-dessus de la moyenne française, alors que le PIB par habitant est 60 % au-dessus de la moyenne. Au total, l’inégalité de revenu disponible est beaucoup moins marquée que l’inégalité de PIB par habitant (Graphique 4).

17-27-Territoires_graphiques_150_Graphique 4

Jusqu’ici la redistribution a permis de limiter les inégalités entre territoires. Depuis dix ans, le revenu disponible brut des ménages n’a pas eu tendance à diverger selon les territoires, notamment entre le nord-est et le sud-ouest du pays. L’avantage relatif des régions du sud-ouest par rapport à celles du nord-est, de l’ordre de 4 %, ne s’est pas creusé significativement (même si les Hauts-de-France restent plus pauvres que le reste des régions de l’hexagone). L’écart entre l’Île-de-France et le reste du territoire s’est par ailleurs légèrement réduit.

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En outre, cette redistribution permet de générer du dynamisme économique, car certains territoires à dominante résidentielle bénéficient des dépenses de consommation des populations qu’ils attirent – notamment les retraités[24]. Ce sont essentiellement les territoires du sud du pays.

L’emploi public constitue aussi un levier important de redistribution des ressources. On observe notamment que le poids relatif de ces emplois est plus important dans les régions moins dynamiques. Cela est à la fois dû à un moindre niveau d’emploi dans le privé dans ces régions et à une volonté de maintien des services publics dans l’ensemble des territoires.

17-27-Territoires_graphiques_150_Carte A2

Mais la politique territoriale manque de vision d’ensemble

Par le jeu des transferts sociaux et de l’emploi public, la dépense publique joue donc un rôle de péréquation entre territoires. En revanche, les politiques territoriales à proprement parler ne semblent pas répondre à des finalités claires[25]. Depuis trente ans, les dispositifs d’aide aux territoires se sont multipliés et certains d’entre eux se chevauchent, voire même apparaissent contradictoires[26].

Par ailleurs, la multiplication des dispositifs et des acteurs rend très difficiles la lisibilité et l’évaluation de certaines politiques. La Cour des comptes pointe en particulier le cas de la politique de la ville[27]. Faute de système d’information unifié sur les dépenses de droit commun dans ces quartiers (les dépenses hors politique de la ville), il est impossible de savoir si la politique de la ville apporte effectivement des ressources supérieures à la moyenne sur ces territoires.

Des dépenses en éducation et en formation qui compensent peu les écarts entre territoires

Les dépenses publiques d’éducation et de formation varient peu en fonction des caractéristiques des territoires. Les réseaux d’éducation prioritaires (REP) disposent de moyens financiers plus importants, mais les classes ne contiennent que deux élèves de moins que la moyenne, ce qui est insuffisant pour compenser les écarts de résultats scolaires[28]. À l’échelle régionale, la dépense d’éducation par élève est de 25 % supérieure à la moyenne dans les DOM, soit à peu près autant que dans le Limousin. Dans certaines régions défavorisées comme le Nord-Pas-de-Calais, la dépense par tête dans l’enseignement primaire est même inférieure à la moyenne[29].

En ce qui concerne la formation professionnelle des chômeurs, là encore, de façon paradoxale la dépense par tête est significativement inférieure dans les régions où les taux de chômage sont les plus élevés (Carte 2).

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1. OCDE (2013), “Regions at a Glance”. Seule l’OCDE calcule le PIB des grandes aires urbaines, en multipliant le PIB par habitant régional et le nombre d’habitants de l’aire urbaine.

2. Toutes filières confondues pour l’année 2013 (atlas régional de l’ESR de 2015).

3. Hsieh C.-T. et Moretti E. (2015), “Why Do Cities Matter? Local Growth and Aggregate Growth”, NBER Working Paper, No. 21154, avril.

4. Davezies L. et Estèbe P. (2015), « Les nouveaux territoires de la croissance : vers un retournement historique de la géographie économique ? », rapport d’étude, Observatoire de l’économie et des institutions locales, novembre.

5. Bouba-Olga O. et Grossetti M. (2015), « La métropolisation, horizon indépassable de la croissance économique ? », Revue de l’OFCE, 117-144.

6. Thisse J.-F. et Proost S. (2015), “Skilled cities, regional disparities and efficient transport. The state of the art and a research agenda”.

7. Ce gain serait de 3 % lorsque l’on double la densité de l’emploi par km2 selon Thisse J.-F. et Proost S., ibid.

8. Combes P-P., Duranton G., Gobillon L., Puga D. et Roux S. (2012), “The productivity advantages of large cities: distinguishing agglomeration from firm selection”, Econometrica, 80(6), p. 2543-2594, novembre.

9. La différence est de 25 % entre la zone de Paris et celle du Morvan selon Combes P-P., Gobillon L. et Lafourcade M. (2015), « Gains de productivité statiques et d’apprentissage induits par les phénomènes d’agglomération au sein du Grand Paris », document de travail, Cepremap.

10. Diamond R. (2015), “The determinants and welfare implications of US workers diverging location choices by skill: 1980-2000”, Stanford University, memo.

11. Ces fonctions regroupent en particulier les services aux entreprises dans les domaines des services financiers, logistiques, de l’information et de la communication, de l’ingénierie, etc. ; le tertiaire directionnel et de régulation (contrôle et réglementation des systèmes politiques et administratifs, économiques, sociaux) ; les secteurs de la formation, des prestations intellectuelles, de la culture et des loisirs.

12. Lainé F. (2016, à paraître), « Métiers et dynamique des territoires métropolitains et non métropolitains », La note d’analyse, France Stratégie.

13. Combes P-P., Duranton G. et Gobillon L. (2012), « The Costs of Agglomeration: Land Prices in French Cities », Working Paper 9240, CEPR, décembre.

14. Insee (2016), « En 2015, les prix en région parisienne dépassent de 9 % ceux de la province », Insee Première.

15. Taux de pauvreté : 14,5 % dans l’aire urbaine de Paris et dans les grandes aires urbaines, soit le taux observé au niveau national (source : Filosofi, 2012).

16. Ces écarts restent limités par rapport à nos grands voisins de l’Union européenne : l’Italie, l’Espagne ou l’Allemagne sont marquées du fait de leur histoire par des différences régionales beaucoup plus importantes entre des grands ensembles régionaux.

17. Insee, projection Omphale.

18. Haut Conseil du financement de la protection sociale (2015), « Rapport sur l’impact de la protection sociale et de son financement sur la distribution territoriale des revenus ».

19. Définition Insee : La définition de ce concept s’appuie à la fois sur la qualification de l’emploi, défini à partir de la catégorie sociale, et de la localisation plus spécifique des fonctions dans les aires urbaines. Parmi les quinze fonctions, cinq sont plus spécifiquement présentes dans les grandes aires urbaines : conceptionrecherche, prestations intellectuelles, commerce inter-entreprises, gestion, culture-loisirs. Voir aussi Lainé F. (2016, à paraître), « Métiers et dynamique des territoires métropolitains et non métropolitains », op. cit.

20.Indice construit à partir de cinquante indicateurs autours de trois thèmes : 1) les besoins humains fondamentaux (nutrition et soins médicaux de base, eau et assainissement, logement et sécurité) ; 2) les facteurs de bien-être (accès à la connaissance, à l’information et à la communication, santé, durabilité de l’écosystème) ; 3) les opportunités (les droits individuels, la liberté et les choix individuels, la tolérance et l’inclusion, accès à l’éducation avancée).

21. Le coefficient de corrélation des taux de chômage départementaux entre les deux dates est de 0,84. Sur la même période, ce coefficient est de 0,55 pour les cinquante États des États-Unis (source : Bureau of Labor Statistics).

22. Dherbécourt C. (2015), « La géographie de l’ascension sociale », La note d’analyse, n° 36, France Stratégie, novembre.

23. Haut Conseil du financement de la protection sociale (2015), op.cit.

24. Davezies L. et Talandier L. (2014), « L’émergence de systèmes productivorésidentiels. Territoires productifs-territoires résidentiels : quelles interactions ? », Alternatives économiques, n° 342, janvier.

25. Claudy Lebreton (2016), Une nouvelle ambition territoriale pour la France en Europe, Mission sur l’Aménagement du territoire : refonder les relations entre État et collectivités territoriales, mars.

26. Cour des comptes (2013), L’organisation territoriale de l’État, rapport public thématique, juillet.

27. Cour des comptes (2016), La politique de la ville : un cadre rénové, des priorités à préciser, rapport public annuel, février.

28. Voir Piketty T. et Valdenaire M. (2006), « L’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire dans les écoles, collèges et lycées français – Estimations à partir du panel primaire 1997 et du panel secondaire 1995 », ministère de l’Éducation nationale.

29. Source : Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) (2014), Géographie de l’École 2014, juin.

Quels enjeux à l'horizon 2027 ?

La prochaine décennie verra la métropolisation se poursuivre, et les politiques territoriales devront répondre à un certain nombre de défis dans le contexte d’un cadre institutionnel renouvelé.

Un avenir favorable aux métropoles

Le phénomène de métropolisation devrait se poursuivre dans la prochaine décennie, les effets de congestion restant pour l’instant moins puissants que les gains d’agglomération. Les Nations unies prévoient que la population urbaine[30] représentera près de 83 % de la population française en 2030 alors qu’elle n’en représentait que 76 % en 2000 et 80 % aujourd’hui[31]. En revanche la densité des villes semble diminuer en France comme dans le reste du monde, les espaces urbains croissant plus vite que leur population. Les zones à proximité des grandes villes mais hors couronnes périurbaines semblent aussi bénéficier d’une croissance démographique relativement forte en France et ce phénomène d’expansion n’est pas sans conséquences sur l’environnement, sur l’accès aux services publics et sur les rendements d’agglomération apparemment associés à la densité.

En termes d’emploi, les grandes métropoles de plus de 500 000 habitants bénéficient d’une structure en emplois à fort potentiel de croissance[32]. Ainsi le groupe de prospective européen ESPON[33] anticipe-t-il dans son scénario de référence un « renforcement des aires métropolitaines couplé à un effet national sur la structure de l’économie, à savoir un poids renforcé des capitales et de leur hinterland dans la production des richesses ».

Une fragilisation accrue des villes moyennes et des zones rurales

À l’inverse, les aires urbaines de moins de 100 000 habitants et les zones en dehors des grandes aires urbaines sont globalement positionnées sur des secteurs d’activité qui sont en perte de vitesse[34] et cela pourrait accélérer leur décrochage économique.

La baisse de la population dans les territoires les plus éloignés des villes risque d’accroître certaines difficultés, notamment dans l’accès aux services d’intérêt général. Les temps d’accès aux services d’usage courant[35] diffèrent aujourd’hui principalement selon la densité de population locale et sont réduits dans les grandes agglomérations et plus longs dans les zones rurales. L’accès aux services de santé est également dépendant de la densité locale. Les endroits où l’accès aux services de soins de proximité[36] est supérieur à vingt minutes sont toutes des zones rurales peu denses à l’est de la région parisienne et dans le Sud-Est[37].

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Dans les dix ans à venir, ces difficultés d’accessibilité risquent de s’accroître du fait du vieillissement de la population dans certains territoires, notamment ruraux. En même temps, elles concerneront une population plus restreinte. Diverses actions sur lesquelles les pouvoirs publics se sont engagés pourraient améliorer la situation : optimisation de la localisation des services d’intérêt général, mutualisation des accès, développement des technologies numériques au service d’une nouvelle accessibilité.

Des défis nouveaux pour les territoires

Un nouveau contexte institutionnel

Plusieurs réformes territoriales récentes (la loi MAPTAM – Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles – de janvier 2014, la loi relative à la délimitation des régions de janvier 2015, la loi NOTRe – Nouvelle Organisation territoriale de la République – d’août 2015) induisent des changements organisationnels profonds tels que le renforcement du rôle des régions en matière de développement économique au travers de transferts de compétence depuis les départements, l’organisation des intercommunalités, qui passeront de 5 000 à 15 000 habitants, autour de bassins de vie ou encore la création des métropoles, dont celle du Grand Paris.

L’affirmation des métropoles et la redéfinition de la carte régionale vont permettre à la plupart des régions de s’appuyer sur un pôle urbain dynamique. En même temps, les régions vont pouvoir jouer un rôle nouveau d’impulsion et de coordination sur leur territoire.

Ces changements vont se traduire rapidement par des évolutions institutionnelles, mais ils mettront certainement du temps avant d’être totalement opérationnels, ne serait-ce que parce qu’un certain nombre de négociations sont encore en cours (Pacte État-métropoles par exemple). Ils devront permettre de répondre aux enjeux liés à la métropolisation mais également au changement climatique, ainsi qu’à la transition technologique provoquée par l’économie numérique.

Quels enjeux territoriaux liés au changement climatique ?

Les territoires devront contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. Ils devront anticiper des effets hétérogènes au niveau local (acidification des océans et montée des eaux sur le littoral, baisse de l’enneigement en montagne, manque de ressources en eau dans certaines zones, îlots de chaleur en zones urbanisées, cas spécifique des DOM qui seront particulièrement touchés). Les différents échelons territoriaux intègrent déjà ces enjeux à travers le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), les Schémas régio- naux climat air énergie (SRCAE) et les Plans climat énergie territoriaux (PCET). Mais ces stratégies sont insuffisamment coordonnées, au point que les objectifs aux échelons inférieurs sont parfois incompatibles avec ceux des échelons supérieurs[38], et les prospectives sur les impacts sont sujettes à de nombreuses incertitudes.

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Encadré 2 – Réchauffement climatique et territoires

La lutte contre le changement climatique est un sujet global et son « atténuation » est l’affaire de tous. A ce titre l’ensemble des territoires doit y participer. C’est ce que font par exemple les régions à travers l’élaboration des schémas régionaux climat air énergie (SRCAE) ou les autres échelons territoriaux au travers des Plans climat énergie territoriaux (PCET). Toutefois la coordination de ces engagements doit encore être largement améliorée. La non exhaustivité du maillage et la faible intégration aboutie par exemple à ce que le total des objectifs des SRCAE ne correspond même pas à l’objectif national[1].

Par ailleurs, dans la perspective où les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre seront insuffisants, des mesures d’adaptation doivent aussi être envisagées. C’est l’ambition du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) mais celui-ci, du fait de l’importante hétérogénéité des impacts, aussi bien en niveau qu’en nature, sur les différents territoires doit être largement complété par des stratégies locales. La notion d’adaptation est déjà en partie prise en compte dans les SRCAE et PCET mais la grande difficulté est que les prospectives sur les impacts, aussi bien physiques que socioéconomiques, du changement climatique à l’échelle territoriale sont sujettes à beaucoup d’incertitudes.

Ces stratégies « d’atténuation » et « d’adaptation » devront prendre en compte les diverses natures des zones considérées, leurs potentiels de contribution à la réduction de l’empreinte carbone, les impacts du changement climatiques associés à ces zones ainsi que leurs conséquences sur les différents secteurs d’activité locaux (tourisme, production agricole, etc.). Il faudra notamment adapter les territoires à la problématique de l’eau que ce soit dans la prévention des conséquences de la montée du niveau de la mer, de l’acidification des océans ou d’épisodes pluvieux importants – à ce titre les DOM seront des territoires particulièrement touchés – ou dans l’évolution des cultures agricoles en se tournant par exemple vers des plantes moins consommatrices d’eau ou plus résilientes à une sécheresse prolongée dans les régions qui souffriront le plus de sécheresses. Des productions particulières pourraient être remises en cause, comme celle du maïs qui représente près de la moitié des surfaces irriguées en France. La baisse de l’enneigement en montagne pourra aussi conduire à une modification de l’activité des stations de sport d’hiver de moyenne montagne. Il faudra poursuivre les réhabilitations thermiques dans une période où le prix des énergies fossiles restera modéré et ceci à la fois pour réduire l’empreinte carbone et pour faire face à de plus fortes amplitudes de température dans certains territoires ou à des effets locaux tels que les îlots de chaleur en zones urbanisées par exemple. Enfin, il faudra aussi envisager les possibilités de production d’énergie décentralisée (éventuellement intermittente) et sa coordination avec la production d’énergie centralisée pour assurer un rôle de sécurité d’approvisionnement quand une production locale ne peut faire face.

[1] Entretien avec Jean Jouzel et Antoine Bonduelle dans CGET (2015) « L’adaptation des territoires au changement climatique ».

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Comment faire du numérique un facteur de rapprochement entre les territoires ?

Dans le domaine de l’accès et de l’utilisation des nouvelles technologies – numérique en particulier –, les inégalités entre les catégories d’individus et les territoires restent difficiles à compenser. Certes, un effort conséquent est réalisé dans l’accès aux équipements et aux infrastructures. Notre pays a engagé le plan France très haut débit visant la couverture de la totalité du territoire en très haut débit d’ici 2022, pour un investissement total estimé à 20 milliards d’euros. Mais les questions d’infrastructure ne sont pas l’unique dimension du problème : celles liées à l’usage et à l’innovation numérique doivent être davantage prises en compte. Le numérique a un rôle important à jouer dans l’objectif de réduction des inégalités entre les territoires, que ce soit à travers le désenclavement des zones peu denses ou le désengorgement des métropoles – grâce par exemple au développement du télétravail, de la télémédecine ou à son apport dans le transport à la demande –, ou à travers le développement économique que ces technologies peuvent générer.

30. Cette population urbaine est définie au sens de l’aire urbaine. La prise en compte de la population résidant dans les espaces périurbains accroît encore ces estimations.

31. Nations unies (2015), « World Urbanization Prospects ».

32. Ibid.

33. ESPON ET2050 (2014), « Vision and scenarios for the European territory towards 2050 ».

34. Ibid.

35. Ces services sont constitués d’un ensemble de vingt-huit commerces et services d’usage courant, dits de la « gamme intermédiaire », qui comprennent le supermarché, la librairie-papeterie, le magasin de vêtements, le collège, l’opticienlunetier, le contrôle technique automobile, etc.

36. Incluant médecins généralistes, infirmiers libéraux, chirurgiensdentistes, masseurskinésithérapeutes et pharmacies.

37. Au sein de ces services de santé, la densité des médecins généralistes (nombre de médecins par habitant) est quant à elle plus importante dans les villes de taille moyenne et dans les régions à forte dominante résidentielle.

38. Entretien avec Jean Jouzel et Antoine Bonduelle dans : Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) (2015), L’adaptation des territoires au changement climatique, novembre

Les questions pour le débat

Malgré les innovations institutionnelles récentes, un ensemble de questions se posent quant à l’orientation des politiques territoriales.

Clarifier les objectifs de la politique territoriale

L’empilement des dispositifs et la multiplication des acteurs publics rendent de plus en plus complexes la lisibilité et l’évaluation de la politique territoriale. Une réflexion sur les finalités d’ensemble de cette politique paraît donc nécessaire. Plusieurs types d’objectifs peuvent à cet égard être envisagés.

Concentrer l’investissement public dans les zones les plus productives ?

La politique traditionnelle d’aménagement du territoire a longtemps visé à redynamiser par l’investissement les territoires en déclin. Or, les évolutions économiques récentes amènent à repenser cette orientation. Dans une perspective de recherche d’efficacité de l’investissement public, l’existence d’effets positifs de la densité sur la création de richesse inciterait en effet à investir davantage de ressources publiques dans les grandes métropoles ou à leur pourtour, pour développer les infrastructures, la recherche et l’innovation, tout en luttant contre les effets de congestion.

En particulier, dans ce schéma, il faudra veiller à ce que Paris puisse jouer pleinement le rôle de ville-monde de premier plan au sein de l’Union européenne à 27. Une telle politique augmenterait la compétitivité de l’économie française et assurerait des recettes fiscales supplémentaires, qui bénéficieraient in fine aux territoires défavorisés par le système de protection sociale notamment.

Dans un contexte de rareté budgétaire, un choix d’allocation géographique des investissements publics est nécessaire. Une solution de compromis pourrait consister à concentrer l’investissement sur les métropoles, mais aussi à soutenir les territoires risquant le plus de décrocher définitivement, tout en investissant moins dans les territoires intermédiaires.

On peut penser notamment à limiter certains investissements au rendement particulièrement faible. Par exemple, dans les villes moyennes où les taux de vacance de logements sont élevés, doit-on inciter à la construction de nouveaux logements, notamment de logements sociaux[39] ?

Les politiques d’investissements publics (Programme d’investissements d’avenir, Pôles de compétitivité) font l’objet d’une vive compétition entre collectivités désireuses de les attirer. Doit-on, en cohérence avec la logique d’efficacité qui vient d’être exposée, continuer à viser uniquement l’excellence des projets, ou doit-on plutôt prendre en compte la dimension territoriale lorsque l’on détermine la localisation de ces investissements ?

Quelle offre de service public garantir sur l’ensemble du territoire ?

Certains territoires sont enclavés ou ont peu accès aux services publics (santé, culture) du fait de leur faible densité, notamment les zones rurales ou périurbaines. Cela est rendu plus complexe par la multiplication des acteurs chargés de fournir ces services. Aujourd’hui aucune règle ne détermine avec précision quel est le panier de services publics garanti sur tout le territoire[40], même si la mise en place de comités interministériels devrait contribuer à développer une vision plus globale[41].

Doit-on fixer un panier de services minimaux garanti par l’État sur tout le territoire ? Au-delà de ce panier, peut-on imaginer une forme de subsidiarité permettant à certains territoires d’accroître l’offre de service à condition qu’ils en assument la responsabilité fiscale vis-à-vis des habitants concernés ? Doit-on fixer un objectif opposable d’égal accès aux services minimaux, prenant en compte les écarts d’accessibilité ?

Au-delà de l’offre de services publics, faut-il promouvoir l’égalité des chances des individus sur le territoire ?

Un certain nombre de politiques visent aujourd’hui à donner plus de ressources aux individus des territoires défavorisés. Or, jusqu’ici cette intention n’a pas abouti à une augmentation significative des moyens.

Faut-il se fixer un objectif d’égalité des chances des individus entre territoires, sachant que cela implique de fortes réallocations de ressources des territoires favorisés vers les territoires défavorisés ? Par exemple, réallouer les dépenses d’éducation en fonction inverse des performances scolaires locales ?

Faut-il au contraire conserver une approche fondée sur une notion d’égalité de service ? Et, dans ce cas, favoriser la mobilité géographique des individus vers les zones favorisées sur le plan de la réussite éducative ou du niveau de santé ?

Les réformes territoriales : vers une clarification des compétences ?

Dans le cadre des réformes territoriales, les régions et l’État doivent-ils déterminer conjointement les politiques publiques locales (notamment sur l’emploi et l’éducation), ou doit-on aller vers un rattachement de certaines de ces compétences aux seules régions ? Ce mouvement pourrait-il s’élargir à d’autres politiques nationales (police, environnement) ? Faut-il aller vers une décentralisation à la carte ?

L’investissement pour le développement économique des territoires doit-il être organisé par l’État ou par les régions elles-mêmes ? La deuxième solution impliquerait-elle une forme de péréquation entre régions pour éviter le creusement des inégalités territoriales ?

Comment éviter des objectifs contradictoires entre les différents échelons ? Faut-il définir une hiérarchisation des objectifs selon les échelons ? Par exemple, comment mieux articuler les politiques environnementales entre elles et avec les autres politiques territoriales ?

Si davantage de compétences sont attribuées aux collectivités locales, comment s’assurer que l’accès à l’ingénierie territoriale soit suffisant à tous les niveaux ? Faut-il envisager une certaine mutualisation de ces services ?

Quels instruments additionnels pour la politique territoriale ?

Un besoin de développer de nouveaux services publics ?

Si l’analyse qui précède est juste, les concentrations des activités et des ressources devront s’accentuer au cours de la décennie à venir. Cela pose la question des investissements qu’il faudra mobiliser pour atteindre les objectifs publics.

Les services de transport devront s’adapter au phénomène de métropolisation et à l’étalement urbain pour réduire la congestion. À ce titre, différentes questions peuvent se poser : les transports à la demande ou l’incitation au covoiturage peuvent-ils se substituer à la construction de lignes de transport coûteuses et peu utilisées (voies ferrées notamment) et sont-ils cohérents avec les objectifs environnementaux ?

Les problèmes de congestion et d’éloignement d’une partie de la population peuvent aussi conduire à développer l’accès à certains services à distance ou à créer de nouveaux instruments pour maintenir un niveau de service minimal. Quel développement de la e-santé et de l’e-éducation est possible ? Les services de santé peuvent-ils passer par de nouvelles expérimentations de contractualisation avec les professions de santé (engagement à s’installer dans un territoire contre financement des études) ? Quels services publics peuvent être dématérialisés ? Le développement de l’usage du numérique implique un accompagnement des personnes maîtrisant peu les nouvelles technologies. Cet accompagnement doit-il être renforcé dans les territoires enclavés ?

Lever les freins à la mobilité géographique ?

Dans la mesure où certaines inégalités territoriales seront toujours difficiles à réduire, ne faut-il pas plutôt se tourner vers des instruments visant à lever les freins à la mobilité des individus ?

À ce titre, investir dans la décongestion des métropoles présente le double avantage d’en améliorer la productivité et d’en favoriser l’accès. Un cofinancement région- métropole peut-il être mis en œuvre sur cette question spécifique ? Faut-il favoriser le télétravail ?

Les mobilités géographiques sont coûteuses et peuvent avoir des effets défavorables (perte de réseau, isolement). Les mobilités, étudiantes notamment, peuvent-elles être mieux accompagnées (construction de résidences inclusives, bourses prenant mieux en compte les coûts liés à l’éloignement du domicile familial) ?

Aller vers une plus grande autonomie fiscale des collectivités locales ?

Actuellement, les dotations globales de fonctionnement attribuées par l’État aux collectivités locales représentent environ 20 % des recettes de fonctionnement des départements et des communes, ou groupements de communes, et environ 25 % des recettes des régions. Le ratio d’autonomie financière est de l’ordre de deux tiers et est en progression sur la période 2008- 2013 pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et pour les départements, alors qu’il n’est que légèrement supérieur à 0,5 et décroît sur la même période pour les régions[42]. Si l’on souhaite donner plus d’autonomie aux régions et aux groupements communaux, la question d’une marge de manœuvre plus importante sur la fiscalité doit être posée à ces échelons. À l’inverse, une régulation de la concurrence fiscale pourrait servir d’instrument de correction des inégalités territoriales.

Améliorer l’évaluation des politiques territoriales

Promouvoir la culture de l’évaluation est un enjeu d’autant plus important que sa diffusion est encore largement insuffisante en France[43]. Dans certains cas, les politiques locales ne sont pas évaluables du fait de l’absence d’objectif clair ou de moyen d’en observer la mise en œuvre.

Systématiser les évaluations indépendantes et garantir leur transparence impliquerait d’avoir d’abord une vision intégrée de tous les investissements publics au niveau local. Or, la décentralisation ne s’est pas accompagnée jusqu’ici d’un effort équivalent de documentation des bases de données locales. Les budgets opérationnels publics ne sont pas systématiquement régionalisés et ne permettent pas d’avoir une vision consolidée des investissements réalisés par les différents acteurs publics sur un même territoire. Les PIB à l’échelle infrarégionale, les flux entre territoires ou encore les données sur le coût de la vie local sont autant d’informations qui ne sont pas disponibles et qui limitent les possibilités d’évaluation des politiques territoriales. Cet enjeu de connaissance est un préalable indispensable à l’identification par les acteurs des territoires de sous-investissement public.

Quels moyens statistiques faut-il développer pour accompagner la décentralisation, avec quels accès aux données ? Quels outils d’évaluation des politiques territoriales mettre en place ?

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Définitions

Définitions INSEE

Aire urbaine : Une aire urbaine est un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine comptant plus de 10 000 emplois), et par une couronne périurbaine (ensemble de communes rurales ou d’unités urbaines dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci). Dans cette note, une « grande » aire urbaine désigne une aire urbaine comptant plus de 500 000 habitants ; elle peut donc être assimilée à une métropole, même si la définition juridique de ce terme est un peu différente (cf ci-dessous).

Unité urbaine : La notion d’unité urbaine repose sur la continuité du bâti et le nombre d’habitants. On appelle unité urbaine une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants.

Si l’unité urbaine s’étend sur plusieurs communes, elle est dénommée agglomération.

Sont considérées comme rurales les communes qui ne rentrent pas dans la constitution d’une unité urbaine : les communes sans zone de bâti continu de 2000 habitants, et celles dont moins de la moitié de la population municipale est dans une zone de bâti continu.

Les Métropoles dans la réforme territoriale 

Au 1er juillet 2016 15 villes auront le statut de métropoles : Nancy, Nice, Lyon, Bordeaux, Brest, Grenoble, Lille, Montpellier, Nantes, Rennes, Rouen, Strasbourg, Toulouse et les métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille Provence. La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dit loi MAPTAM) renforce leur rôle et précise leur statut. Les métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille Provence créées en janvier 2016 sont dotées de statuts spécifiques.

Une métropole est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui regroupe plusieurs communes « d’un seul tenant et sans enclave qui s’associent au sein d’un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d’en améliorer la compétitivité et la cohésion[1] ».

La métropole a pour objectif de valoriser les fonctions économiques métropolitaines et ses réseaux de transport et de développer les ressources universitaires, de recherche et d’innovation. Elle assure également la promotion internationale du territoire.

Constitué sur la base du volontariat, le statut de métropole est accessible aux ensembles de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants.

Chaque communauté d’agglomération, à partir de ce seuil, peut faire sa demande afin de devenir une métropole. La décision est prise ensuite sur décret. À sa création, la métropole se substitue de plein droit à toutes les intercommunalités existantes.

Source : http://www.gouvernement.fr/action/les-metropoles

[1]  L5217-1 du code général des collectivités territoriales.

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Auteurs : Clément Dherbecourt – Boris Le Hir

39. Ceci implique une dérogation à l’objectif de 25 % de logement social par commune.

40. Il en existe pour certains services publics : le nombre de bureaux de poste est fixé par la loi n°2010-123 du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

41. Comité interministériel à la ruralité et Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté (2015-2016).

42. Rapport de l’Observatoire des finances locales, « Les finances des collectivités locales en 2015 ».

43. Mansouri-Guiliani N. (2015), Promouvoir une culture de l’évaluation des politiques publiques, rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

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Le Débat

Mardi 27 septembre 2016 de 17h à 20h

Mardi 27 septembre 2016 –  Auditorium du Muséum de Toulouse, 35 allée Jules Guesde – 31000 Toulouse

Depuis 30 ans, l’écart de dynamisme économique s’est accentué entre et au sein des régions françaises. D’un côté, la désindustrialisation a entraîné une divergence régionale notamment entre le nord-est et le sud-ouest du pays et entre l’Île-de-France et les autres régions. De l’autre, les métropoles ont pris une place prépondérante dans l’organisation spatiale de la production. Avec d’autres tendances de fond, ce double phénomène conduit à des défis nouveaux qui incitent à repenser la territorialisation des politiques publiques.

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Contributions

Déplacements pendulaires, télétravail et tiers lieux d’activité : un enjeu et un outil stratégique pour ressourcer les territoires, améliorer la qualité de la vie et la productivité – Marcel Lepetit et Alain Maurice – conseillers – France Stratégie
La mobilité des populations actives constitue l’un des principaux enjeux de diffusion de la croissance tout comme la connectivité des territoires entre eux en recherche de complémentarités.

Le renouvellement de la politique économique et de l’emploi passe par une meilleure coordination entre les territoires et avec l’État – Marcel Lepetit et Alain Maurice – conseillers – France Stratégie
Les métropoles et agglomérations, à la croisée de nombreux flux, sont un terreau fertile pour l’économie mais aussi le lieu d’importantes difficultés sociales. Au sein des régions françaises, elles sont tout d’abord le lieu du développement économique.

Réorganiser la France – Mensuel Société civile – Fondation iFRAP
Dans ce dossier, la Fondation iFRAP propose d’entreprendre une réforme des missions publiques pour plus d’efficacité et de pertinence. L’organisation que nous recommandons s’articule sur des politiques de développement mises en œuvre par les régions et des politiques de proximité à l’échelon communal.

Le défi de l’hyper-ruralité : forces et enjeux – Jean-Pierre RIOU – Le Mont Champot
Qu’on l’ait perçu ou non, le renouveau de la ruralité était amorcé, en France, depuis de nombreuses années. Au nom de l’écologie, le développement éolien dans les zones rurales les plus reculées scie la branche sur laquelle repose un atout majeur du développement national et menace de coûter bien plus cher que prévu à la collectivité.

Eloge de l’arrière, repenser le rôle des campagnes à l’ère de l’anthropocène – Marjorie Jouen – Notre Europe – Institut Jacques Delors
La communauté scientifique internationale s’accorde désormais à reconnaître que nous sommes entrés, depuis un bon demi-siècle, dans une nouvelle ère géologique dénommée anthropocène. L’influence démesurée de la présence humaine sur notre planète, ses ressources naturelles, son climat, sa faune et sa flore caractérise de cette ère. Raisonner en 2017 pour anticiper les politiques publiques de 2027, comme nous le faisions en 19472, en 19633 ou même en 19974, n’est plus possible. Autrement dit, il est grand temps de renoncer à s’appuyer principalement sur un indicateur tel que le PIB pour en déduire un niveau de développement socio-économique enviable.

Régions et développement durable – Catherine Decaux – Directrice générale – Comité 21
Le 1er janvier 2016 a marqué l’entrée en vigueur de la nouvelle carte régionale et des nouvelles compétences issues de la réforme territoriale. Cette évolution institutionnelle majeure va influer sur les politiques territoriales de développement durable, au même titre que le renouvellement des équipes d’élus locaux lors des élections de ces deux dernières années et que l’évolution des moyens financiers des collectivités locales.

Contribution de l’Observatoire de l’innovation locale – Fondation Jean-Jaurès
Comme le souligne le document introductif de France stratégie, la croissance actuelle, et cela va se renforcer dans les dix prochaines années, se développe essentiellement autour de quelques pôles métropolitains.

 

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