La décennie 2007-2016 aura été marquée par une profonde crise financière et un ralentissement important de la croissance mondiale. En 2017, un certain nombre des facteurs de perturbation se seront affadis, mais d’autres (vieillissement, endettement, ralentissement des émergents, aléas sur la productivité, transition énergétique et instabilité du contexte géopolitique) pèseront sur les perspectives. Quelle sera la résultante de ces forces contradictoires ?
À quoi ressemblera le travail demain ? Serons-nous tous entrepreneurs nomades ? Le contrat commercial aura-t-il remplacé le contrat de travail ? Les carrières « intermittentes » vont-elles devenir la règle et signeront-elles la fin du CDI ? Ces questions, suscitées notamment par la révolution technologique et par la numérisation de l’économie, renouvèlent une réflexion ancienne sur l’avenir du travail et interrogent sur la nécessité d’adapter les systèmes de protection des actifs (droit du travail et protection sociale).
La crise de la zone euro a révélé l’ampleur des désajustements de compétitivité et a montré l’importance des efforts nécessaires pour les corriger. Dans ce contexte, la France a mis en oeuvre ces dernières années une politique visant à rétablir sa compétitivité. Le problème est-il désormais derrière nous, ou au contraire toujours présent ? Qu’en est-il de la compétitivité-prix, de la compétitivité horsprix et de la régulation de la zone euro ?
Alors que la situation relative des jeunes se dégrade depuis plusieurs années (niveau de vie, emploi, logement, etc.), on assiste à une croissance des dépenses publiques concentrée sur les classes d’âge les plus élevées – financée par de l’endettement. Malgré les réformes successives de notre système de retraite et de notre système de soins, ces évolutions devraient se prolonger dans les années à venir. Faut-il rééquilibrer les transferts publics en direction des plus jeunes alors que nous devrons faire face à des besoins accrus liés au vieillissement ?
La transformation numérique est un enjeu de premier rang pour les modes de vie, l’organisation du travail, mais aussi la place de la France dans le monde. Pour en tirer parti, on ne saurait se contenter de l’attendre. La société française peut, dans toutes ses composantes, mettre en avant ses atouts (infrastructures, ingénieurs, déploiement des usages, etc.) ; mais les organisations, entreprises comme administrations, doivent s’engager encore davantage dans ce mouvement. Comment concilier, à terme, la construction d’un écosystème favorable au développement de l’économie numérique et la garantie des principes qui fondent la société française (protection sociale, éducation publique, protection de la vie privée, etc.) ?
L’Europe traverse une quadruple crise : crise de l’euro qui n’est pas réellement résolue, crise des réfugiés, crise sécuritaire, et crise existentielle qui, née d’une performance économique médiocre et de visions divergentes du projet européen, conduit certains pays et une part croissante des populations à contester les finalités et jusqu’à la pertinence de l’entreprise européenne. Sur ces quatre fronts, la décennie qui vient sera déterminante. Il est ainsi indispensable de clarifier les enjeux, de définir des scénarios pour l’avenir européen, et de préciser les options pour la France.
En matière de répartition du revenu et d’inégalités, la France fait figure d’exception : le partage du revenu ne s’est pas déformé en faveur du capital comme cela a été le cas dans beaucoup de pays, et les inégalités ont sensiblement moins augmenté qu’ailleurs. Cependant elle n’échappe pas aux transformations technologiques et économiques qui affectent les économies avancées. De nouvelles questions se posent : faut-il repenser l’arbitrage entre efficacité et égalité dans une économie d’innovation ? Quel peut être le rôle de la fiscalité ? Comment assurer l’équité entre générations ?
Les attentes des Français à l’égard du système éducatif sont fortes, multiples, et apparaissent largement déçues – et les comparaisons internationales étayent ce sentiment. Nos défaillances ont un coût social considérable, ce qui justifie d’opter pour une logique de dépenses préventives, et donc de se projeter sur le long terme. Pour fixer des objectifs, il convient de commencer par définir les finalités que l’on assigne à l’École et d’identifier ce qui, dans l’état actuel du système éducatif, dysfonctionne et doit être réformé : formation et carrières des enseignants, programmes, pédagogie, gouvernance des établissements et de l’administration, affectation et suivi des élèves… Il faut ensuite examiner l’allocation et l’efficacité de l’investissement collectif dans l’éducation.
Le niveau et les priorités de la dépense publique sont au coeur des débats politiques, comme le sont le niveau et la tendance de l’endettement. Aujourd’hui, la dépense publique est plus forte en France que chez ses partenaires, sans que l’on sache toujours bien dans quelle mesure cet écart s’explique par des choix collectifs ou par des différences d’efficacité. Au cours des dix prochaines années, plusieurs évolutions majeures sont susceptibles d’affecter – en positif ou en négatif – les risques économiques et sociaux et la dépense publique : perspectives macroéconomiques et financières, changement climatique, vieillissement, immigration, développement du numérique, etc. Il s’agira d’abord d’apprécier les conséquences pour la gestion des finances publiques des changements possibles du contexte économique et financier, ensuite de prendre la mesure des effets des mutations économiques, sociales et géopolitiques prévisibles.
La France déploie une large gamme de politiques visant à favoriser l’accès à l’emploi et à assurer sa qualité en termes de rémunération ou de stabilité. Elle reste néanmoins marquée par un niveau de chômage élevé, qui connaît peu de variabilité par rapport à ses partenaires européens. L’exclusion du marché du travail affecte par ailleurs inégalement la population française, ce qui engendre des difficultés sociales croissantes. Cela invite à s’interroger sur la nature des objectifs qui peuvent être assignés à la politique de l’emploi (taux de chômage ? taux d’emploi ? qualité de l’emploi ? fluidité des parcours ?) et sur la nature des instruments sur lesquels elle peut prendre appui (dépense publique, fiscalité et transferts, politiques du marché du travail, politiques connexes).
La dynamique des territoires est au coeur des défis de la croissance inclusive, de l’emploi et du développement durable auxquels la France fait face. Pour la décennie à venir, on doit s’interroger sur la possibilité de combiner une croissance soutenue – dont les principaux moteurs sont aujourd’hui dans les concentrations urbaines – avec une réduction des inégalités à la fois entre les individus et entre les territoires. Faut-il privilégier un traitement individuel des inégalités ou une réponse au niveau des territoires ? Comment libérer le potentiel de croissance des métropoles tout en assurant une amélioration de la situation et du bien-être de l’ensemble de la population ?
L’Accord de Paris, adopté à l’issue de la COP21, modifie notre vision de la lutte contre le changement climatique et nous oblige à envisager le passage à une société sans carbone à moyen terme. Avec une réduction de plus de 20 % de ses émissions de gaz à effet de serre depuis 1990, la France semble bien partie. Atteindre un objectif de neutralité carbone dans la deuxième moitié de ce siècle n’est cependant pas acquis. C’est la question de l’ampleur et du rythme des efforts que nous devons réaliser dans les dix à quinze prochaines années qui est posée, et celle des priorités à sélectionner pour être à la hauteur du défi.