Les enjeux
La première partie de l’exercice, articulée autour de treize notes d’introduction aux débats, a permis d’identifier plusieurs lignes de force.
- Transition écologique et énergétique, transition numérique et mutations du travail : ces trois grands bouleversements altéreront profondément, et de façon quasiment certaine, notre environnement, notre quotidien et nos rapports sociaux.
- Le contexte économique et institutionnel immédiat est quant à lui plus incertain, tant l’environnement macroéconomique et le contexte européen apparaissent marqués par le risque.
- Enfin, une série de polarisations est manifestement à l’œuvre : la France est coupée en deux entre des métropoles dynamiques et des territoires à la peine ; la croissance ne rassemble plus les Français, tandis que les écarts de revenus et surtout de patrimoine se sont creusés ; le marché du travail est fortement segmenté ; nos choix collectifs ont souvent défavorisé les jeunes générations au bénéfice des moins jeunes.
La transition énergétique et écologique va requérir des investissements substantiels, à hauteur d’environ un point de PIB par an. La transition numérique appelle un effort parallèle pour l’innovation et l’adaptation des systèmes d’information. Un investissement national d’ampleur dans la formation initiale (éducation) et continue (compétences des actifs tout au long de la vie) est également nécessaire.
Les orientations qu’un pays se donne pour l’avenir se lisent souvent dans la trajectoire des finances publiques, tant sur le plan des dépenses que sur le plan des prélèvements. Il est urgent, en matière de dépenses, de retrouver la capacité aujourd’hui atrophiée d’allouer les moyens en fonction des priorités. Et une décennie ne sera sans doute pas de trop pour simplifier la structure des prélèvements et la mettre au service des finalités du pays.
Quelles actions critiques ?
Par nature, ce travail sur les enjeux d’ensemble a porté sur des questions larges et a débouché sur un éventail de grandes orientations. En complément, la quinzaine d’actions critiques retenues pour cette seconde phase de l’exercice éclairent des choix plus délimités et plus concrets. Il s’agit dans chaque cas ou presque d’identifier des options précises permettant de mettre en œuvre les grandes orientations discutées dans la première phase du travail : par exemple, de déterminer si la lutte contre le changement climatique sera mieux servie par la fixation, pour l’horizon 2030, d’une norme de consommation des véhicules de 2 litres aux 100 km ou, plutôt, par la fixation, pour l’horizon 2040, d’une norme zéro émission.
Ces actions critiques sont emblématiques des choix à opérer pour la décennie à venir. Elles ont été sélectionnées en fonction de leur capacité à concourir aux objectifs recensés dans la première phase du travail. Pour autant ont été mises en lumière à chaque fois plusieurs options pour y répondre, qui peuvent notamment résulter de préférences politiques divergentes. Nous nous sommes dans chaque cas attachés à instruire brièvement les questions posées, à expliciter pourquoi l’action dans le domaine correspondant peut avoir un caractère critique, et à dessiner à grands traits les options concurrentes entre lesquelles un choix devra être opéré.
Les premières actions critiques :
- Les résultats insatisfaisants de notre système éducatif et les impasses que rencontre aujourd’hui son pilotage centralisé nous font privilégier une plus grande autonomie des établissements scolaires. Ce concept peut cependant se traduire par des approches très différentes, que nous nous attachons à distinguer.
- L’échec et la fréquence des réorientations en début de parcours dans le supérieur commandent également de réfléchir à la transition entre lycée et enseignement supérieur. La continuité des enseignements peut être renforcée, soit en créant dans le cadre actuel des filières intégrées entre le lycée et le supérieur, soit en mettant en place des enseignements modulaires avant et après le baccalauréat.
- Les mutations du travail, dont l’ampleur reste à déterminer, exigent de repenser la protection des actifs, tant en termes de droits du travail qu’en termes de protection sociale. Nous envisageons deux grandes options : l’une qui propose d’adapter le système actuel pour mieux prendre en compte toutes les formes d’emploi ; l’autre qui ambitionne de créer un statut général de l’actif qui protège chacun, quel que soit son statut.
- Notre système de retraite, aujourd’hui à l’équilibre, reste vulnérable aux aléas de la croissance à moyen terme. Afin de le rendre plus robuste, trois options sont envisageables : piloter les ajustements au fil de l’eau, sous-indexer de manière pérenne les pensions par rapport aux salaires, ou les réindexer sur les salaires après une phase transitoire de sous-indexation.
- Le patrimoine des Français augmente plus vite que leurs revenus, il est de plus en plus détenu par les générations âgées et la transmission du patrimoine s’opère de plus en plus tard. Dans ce contexte, une réflexion d’ensemble sur notre système fiscal en matière de successions et de donations est aujourd’hui nécessaire pour réduire l’inégalité entre héritiers et non-héritiers, et favoriser la transmission du patrimoine à des générations plus jeunes.
- Notre fiscalité du logement favorise le statut de propriétaire occupant. Ce faisant, elle freine la mobilité, d’autant qu’elle taxe également lourdement les transactions, et désavantage indirectement les jeunes générations pour lesquelles l’accès à ce statut est plus difficile. C’est pourquoi nous suggérons quatre pistes de réforme fiscale.
- La vague d’innovations disruptives, portées par le numérique et demain par d’autres technologies émergentes, crée de nouveaux marchés et bouleverse l’économie de nombreux secteurs. Pour y répondre, deux options s’ouvrent pour les pouvoirs publics : ouvrir le champ à l’expérimentation ou édicter des principes généraux et laisser les entreprises se lancer.
- La transition énergétique, la baisse du coût des énergies renouvelables et les aspirations des français pour une maîtrise locale de la production d’énergie font aujourd’hui envisager une modification profonde de notre système électrique. La France a le choix entre plusieurs options : le maintien du système centralisé actuel, la mise en place d’un modèle totalement décentralisé et enfin un système hybride où coexisteraient un réseau centralisé et des boucles locales de taille diverse.
- Le respect de l’Accord de Paris sur le climat suppose de transformer nos habitudes en profondeur, notamment en matière de transports. Des choix technologiques et industriels s’imposent cependant pour que les véhicules de demain parviennent à ramener leurs émissions de gaz à effets de serre à près de zéro.
- Si les crises que l’Europe traverse sont multiples, il semble particulièrement urgent pour la France de préciser son approche de l’avenir de la zone euro. Faut-il aller vers une responsabilité budgétaire individuelle des différents États membres, ou renforcer les mécanismes d’encadrement des déficits et de solidarité ?
Aucun des documents publiés dans ce cadre n’a vocation à refléter la position du gouvernement.