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Compétitivité : que reste t-il à faire ?

La crise de la zone euro a révélé l’ampleur des désajustements de compétitivité et a montré l’importance des efforts nécessaires pour les corriger. Dans ce contexte, la France a mis en oeuvre ces dernières années une politique visant à rétablir sa compétitivité.
ENJEUX
DÉBAT &
CONTRIBUTIONS
SYNTHÈSES DES DÉBATS
Résumé

Tout au long de la décennie 2000, la compétitivité de la France s’est dégradée, avec pour conséquences l’accumulation de déficits extérieurs et une augmentation de l’endettement extérieur net (graphique 1).

Son redressement a été porté au premier rang des objectifs de la politique économique. Des mesures d’ampleur ont été mises en œuvre en son nom, notamment le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et le Pacte de responsabilité.

Un rééquilibrage s’observe : nos parts de marché se sont stabilisées, le déficit commercial a diminué, l’écart de compétitivité-coût avec l’Allemagne, principal concurrent sur les marchés tiers, s’est réduit, et les entreprises reconstituent leurs marges. Pour autant, il n’est pas possible de dire que notre problème de compétitivité est désormais derrière nous :

  • le rétablissement des coûts salariaux relatifs est à confirmer. Des progrès ont été réalisés, grâce à la hausse des salaires outre-Rhin et à nos propres efforts. Mais la hausse des salaires allemands pourrait n’être que temporaire, tandis que l’Espagne et l’Italie se sont engagées dans des politiques de compression salariale ;
  • le secteur exportateur continue de souffrir d’un coût élevé des intrants non salariaux, en particulier des prix de l’immobilier et des services aux entreprises ;
  • les dysfonctionnements de la régulation salariale au sein de la zone euro n’ont pas été résolus, bien qu’ils aient été l’une des origines de la crise. Rien n’assure que les évolutions nominales des différents pays soient en cohérence avec leurs compétitivités relatives ;
  • la compétitivité hors prix des entreprises est insuffisante. Plusieurs problèmes freinent ses progrès : un déficit de compétences dans la population active, des déficiences du management des entreprises, la trop faible diffusion du numérique au sein du tissu productif, la complexité d’un cadre réglementaire insuffisamment propice au développement des jeunes entreprises innovantes.

Les prochaines années vont continuer d’être marquées par l’impératif de compétitivité. En particulier, les enjeux d’innovation et de qualité seront décisifs dans le contexte de la transition numérique.

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[1] Les soldes des secteurs énergie, agro-alimentaire, matériels de transport et autres biens industriels sont issus des données des douanes françaises et valorisées en CAF/FAB, c’est-à-dire que les importations incluent le « coût, assurance, frêt » (CAF) alors que les exportations sont comptées en « franco à bord » (FAB) . Les soldes services, négoce et total des biens et services sont issus des données Banque de France et valorisés en FAB/FAB. Il existe donc un écart entre la somme des sous-soldes et du solde total qui a plusieurs raisons : conversion de CAF en FAB, inclusion des échanges de matériels militaires (non inclus dans les sous-soldes) et différences de méthodologie entre les résultats du commerce extérieur publiés par les Douanes et ceux de la balance des paiements de la Banque de France.

La compétitivité est la capacité d’une économie à générer de façon durable un revenu et un niveau d’emploi élevés face à la concurrence internationale. Si elle concerne au premier chef les entreprises qui produisent des biens et des services échangeables, elle est influencée également par la performance des entreprises des secteurs abrités et l’efficacité de la sphère publique. Elle ne peut être dissociée de l’attractivité, c’est-à-dire de la capacité du pays à attirer des activités productives sur son territoire. La compétitivité peut se mesurer à travers deux dimensions : le prix et la qualité du bien ou du service échangé (Encadré 1).

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Face à la concurrence internationale : un redressement à amplifier

En 2011, la France a enregistré le solde commercial le plus déficitaire de son histoire et tous les indicateurs de sa compétitivité étaient au plus bas. Cette évolution a été infléchie depuis sans pour autant avoir abouti à un redressement complet : 

  • malgré un net redressement, le solde des biens et services français, tel qu’estimé par la Banque de France, reste déficitaire à 9,4 milliards d’euros, soit 0,9 % du PIB en 2015 (graphique 1). Hors énergie, la balance des échanges de biens et celle des échanges de services ont continué à se dégrader en 2015 [1] ;
  • jusqu’en 2014, l’amélioration du solde commercial ne s’est pas traduite par une résorption du déficit courant en raison d’une dégradation du solde des revenus (salaires, dividendes, intérêts). 2015 devrait avoir vu le retour de la balance courante à l’équilibre après dix années de déficit. Au total cependant, la France accuse un endettement extérieur net de l’ordre de 20 % du PIB ;
  • si nos parts de marché à l’exportation, qui s’étaient fortement dégradées au cours la décennie 2000, se sont à peu près stabilisées depuis 2012, elles évoluent toujours de manière plus favorable chez nos partenaires ; leur amélioration vient essentiellement d’une reprise de la demande mondiale plutôt que de gains de compétitivité pure. Cette mauvaise performance ne résulte pas d’une spécialisation en termes de marchés de destination ou de produits exportés mais bien d’une moindre compétitivité (graphique 2). Ces évolutions sont confirmées par une croissance plus faible des exportations françaises par rapport à celles de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Espagne ;
  • l’attractivité de la France en matière d’investissements étrangers, si elle reste l’une des plus élevées d’Europe, se dégrade par rapport à celle de l’Allemagne ou du Royaume-Uni [2] (encadré 2). Elle souffre notamment d’une perception négative des investisseurs étrangers sur un certain nombre de facteurs : le coût du travail, la complexité administrative et fiscale, la conflictualité du dialogue social, la rigidité du temps du travail.

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Note : La décomposition permet d’isoler l’évolution de la part de marché mondiale qui est due à la spécialisation sectorielle et géographique du pays considéré. Le terme de compétitivité pure s’interprète comme répondant à la question suivante : « quelle aurait été la variation des exportations d’un pays si la structure géographique et sectorielle de ses exportations avait été identique à celle de ses concurrents ? ». Voir Gaulier G., Santoni G., Taglioni D. et Zignago S. (2013), « In the Wake of the Global Crisis: Evidence from a New Quarterly Database of Export Competitiveness », World Bank Policy Research Working Paper, n° 6733.

Source : Measuring Export Competitiveness, Banque mondiale

[2] En 2015, la facture énergétique a reculé de près de 15 milliards d’euros (-27 %) du fait du recul du prix du baril de brent de 36 % en moyenne annuelle. De son côté, la balance des services reste positive même si elle recule du fait d’une diminution des recettes touristiques et d’une hausse des importations de services de R & D et de redevances de propriété intellectuelle. Voir « Dossier du commerce extérieur 2015 », Secrétariat d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

[3] Voir « Tableau de bord de l’attractivité de la France 2015 », Business France.

Encadré 1 

La compétitivité, comment l’appréhender

 La compétitivité peut se mesurer à travers deux dimensions : le prix et la qualité du bien ou du service échangé. Elles sont toutes deux déterminées par des facteurs liés ou non aux coûts de production.

  • La compétitivité-prix mesure l’écart de prix relatif avec les concurrents étrangers pour un bien ou un service à caractéristiques identiques. Outre les coûts de production, la compétitivité-prix est directement influencée par le taux de marge des entreprises ainsi que par le taux de change.
  • La compétitivité hors prix ou « compétitivité-qualité » mesure la capacité des pays à vendre, à des prix plus élevés que ceux de la concurrence, des produits suffisamment attractifs pour les consommateurs de par leurs qualités propres (innovation, design, marketing).

Encadré 2 

Attractivité de la France pour les investissements étrangers

La France conserve la première place en Europe pour l’accueil des investissements étrangers dans le secteur industriel mesurés en nombre de projets [26] mais, tous secteurs confondus, elle a depuis 2010 laissé à l’Allemagne sa seconde place derrière le leader, le Royaume-Uni. Si depuis 2012 le nombre de décisions d’investissement étranger en France augmente à nouveau, le contenu en emplois de chaque projet diminue. En moyenne, le nombre d’emplois créés chaque année par les entreprises étrangères est 2,5 fois plus élevé au Royaume-Uni qu’en France [27].

La qualité des infrastructures et des services publics, l’État de droit, la taille du marché intérieur et le crédit d’impôt recherche sont considérés comme des atouts déterminants de l’attractivité de la France.

[26] « Tableau de bord de l’attractivité de la France 2015 », Business France.

[27] « Baromètre de l’attractivité de la France 2015 », EY.

Un déficit de compétitivité-prix qui se réduit mais n’est pas résorbé

Dans une période de très forte divergence des coûts salariaux unitaires en zone euro et d’appréciation de la monnaie unique, la compétitivité-prix relative s’était fortement dégradée au début de la décennie 2000 (encadré 3). Depuis 2010, plusieurs facteurs ont permis un redressement :

  • après dix ans de modération, les salaires sont redevenus dynamiques en Allemagne, principal concurrent, avec 2,6 % de hausse nominale annuelle moyenne du salaire brut moyen depuis 2009 contre 1,2 % par an sur la décennie 2000 (graphique 3). À l’inverse, en France la hausse des salaires nominaux a ralenti pour atteindre 1,5 % en 2014 contre 2,8 % par an en moyenne durant la décennie 2000 ;
  • à partir de 2010, et avec encore plus de vigueur depuis mi-2014, le taux de change de l’euro s’est déprécié (de 20 % face au dollar et de 5 % pour la France en termes effectifs [4], depuis 2010) ce qui a permis de rendre plus attractifs les biens et services français vis-à-vis de ceux des concurrents hors zone euro ;
  • équivalent à une baisse des cotisations sociales de l’ordre de 4 % de la masse salariale [5], le CICE est venu renforcer la compétitivité des entreprises françaises notamment en leur permettant de reconstituer leurs marges qui s’étaient fortement dégradées [6]. À cela s’est ajouté le Pacte de responsabilité dont 10 milliards correspondent à des baisses de cotisations sociales, portant la baisse du coût du travail à 6 % (encadré 4).

Si ces évolutions ont permis de résorber une partie de la détérioration de la compétitivité-prix, deux points restent préoccupants.

Premièrement, au sein de la zone euro, la France fait face à des évolutions toujours contrastées de ses principaux partenaires. Vis-à-vis de l’Allemagne, en prenant comme point de référence l’année 1999 – dernière date à laquelle les comptes courants français et allemand étaient tous deux proches de l’équilibre et avant laquelle ils se sont mis à diverger – l’écart de compétitivité-coût s’est fortement réduit pour atteindre 6 points contre 17 à son pic en 2007 (graphique 4) [7]. Cette résorption s’explique en grande partie par l’augmentation des coûts salariaux unitaires dans le secteur abrité allemand depuis 2008 et par la baisse du coût du travail permise par le CICE et le Pacte de responsabilité.

 

Il n’est cependant pas sûr que la dynamique récente se maintienne. En Allemagne notamment, l’arrivée massive des réfugiés pourrait compromettre les futures revalorisations du salaire minimum et donc les évolutions à la hausse des coûts salariaux. À l’inverse, l’Espagne et l’Italie se sont engagées depuis la crise dans une compression salariale nettement plus vigoureuse qu’en France (graphique 3). Cette concurrence exacerbée ne peut être ignorée. Si elle perdurait, elle pourrait lourdement remettre en question les résultats des efforts récents de la France.

17-27- Compétitivité - Graphiques

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Ces évolutions contrastées rappellent combien les divergences de compétitivité-coût au sein d’une zone monétaire sont problématiques. Elles posent aussi la question de la norme d’évolution des salaires en zone euro : sur la période antérieure à la crise, tant la modération salariale observée en Allemagne que l’inflation excessive des rémunérations dans le sud de la zone euro ont contribué à l’accumulation des déséquilibres.

La question de la résorption des déséquilibres passés se pose avec une acuité particulière au sein d’une zone euro où coexistent de très forts excédents courants (Pays-Bas, Allemagne) et une majorité de situations voisines de l’équilibre. L’impuissance de la zone euro à corriger ces déséquilibres, en dépit de l’existence d’une procédure dédiée à cet objectif, est un motif d’inquiétude. C’est d’autant plus vrai dans un contexte où l’ajustement intervient essentiellement par la compression des coûts salariaux des pays du sud, sans baisse du surplus d’épargne allemand. Cela contribue au déficit de la demande agrégée et aux pressions désinflationnistes.

Deuxièmement, on peut s’interroger sur les dynamiques qui régissent les coûts de production français :

  • en termes de négociations salariales [8], alors qu’avant la crise financière l’évolution des salaires réels était en phase avec celle de la productivité, elle a été plus dynamique que la productivité au moment du choc de 2008-2009, sans véritablement corriger ce décalage en niveau par la suite. En outre, depuis le début des années 2000, la France connaît une faible réactivité des salaires au taux de chômage, comme le traduit l’aplatissement assez important de la courbe de Phillips : le mécanisme correcteur par les salaires lorsque la compétitivité se dégrade fonctionne désormais moins bien ;
  • la compétitivité ne s’apprécie pas seulement par le niveau relatif des coûts salariaux mais aussi par le prix relatif des biens et services échangés par rapport à ceux qui ne le sont pas. Une économie compétitive est celle qui assure une rémunération relative élevée au travail et au capital qui s’engagent dans la production de biens et services exportables. En comparaison de l’Allemagne, le secteur exportateur français souffre du prix élevé d’intrants non salariaux comme l’immobilier ou de celui des biens et services produits par certains segments du secteur abrité. Ces derniers s’expliquent par différents facteurs : un coût du travail élevé, porté notamment par le niveau du salaire minimum dans un secteur intensif en travail peu qualifié [9], une efficacité insuffisante des entreprises et un manque de concurrence notamment dans certaines professions réglementées qui sont utilisées comme intrants par le secteur exposé. Le niveau trop élevé du prix relatif des biens et services du secteur abrité handicape le complet redressement de la compétitivité-prix [10] ;
  • enfin, alors que les prix de l’énergie seront désormais en grande partie déterminés par la fiscalité des émissions carbone et les objectifs de réduction d’émissions de CO2, la bonne application des engagement internationaux par toutes les parties va devenir un élément essentiel de la compétitivité-prix relative (encadré 5).

[4] C’est-à-dire par rapport à un panier de monnaies représentatif du commerce extérieur de la France.

[5] Estimation réalisée à partir d’un taux de CICE de 6 % sur les salaires inférieurs à 2,5 SMIC appliqué sur l’assiette salariale déclarée aux URSSAF en 2014.

[6] Le taux de marge des entreprises du secteur manufacturier hors énergie a baissé de plus de 5 points entre 2000 et 2010 et s’est redressé depuis début 2015.

[7] D’autres mesures comme le calcul de taux de change d’équilibre interne à la zone euro, reposant directement sur les évolutions du compte courant, indiquent une quasi-stagnation des écarts de prix relatifs entre la France et l’Allemagne, dont la résorption assurerait l’équilibre externe de chaque économie. Voir « Give recovery a chance », rapport 2016 de l’IAGS, chapitre 3.

[8] Cette note est publiée alors qu’une réforme du dialogue social et donc du mode de négociation des salaires est en cours de discussion.

Encadré 3 

La dégradation de la compétitivité française au cours de la décennie 2000

Sur la décennie 2000, la France a connu une longue période de détérioration de sa compétitivité autant dans sa dimension prix que hors prix [28]. Celle-ci s’est surtout opérée vis-à-vis de l’Allemagne, principal concurrent sur les marchés internationaux. Cette détérioration relative s’explique en grande partie par les évolutions exceptionnelles du côté allemand où les exportateurs ont bénéficié d’une forte compression de leurs coûts relatifs et ont su mener une politique de montée en gamme importante de leur production [29]. Elle a aussi pour origine le relatif dynamisme en France du coût du travail (graphique A) et des intrants non salariaux (consommations intermédiaires domestiques ou importées, et immobilier notamment) ainsi qu’une détérioration de la compétitivité hors prix.

Graphique A

La forte modération salariale des années 2000, notamment dans le secteur abrité, a procuré à l’Allemagne un avantage considérable qui a pesé sensiblement sur la France [30]. Elle a non seulement permis une évolution modérée des salaires dans le secteur exportateur allemand mais a aussi agi sur les coûts d’autres intrants comme le prix des consommations intermédiaires domestiques (services aux entreprises, transports, etc…) ou de l’immobilier. À cela s’est ajoutée une stratégie d’optimisation des chaînes de valeur par les exportateurs allemands (via une externalisation plus marquée d’une partie de leur production notamment dans les pays de l’est) qui a joué positivement sur le coût des consommations intermédiaires importées [31]. De même, la France a souffert plus que l’Allemagne de l’appréciation de l’euro au début de la décennie 2000 (plus de 15 % en termes réels) en raison d’une plus forte sensibilité-prix de ses exportations au taux de change [32].

À l’inverse, les coûts salariaux unitaires nominaux ont été beaucoup moins dynamiques en France avant la crise qu’ils ne l’étaient en Espagne et en Italie, ses deux autres partenaires majeurs en zone euro. Ainsi, sur la décennie 2000, la France s’est située entre la forte modération salariale en Allemagne et les évolutions de salaires dans les pays du sud, excessives relativement à celles de la productivité.

[28] Voir Bas et al., op. cit.

[29] CEPII (2013), « EU External Competitiveness: Recent Developments », final report, November, European Commission, Directorate-General for Trade.

[30] Le Moigne M. et Ragot X. (2015), « France et Allemagne : une histoire du désajustement européen », Document de travail 2015-17, OFCE.

[31] Fontagné L. et Gaulier G. (2008), « Performances à l’exportation de la France et de l’Allemagne », Les rapports du CAE.

[32] Berthou A. et Fontagné L. (2010), « Les effets de l’introduction de l’euro sur les exportateurs français : une analyse sur données individuelles », Revue d’économie politique 2010/2 (Vol. 120).

Encadré 4 

CICE et Pacte de responsabilité

Depuis sa mise en place, le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a permis l’ouverture de droits à créance pour un montant de 27,4 milliards d’euros dont 17,5 milliards au cours de la seule année 2015. Fin 2015, 18,6 milliards de CICE ont été effectivement consommés par les entreprises dont 12,2 milliards versés durant la seule année 2015.

Le CICE s’inscrit désormais dans un ensemble de mesures fiscales et sociales en faveur des entreprises d’un montant total qui se chiffre à 40 milliards d’euros par an.

Aux 20 milliards versés au titre du CICE, par an et à plein régime, s’ajoutent :

  • la suppression de toutes les cotisations de sécurité sociale au niveau du SMIC, soit 4,5 milliards d’euros ;
  • la baisse de 1,8 point du taux des cotisations familiales pour les employeurs sur les salaires jusqu’à 3,5 SMIC (4,5 milliards d’euros), ainsi qu’une baisse des cotisations familiales pour les indépendants (1 milliard), qui est appliquée jusqu’à 1,6 SMIC en 2015, avec un passage à 3,5 SMIC en avril 2016.

Sur le plan fiscal, le Pacte de responsabilité prévoit une réduction additionnelle des prélèvements sur les entreprises qui à terme se montera à 10 milliards d’euros via :

  • la suppression en 2017 de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) pour une valeur de 6 milliards, avec une première réduction équivalente à 1 milliard dès 2015 sous la forme d’un abattement ;
  • la suppression de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés en 2016, tandis que le taux normal passera de 33,3 % actuellement à 28 % en 2020 avec une première étape dès 2017.

Le volet « solidarité » du Pacte prévoit 5 milliards d’euros d’allégements fiscaux et sociaux en faveur des ménages les plus modestes.

Graphique B

Impression

Les évolutions relatives du prix de l’énergie et la taxation des émissions carbone jouent un rôle non négligeable dans la compétitivité, plus particulièrement pour certains secteurs exposés. Des pays cherchent à améliorer leur compétitivité en étant moins disant sur la réduction des émissions de CO2 ce qui a constitué un des principaux points d’achoppement des négociations internationales. Chaque pays redoutant de s’engager à faire plus d’efforts que légitime et supportable pour la compétitivité de son industrie, la communauté internationale s’est enfermée dans un cercle vicieux de réductions très insuffisantes des émissions. C’est notamment à l’aune de la capacité à casser ce cercle vicieux que l’on pourra juger du succès de l’Accord de Paris pour le climat signé en décembre 2015.

Encadré 5  

Compétitivité, énergie et climat

Les principaux secteurs consommateurs d’énergie et émetteurs de CO2 sont les transports (32 % de la consommation d’énergie finale et 43 % des émissions de CO2), le résidentiel-tertiaire (respectivement 45 % et 26 %) et l’industrie (respectivement 19 % et 16 % hors secteur énergétique). Le secteur des transports, particulièrement intensif en carbone en raison de l’usage très important des hydrocarbures, et celui du résidentiel-tertiaire sont ceux où les gisements de gains, tant en efficacité énergétique qu’en réductions potentielles d’émissions de CO2 sont les plus importants. L’accroissement ou la réorientation des investissements vers les gains d’efficacité énergétique ne seront pas suffisants et il faudra des transferts d’usage d’énergie carbonée vers des énergies décarbonées significatifs pour stabiliser le climat ce qui suppose le développement et le déploiement rapides de nouvelles technologies.

Le secteur industriel, qui représente 18 % des émissions de gaz à effet de serre, doit également contribuer à l’effort de réduction comme le prévoit la stratégie nationale bas-carbone (avec une baisse de 24 % à l’horizon 2028). Compte tenu de l’importance du secteur pour l’économie, il conviendra de privilégier – comme dans les autres secteurs d’ailleurs – les actions procurant le meilleur ratio « coût-bénéfice », de favoriser l’innovation ou encore les transferts d’usage.

En tenant compte des effets directs et indirects, une hausse du coût de l’énergie équivalente à 1 % du PIB se traduit par une activité économique inférieure de 1 % par rapport au scénario de référence. Si une partie de cette hausse du coût de l’énergie est due à la taxation des émissions carbone, l’effet récessif de cette taxation supplémentaire peut être compensé si les sommes prélevées sont redistribuées notamment pour financer l’investissement et l’emploi. L’effet sur le PIB du renchérissement du prix de l’énergie dépend de nombreux facteurs, il en est de même pour l’effet sur la compétitivité. Il est cependant clair qu’une économie bénéficiant d’une compétitivité « hors prix » importante par la qualité de ses produits sera moins sensible à des augmentations du prix de l’énergie, indépendamment des mesures prises par les pays partenaires.

Les secteurs producteurs d’énergie représentent 12 % des émissions nationales, ce qui est modeste à l’aune de la plupart des pays européens. Afin de jouer pleinement leur rôle en permettant les transferts d’usage évoqués, les énergies carbonées doivent être progressivement remplacées par une extension des moyens de production décarbonés ou combinées avec de la capture et du stockage du carbone quand la maturité technico-économique sera atteinte. La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), instituée pas la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), doit fixer au printemps les contours du mix énergétique français pour les dix à vingt prochaines années.

Les investissements nécessaires à ces changements ont été quantifiés dans diverses études et se mesurent en dizaines de milliards d’euros par an, sur la période 2015-2030, principalement dans la rénovation du bâtiment et la production d’énergie ainsi que, dans une moindre mesure, dans le domaine des transports et celui des secteurs industriels. Ces investissements supplémentaires vont se traduire par une hausse des coûts de production qui doit impérativement être compensée par les gains d’efficacité qu’ils permettront d’atteindre compte tenu de l’évolution des prix relatifs des différentes énergies. Par ailleurs, le secteur de l’énergie constitue un secteur industriel en soi, créateur d’emplois et de richesses et dans lequel la France a longtemps été performante et exportatrice de technologies. Innover tant dans l’efficacité énergétique que dans la production d’énergie décarbonée ou dans les transferts d’usages doit lui permettre de renouveler sa compétitivité tout en diminuant ses émissions de gaz à effet de serre.

L’enjeu principal : renforcer la compétitivité hors prix

À moyen terme, c’est avant tout la dimension hors prix de la compétitivité qui détermine l’évolution des parts de marché et le dynamisme de l’économie. Ceci est d’autant plus vrai que la concurrence exercée par les économies émergentes va s’accentuer car elles vont poursuivre leur montée en gamme.

Les études convergent sur le fait que la compétitivité hors prix de la France se situe dans une position médiane au sein des économies avancées, notamment très sensiblement en deçà de l’Allemagne, leader mondial de ce point de vue dans de nombreux secteurs. Dans une note rédigée pour le Conseil d’analyse économique, Bas et al. [11] placent la France au 7è rang des pays de l’OCDE pour la compétitivité hors prix. Sur 102 secteurs analysés, la France classe 55 secteurs dans le top 10 de l’OCDE en termes de qualité. L’Allemagne avec 85 secteurs est loin devant mais aussi l’Italie, la Suisse, les Pays-Bas et le Royaume-Uni (entre 57 et 65 secteurs).

Plus inquiétant, ces études montrent un décrochage depuis 2008 de la compétitivité hors prix française avec un recul sur plusieurs secteurs comme les appareils de distribution électrique, le vin, les pièces détachées automobile et l’ameublement (encadré 6). Si des secteurs comme l’aéronautique, certains segments de la pharmacie ou des services, les cosmétiques, les boissons alcoolisées et la maroquinerie ont su monter en gamme, construire une image de marque et s’imposer parmi les leaders mondiaux de leurs secteurs respectifs, ils constituent cependant une part insuffisante des exportations totales.

Comment expliquer l’insuffisante performance qualité des exportations françaises ces quinze dernières années ? La dimension hors prix de la compétitivité, qui se confond en grande partie avec la capacité de l’économie française à générer des gains de productivité [12], souffre d’un certain nombre de déficiences préoccupantes.

Qualification et compétences de la population active

La population active française accuse, par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE, un déficit systématique sur les différents indicateurs des compétences requises dans un cadre professionnel (graphique 5) [13]. D’où provient ce déficit ?

D’une part, la massification scolaire s’est faite avec retard en France, impliquant que les cohortes les plus âgées actuellement sur le marché du travail accusent un retard conséquent en termes de formation initiale, qui continue à peser sur les qualifications moyennes de la population active.

D’autre part, et cela est beaucoup plus inquiétant, l’enquête PISA, qui évalue les compétences des élèves au moment de l’enseignement secondaire, comme l’enquête PIAAC, qui mesure les compétences des actifs, révèlent les mauvaises performances du système de formation initiale français. L’enquête PISA montre que le niveau moyen des élèves français du secondaire se situe dans la moyenne du classement de l’OCDE et surtout que le système scolaire français nourrit plus qu’ailleurs les inégalités et induit par là un fort déterminisme social.

L’enquête PIAAC, qui permet de regarder le niveau des compétences des jeunes actifs récemment sortis du système scolaire, démontre que les difficultés identifiées par l’enquête PISA au niveau du secondaire ne sont pas réglées au moment de l’entrée sur le marché du travail. Le niveau de compétence des 25-34 ans est en dessous de la moyenne des pays participants à l’enquête et l’écart de compétence selon l’origine sociale est plus important que dans les autres pays [14]. Ceci indique l’incapacité des dernières années du secondaire et de l’enseignement post-secondaire (professionnel ou supérieur) à effacer le retard que certains élèves ont accumulé lors de la première partie de la scolarité, et ceci malgré la hausse importante du niveau moyen d’études.

Les enquêtes de l’OCDE révèlent également une obsolescence rapide des compétences acquises par les Français lors de leur formation initiale. Cette déqualification, une fois entré dans la vie active, met en évidence un problème au niveau de l’accès à la formation continue. Cette dernière bénéficie peu aux personnes dont les besoins sont les plus importants : en 2013, 36 % de la population active adulte française participe chaque année à une activité de formation contre 50 % en moyenne dans l’OCDE et 70 % dans les pays nordiques. Alors que 56 % des diplômés de l’enseignement supérieur participent à des formations, cette proportion n’est que de 17 % chez les individus qui n’ont atteint que le deuxième cycle.

 

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Pratiques organisationnelles dans les entreprises

La littérature récente sur la productivité a montré qu’une part substantielle des écarts de productivité entre pays ou entre entreprises s’explique par la qualité du management et des pratiques organisationnelles [15]. Cette littérature met en avant plusieurs dimensions d’un management efficace : (i) capacité à évaluer et à superviser la performance et à améliorer les procédés existants ; (ii) capacité à fixer des objectifs adéquats, à les respecter et à modifier la stratégie en cas d’incohérence entre objectifs et résultats ; (iii) capacité à décentraliser le processus de décision, à autonomiser les salariés et à les faire travailler en équipe ; (iv) capacité à utiliser au mieux les ressources humaines en mettant en place des systèmes d’incitation à la performance et de promotion des talents.

Les enquêtes sur la qualité du management et des pratiques organisationnelles au sein des entreprises révèlent un déficit important de la France dans ce domaine. L’indicateur synthétique du World Management Survey place la France assez loin des économies anglo-saxonnes, de l’Allemagne ou des économies  [16]. Encore plus alarmant, les enquêtes conduites au niveau européen par Eurofund aussi bien auprès du management des entreprises que des salariés révèlent un retard important de la France dans toutes les dimensions identifiées comme influençant positivement la qualité du management (autonomie des salariés, encadrement des managers, organisation du travail…) (graphique 6).

Cette faiblesse serait directement liée au déficit de compétences de la population active et au moindre renouvellement de notre tissu productif, la littérature ayant établi que les bonnes pratiques managériales sont corrélées avec la qualité du capital humain et l’intensité de la concurrence sur le marché des biens et services. Des facteurs d’ordre culturel semblent également être à l’origine de la rigidité de nos structures hiérarchiques. En effet, les enquêtes internationales montrent clairement que les Français entretiennent un plus fort niveau de défiance envers la plupart de leurs institutions et en particulier envers l’entreprise [17]. Cette mauvaise qualité des relations sociales et cette incapacité à se faire confiance limitent fortement les possibilités de coopération et donc la mise en œuvre de meilleures pratiques managériales. Enfin, la littérature met en évidence que la qualité du management est meilleure dans les entreprises dont la structure actionnariale est diversifiée ou qui sont dirigées par des PDG indépendants du propriétaire historique [18]. Or, dans les comparaisons internationales, la France ressort comme un pays où le degré de contrôle familial des entreprises reste très important [19].

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Dynamisme du tissu productif et entreprises exportatrices

Le dynamisme du tissu productif et l’intensité du processus de destruction-créatrice ne permettent pas de faire émerger suffisamment d’entreprises capables d’exporter et de rivaliser avec la concurrence internationale (graphique 7). En particulier, les entreprises les plus productives ne sont pas celles qui grandissent le plus – en embauchant et en attirant des capitaux – alors que de nombreuses entreprises trop peu productives restent en place.

L’efficience allocative, c’est-à-dire l’efficacité d’une économie à allouer ses facteurs de production de manière à ce que les entreprises les plus productives grossissent en attirant capitaux et travailleurs, tandis que les moins productives se réduisent, voire disparaissent, semble trop faible en France. Selon des travaux récents conduits par l’OCDE, l’efficience allocative française est assez largement en dessous de celle des États-Unis, de l’Allemagne, de la Suède ou de la Finlande [20]. En dynamique, Fontagné et Santoni [21] indiquent que l’allocation du facteur travail entre les entreprises du secteur manufacturier serait même moins efficiente en 2008 qu’elle ne l’était au début des années 2000.

17-27- Compétitivité - Graphiques

Ceci se matérialise notamment par un déficit d’entreprises de taille intermédiaire capables d’exporter. Sur plus de trois millions d’entreprises en France, seules 125 000 exportent des marchandises. En comparaison, l’Italie en compte le double et l’Allemagne près de trois fois plus. Du point de vue de l’exportation, le principal point faible de la France est le nombre insuffisant d’entreprises de taille intermédiaire [22] (ETI) : avec 4 600 ETI, la France en compte deux fois moins que l’Allemagne qui en recense 10 000, quand le Royaume-Uni en totalise 8 000 (encadré 7).

Enfin l’innovation est un facteur important du renouvellement du tissu productif et de la capacité à gagner des parts de marchés à l’international [23]. Si la France s’est dotée d’une politique d’innovation ambitieuse, et si certaines industries sont des leaders mondiaux dans leurs domaines (aéronautique et certains segments du secteur pharmaceutique par exemple), les classements internationaux sur l’innovation révèlent un positionnement intermédiaire qui place le pays derrière les leaders comme l’Allemagne ou la Suède [24].

Diffusion du numérique dans les entreprises françaises

Les entreprises françaises n’ont pas encore adopté assez largement les technologies numériques (graphique 8) alors que celles-ci sont devenues un déterminant essentiel des gains de productivité, de l’innovation et donc de la compétitivité. Ceci est d’autant plus dommageable que l’industrie 4.0 va profondément bouleverser l’ensemble des modes de production à partir d’une utilisation plus intensive de ces outils numériques.

La moindre diffusion du numérique dans l’économie pourrait s’expliquer, là encore, par le déficit de compétences de la population active et la faiblesse du management : pour investir dans les nouvelles technologies, les entreprises ont besoin d’une main-d’œuvre capable de s’adapter et de maîtriser ces nouveaux outils ainsi que d’un encadrement disposé à s’appuyer sur ces outils pour améliorer la performance [25]. L’environnement réglementaire, dont le degré de concurrence, joue également un rôle essentiel dans la diffusion des outils numériques. Une note dédiée au numérique sera publiée dans les prochaines semaines dans le cadre du projet 17/27.

17-27- Compétitivité - Graphiques

[9] Chagny O. et Lainé F. (2015), « Comment se comparent les salaires entre la France et l’Allemagne ? », La Note d’analyse n°33, août.

[10] Pour une évaluation voir Sy M. (2014), « Réduire le déficit des échanges extérieurs de la France : le rôle du taux de change interne », La Note d’analyse, France Stratégie, septembre.

[11] Voir Bas M., Fontagné L., Martin P. et Mayer T. (2015), « À la recherche des parts de marché perdues », Les notes du Conseil d’analyse économique n°23, mai.

[12] Sode A. (2016), « Comprendre le ralentissement de la productivité en France », La Note d’analyse n°38, janvier.

[13] Sans remettre en cause la validité de ses résultats, l’enquête PIAAC continue de faire l’objet de discussions notamment afin d’améliorer la comparabilité internationale des scores estimés. Voir Insee Analyses (2013), « Mesurer les compétences des adultes : comparaison de deux enquêtes ».

[14] Voir la note France de l’OCDE pour l’enquête PIAAC.

[15] Voir Bloom N., Renata Lemos R., Sadun D. et Van Reenen J. (2014), « The New Empirical Economics of Management », CEP Occasional Paper, n° 41.

[16] Le World Management Survey est un projet collaboratif qui regroupe des chercheurs de la London School of Economics, des universités de Stanford, Harvard Business School, Oxford et Cambridge. Il étudie les pratiques de management dans l’industrie à partir d’enquêtes faites auprès des managers de 20 000 entreprises dans 35 pays. Voir http://www.worldmanagementsurvey.com/

[17] Algan Y., Cahuc P. et Zylberberg A. (2012), La fabrique de la défiance, Albin Michel.

[18] Bloom N., Sadun R. et Van Reenen J. (2015), « Do Private Equity Firms Have Better Management Practices? », American Economic Review.

[19] Mueller H. et Philippon T. (2006), « Family Firms, Paternalism, and Labor Relations », novembre.

[20] À partir des données d’entreprise de la base ORBIS, l’OCDE a construit un indicateur d’efficience allocative qui mesure le degré de corrélation entre la taille des entreprises (en termes d’employés) et le niveau de leur productivité.

[21] Fontagné L. et Santoni G. (2015), « Firm Level Allocative Inefficiency: Evidence from France », CEPII Working Paper, n°2015-12, juillet.

[22] Les entreprises de taille intermédiaire sont celles qui emploient moins de 5 000 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 1,5 milliard d’euros pour un total de bilan annuel inférieur à 2 milliards d’euros.

[23] Voir Harfi M. et Lallement R. (2016), Quinze ans de politique d’innovation en France, Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation, janvier, France Stratégie.

[24] Voir par exemple « European Innovation Scoreboard », Commission européenne.

[25] Haller S.A. et Siedschlag I. (2011), “Determinants of ICT Adoption: Evidence from Firm-Level Data”, Applied Economics, Vol. 43(26).

Encadré 6  

La position de la France en termes de compétitivité hors prix 

Les trente dernières années ont été marquées par l’émergence dans le commerce international de nouveaux pays, sources de concurrence pour les entreprises françaises. Après le temps où ces pays émergents se sont limités à exporter des produits bon marché mais de faible qualité, est aujourd’hui arrivé le moment où plus qu’à une concurrence vers le bas, c’est bien à une concurrence vers le haut, vers la qualité, à laquelle les entreprises françaises sont confrontées.

Où se situent la France et ses principaux partenaires dans les échanges de produits de haute technologie ? En quinze ans, la Chine est devenue le premier exportateur de biens de haute technologie et réalise 24,5 % des échanges mondiaux, en hausse de 18,5 points depuis 2000 (graphique c). Dans le même temps, la France a vu la part de ses échanges dans ces produits reculer de 4,8 % à 4 % des échanges mondiaux.

17-27- Compétitivité - Graphiques-C

Après la Chine où les produits de haute technologie représentent 35,9 % des exportations (graphique D), en hausse de près de 12 points sur la période, c’est en France que ces produits pèsent pourtant le plus dans les exportations, avec une part stable à 24,5%[34].

[33] http://www.cepii.fr/cepii/fr/bdd_modele/bdd.asp

[34] Voir CEPII (2013), op. cit.

Si l’on regarde maintenant l’évolution des échanges par gamme, 40,3 % des exportations françaises sont des produits de haute qualité comme pour l’Italie, contre 48,2 % pour l’Allemagne et 42,6 % pour le Royaume-Uni (voir graphique D).

17-27- Compétitivité - Graphiques-D

À titre de comparaison, seulement 16,1 % des exportations chinoises sont des biens entrant dans cette gamme de produits de haute qualité, en hausse de 4,5 points depuis 2000. La part de marché chinoise dans les biens de haute qualité est cependant passée de 2,25 % à 7,1 % du commerce mondial entre 2000 et 2014 alors que la part de marché de la France, dans cette même gamme, a reculé sur la même période de 5,4 % à 4,65 % (graphique E).

17-27- Compétitivité - Graphiques-E

 

Encadré 7  

Trop peu d’entreprises exportatrices en France

Comme le montre l’exemple du Middlestand allemand, ce type d’entreprises est particulièrement important pour le dynamisme des exportations car elles constituent le réservoir des grandes entreprises de demain. Le manque de croissance des petites et moyennes entreprises en France et en Europe est un des facteurs identifiés pour expliquer le retard de productivité et de croissance par rapport aux États-Unis. Si le nombre de « jeunes pousses » est sensiblement le même des deux côtés de l’Atlantique, rapporté à la taille des économies, les entreprises françaises et européennes ont beaucoup plus de difficultés à croître rapidement [35]. Il en résulte que sur les 500 plus grandes entreprises de la planète, 3 seulement ont été créées après 1975 en Europe, contre 26 aux États-Unis et 21 dans les pays émergents. L’âge moyen de la capitalisation boursière est inférieur de près d’un tiers aux États-Unis par rapport à la France [36]. La France ne représente que 6 % des « licornes » technologiques européennes contre 17 % pour l’Allemagne, 25 % pour la Suède et 38 % pour le Royaume-Uni [37]. Les obstacles administratifs et réglementaires jouent un rôle important dans ce retard français. Les conditions de financement sont un autre facteur défavorable au développement des entreprises de croissance en France [38] même si la situation s’est améliorée avec un doublement des montants levés en capital-risque en 2015 par rapport à 2014 (selon le baromètre EY) ce qui place la France au 3è rang européen en termes de montants et au deuxième en termes d’opérations [39].

[35] OCDE (2014), Examens de l’OCDE des politiques d’innovation : France 2014, novembre.

[36] France Stratégie (2016), « L’âge moyen des grandes capitalisations françaises et américaines : 2000-2015 », à paraître.

[37] Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (2016) : « Quinze ans de politiques d’innovation en France », http://www.strategie.gouv.fr/publications/quinze-ans-de-politiques-dinnovation-france

[38] Fontagné L., Mohnen P. et Wolff G. (2014) : « Pas d’industrie, pas d’avenir ? », Les notes du conseil d’analyse économique, n° 13, juin.

[39] Baromètre du capital risque en France, Bilan annuel 2015, EY.

En ouverture au débat

Ces divers constats conduisent à retenir trois grands axes pour affermir les fondements de la compétitivité de l’économie française.

  1. Consolider la compétitivité prix au niveau national
  • Doit-on envisager une révision des mécanismes qui participent à la formation des salaires ? Notamment décentraliser davantage la négociation salariale au niveau de l’entreprise, en sorte de mieux tenir compte des écarts de productivité entre les entreprises ? Par ailleurs, la revalorisation annuelle du SMIC doit-elle mieux tenir compte de la productivité moyenne et de la situation du marché du travail, voire des évolutions de coûts salariaux chez nos concurrents ?
  • La politique de baisse du coût du travail via celle des cotisations sociales a-t-elle atteint ses limites ? Faut-il l’amplifier et continuer à cibler les bas salaires, ou au contraire faut-il la recalibrer pour cibler les salaires moyens ou élevés ? Faut-il aller plus loin et modifier le financement de la protection sociale pour en faire reposer une plus grande part sur d’autres facteurs que le travail ? Comment simplifier les nombreux dispositifs d’aide dont la complexité constitue un frein pour les entreprises et les investisseurs étrangers ?
  • Comment rééquilibrer les prix relatifs entre secteurs directement exposés à la concurrence internationale (industrie, agriculture, services internationalisés) et secteurs abrités (autres services, immobilier) ? Faut-il poursuivre l’accroissement de la concurrence et la libéralisation dans certains secteurs abrités et professions réglementées ?

2- Coordonner les politiques de compétitivité-coût à l’intérieur de la zone euro.

  • Selon quels principes et pour quels objectifs doit-on, en zone euro, envisager la coordination de la formation des prix et des salaires?
  • Faut-il créer des Conseils de compétitivité comme le recommande le rapport des cinq Présidents de l’Union européenne ?
  • Peut-on coordonner les politiques du salaire minimum ?
  • Que peut-on attendre d’une harmonisation fiscale et sociale au niveau de l’Union européenne ou de la zone euro ?

    3- Renforcer la compétitivité hors prix à travers une modernisation du tissu productif, sans doute la priorité pour la décennie qui vient

  • Comment favoriser la montée en gamme de la production et améliorer le couple qualité/prix ?
  • Comment renforcer l’attractivité du territoire pour les centres de production et de création de valeur ?
  • Comment améliorer les performances en matière d’éducation et de formation tout au long de la vie ? Quelles réformes mener en termes de formation des enseignants, d’organisation du travail à l’école et à l’université, d’autonomie, de sélection et d’orientation des élèves ?
  • Comment rendre plus accessible la formation professionnelle, notamment aux moins qualifiés ? Comment s’assurer de la qualité de l’offre de formation ? Faut-il créer un mécanisme de certification indépendante des formations ?
  • Comment favoriser la diffusion dans les entreprises des méthodes modernes de management ?
  • Comment accroître la diffusion des nouvelles technologies et des biens immatériels au sein du tissu productif français ? Est-ce un problème d’infrastructure publique, de manque de formation, de manque de concurrence ?
  • Comment favoriser l’innovation des entreprises et leur montée en gamme ? Quelle évaluation de nos divers dispositifs d’aide à l’innovation et notamment du Crédit d’impôt recherche ?
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Le débat

Jeudi 12 mai 2016 à 17h

Podcast du débat Compétitivité : que reste t-il à faire enregistré le 12 mai 2016.

Le débat « Compétitivité : que reste-t-il à faire » a réuni chefs d’entreprise, universitaires, acteurs publics, associations et think-tanks  autour des trois questions posées dans la note « Enjeux ».

La première question est celle de la compétitivité prix au niveau national, qu’il faut consolider. Doit-on envisager une révision des mécanismes qui participent à la formation des salaires ?

La seconde question est celle des politiques de compétitivité-coût et de leur coordination à l’intérieur de la zone euro. Selon quels principes et pour quels objectifs doit-on, en zone euro, envisager la coordination de la formation des prix et des salaires ?

La troisième question, sans doute prioritaire pour la décennie qui vient, est celle de la compétitivité hors prix à travers une modernisation du tissu productif. Ont ainsi été soulignés les enjeux de la montée en gamme de la production, de l’attractivité du territoire, des performances en matière d’éducation et de formation, de la diffusion des nouvelles méthodes de management et des moyens de favoriser l’innovation des entreprises.

Avec, notamment, les interventions de :

Eric LABAYE, président du McKinsey Global Institute
Michel GUILBAUD, directeur général du MEDEF
William ROOS, sous-directeur des politiques macro-économiques, à la direction générale du trésor.

Contributions

Les zones franches de brevets, une idée originale au service de la compétitivité hors coût – Mehdi Mahammedi-Bouzina – Cartes sur table
Depuis 2012, le gouvernement concentre ses efforts dans l’optique d’améliorer la compétitivité des entreprises françaises.

Pour une stratégie inclusive de montée en qualité de l’économie et de la société française – Bruno Palier – Co-directeur – Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po
Les Français ont perdu confiance dans leur avenir et dans celui de leurs enfants. La crainte du chômage, de la pauvreté, et surtout la conviction que les enfants n’auront pas les mêmes chances que leurs parents sont des sentiments de plus en plus partagés.

Favoriser le secteur productif pour renouer avec la compétitivité et la croissance – Fondation Concorde
L’économie française souffre d’un syndrome : une difficulté à produire des biens. L’industrie, qui faisait la force de notre pays auparavant, subit un déclin relatif par rapport aux autres secteurs, et absolu.

Document de travail pour le débat du 22 mai – Direction générale des entreprises

Politiques d’offre en économie ouverte : un dilemme du prisonnier quand la politique monétaire est contrainte ? – Guillaume Gaulier – Banque de France – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – CEPII
Cette contribution discute de la façon dont la concurrence internationale, en particulier dans un environnement macroéconomique défavorable, peut modifier les incitations à mettre en œuvre des politiques d’offre et les chances de succès de ces politiques.

Contribution au projet 2017-2027 de France Stratégie – Autorité de la concurrence
La présente contribution s’inscrit dans le cadre de l’appel à contributions lancé par France Stratégie en mars 2016 pour nourrir son analyse des enjeux et l’appuyer dans sa formulation de propositions relatives à la compétitivité de l’économie française.

Améliorer la compétitivité coût ne sert à rien si l’on n’en profite pas pour augmenter la compétitivité hors-prix – Florian Mayneris
Le décrochage de l’industrie française par rapport à ses partenaires commerciaux, notamment l’Allemagne, est régulièrement dénoncé. Spécialisation sectorielle ou positionnement géographique peu favorable et faible compétitivité-­prix ont souvent été mis en avant pour expliquer ce décrochage.

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